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EAN : 9782228313001
237 pages
Payot et Rivages (30/11/-1)
3.5/5   3 notes
Résumé :
Dans sa Psychopathologie de l'échec, René Laforgue tente de cerner les aspects cliniques du syndrome d'échec. Par là même, il se situe dans la ligne d'un des ouvrages les plus lus de Freud, Psychopathologie de la vie quotidienne, qui souligne l'intention sous-jacente aux ratés courants de la vie. L'acte « manqué » est une explicitation réussie qui se fait malgré nous. Accompagné ou non d'angoisse, il se situe dans la ligne d'un refus face à un projet inassumé. Il y ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Voici donc un bouquin qui s'interroge sur une pathologie bricolée depuis Freud et dont le charmant sobriquet est le suivant : « psychopathologie de l'échec ». Penchons-nous sur cet étrange phénomène qui semble n'épargner aucun individu : la tendance au ratage (celle-ci survenant toujours tôt ou tard, rassurez-vous). Cette tendance peut s'exprimer de multiples manières. Pour ne citer qu'un exemple : « notons simplement qu'un être, en vertu d'une obscure nécessité intérieure, peut choisir comme conjoint une personne qui lui est contraire et qui, par la force des choses, deviendra son ennemi ». Quelle est la nature de cette obscure nécessité intérieure ? Pour René, il s'agit d'un comportement pathologique qui se rapporte en premier lieu, comme vous vous en seriez doutés si vous avez suivi n'importe quel mooc sur Freud, à la culpabilité. Lacan-canette viendra plus tard pour nous dire que ce ratage est au coeur même de l'être de l'étant en tant que seule manifestation de ce qui échappe justement au Réel, ce qui nous sort un peu de la sacro-sainte culpabilité. Mais ne nous précipitons pas dans l'anachronisme torve.


René lorgne parfois vers le côté de la psychosomatique. L'échec ne se traduirait pas seulement par des comportements socialement absurdes mais aussi par l'émergence de maladies : « Signalons maintenant les cas où l'échec, au lieu de se manifester par des troubles psychiques, des difficultés sociales ou un accident, se traduit par une maladie organique ». On sait que cette idée a fait longue route depuis mais ne se verse pas dans la psychosomatique qui veut, et René passe son tour.


La psychosomatique, c'est pas vraiment son truc à René. Surtout connu comme étant l'auteur du livre « le normal et le pathologique », il préfère remettre nos critères de jugement en question, discrètement, en passant. Parlant de ces individus frappés par le syndrome d'échec, il constate : « le mal dont ils portent en eux le germe représente une satisfaction douloureuse pour des aspirations inavouées ». La psychopathologie de l'échec est-elle une réelle pathologie de l'individu ou une pathologie de nos valeurs sociales et de nos critères de réussite ? « le concept de l'échec affectif est donc fonction de la mentalité collective à laquelle nous appartenons et dont nous avons adopté les notions de valeur. »


René n'écrira pas une brassée de pages sur le sujet car il l'a déjà bien fait dans « le normal et le pathologique » et il n'a sans doute pas envie de manger deux fois de suite de la même soupe. Il retourne alors à des suggestions psychanalytiques plus classiques, ce qui ne veut pas dire qu'elles sont inintéressantes. « La souffrance sous toutes ses formes, savamment dosée, est utilisée pour neutraliser le sentiment de culpabilité et pour payer la faute, afin de rétablir l'accord avec le super-ego persécuteur ». Mais d'où vient ce putain de super-ego ? Pour répondre à cette question, René nous rappelle deux-trois trucs sur les différences qui séparent le stade anal (stade magique) du stade oral (stade religieux), sur le complexe d'Oedipe et son économie multiforme. Ça ne répond pas vraiment à la question, mais ça aide à mettre des images sur des expériences compliquées.


Aussi pertinentes que puissent être ces analyses, elles semblent toutefois appartenir à une époque un peu différente de la nôtre où la lutte personnelle représentait également une lutte de classes. « Il ne suffit pas d'avoir des droits sociaux ni d'être doué pour modifier sa situation, il faut encore apprendre à utiliser ses droits et à se servir de ses dons. C'est ce qui détermine la véritable révolution, caractéristique du changement des individus et des classes au cours de leur émancipation sociale. » Mais d'où peut provenir la culpabilité à présent car, même si la lutte sociale existe encore, elle ne se présente plus sous forme de lutte des classes mais sous forme d'un manichéisme fataliste où le Mal triompherait toujours du Bien (si tant est que l'on croit que les pauvres gens luttant pour obtenir plus de fric à claquer à auchan le week-end représentent le Bien).


Autre chose, les troubles de la sexualité sont presque systématiquement rapportés à une homosexualité inconsciente. C'est un peu la solution miracle : parce que l'homosexualité ne faisait pas la Une des journaux abrutissants à l'époque, on imagine que tous les problèmes viennent de là. René rapporte cette homosexualité à un conflit oedipien mal résolu dans le cadre de la famille classique, cadre qui ne tient plus vraiment aujourd'hui. de plus, si on admet que l'homosexualité est une caractéristique psychique de base (mais il faudrait vraiment faire beaucoup d'efforts pour admettre que l'homosexualité soit plus naturelle que l'hétérosexualité, aucune des deux ne méritant cette triste attribution), cette origine des troubles de la sexualité serait donc peut-être à revoir et à élargir à des phénomènes plus larges que ceux de la seule homosexualité liée à l'irrésolution du conflit oedipien.


Pour appuyer plus généralement ses hypothèses, René ne va pas chercher ses cas cliniques parmi ses patients. Il a besoin qu'une vie se déroule devant lui pour chercher la source, la manifestation et le devenir du syndrome d'échec. Il traite de Rousseau, de Napoléon, de Robespierre, se basant sur ce que d'autres ont dit de lui et sur ce qu'on croit pouvoir raconter de sa vie psychique. Pour Robespierre par exemple, il résume ainsi :
« Nous savons déjà par quel sentiment d'infériorité incurable un enfant, qui n'a pas été aimé par sa mère, réagit dans la vie. Il se sent toujours haï. Par surcroît, son super-ego prend parti contre lui-même pour l'accabler, reproduisant l'attitude des parents. Rien d'étonnant à ce que, plus tard, Robespierre, d'enfant abandonné, devienne un être qui s'isole, qui pousse les autres à l'abandonner, à le persécuter. Il est vrai qu'il se défend contre ce danger. Il cherchera toujours à gagner son entourage et à prévenir son hostilité. Il devient sage et vertueux pour se concilier les êtres, pour cacher à leurs yeux la révolte profonde, la haine, les revendications par lesquelles, farouchement, il réagira aux misères de son enfance, à l'abandon de son père. Il s'efforcera de paraître inoffensif et désintéressé, malgré toutes les revendications accumulées. » L'exercice de démonstration est biaisé par l'hypothèse de départ mais se lit cependant agréablement. René défend bien sa gamelle et c'est une bonne affaire.
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
L’homme au service de sa destinée est semblable à une marionnette dont on tirerait les ficelles. Il faut du courage pour étudier la nature des forces qui nous dirigent, pour sacrifier les illusions que chacun tient à conserver sur lui-même et sur son entourage et pour collaborer avec le destin. Bien des gens reprochent à notre science d’être dangereuse. Elle ne l’est que pour ceux qui veulent fuir leurs responsabilités et pour les ennemis des hommes et des collectivités. De tout temps, il a été plus facile d’ignorer que de connaître sa destinée, mais le meilleur moyen de se réconcilier avec elle est de l’accepter, avec toutes ses possibilités et toutes ses déceptions.
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Il ne suffit pas d’avoir des droits sociaux ni d’être doué pour modifier sa situation, il faut encore apprendre à utiliser ses droits et à se servir de ses dons. C’est ce qui détermine la véritable révolution, caractéristique du changement des individus et des classes au cours de leur émancipation sociale.
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Au stade anal s’établissent partout des cadres rigides, des symétries, des équations et des formules rituelles auxquels se ramènent toutes les perceptions et toutes les expressions du sentiment. […] Avec le développement des pulsions génitales, au cours de la constitution du complexe d’Œdipe, l’enfant tend à entrer en compétition affective avec le parent du même sexe, en raison de l’attachement libidinal qui s’établit avec celui du sexe opposé. […]
La rivalité affective du garçon avec son père et de la fille avec sa mère détermine chez les deux sexes, comme nous l’avons vu plus haut, une angoisse d’un caractère particulier : l’angoisse de la castration. Pour se défendre contre elle, l’individu prend le contre-pied de son développement sexuel ce qui, dans les cas pathologiques […], entraîne une véritable inversion de la sexualité.
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Quand le garçon ou l’homme s’est accoutumé à prendre le contre-pied de son développement normal de crainte que celui-ci ne le mène vers des combats dangereux, cela se traduit non seulement par un affaiblissement de sa virilité psychique, mais également par celui de sa faculté d’érection organique. Dans ce cas, de peur d’avoir à risquer sa peau dans la lutte, le mâle se replie sur ses positions de départ ; il reste enfant et efféminé pour être épargné. Il s’ampute d’une partie de sa virilité de crainte que cette virilité même ne l’expose à des amputations.
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L’enfant au stade anal a une tendance à la constipation. Cette façon de retenir se traduit également, d’une manière paradoxale, sur le plan psychique par une faculté d’apprendre en retenant la « matière » psychique « digérée ». Ainsi la mémoire se développe par la faculté de former des souvenirs avec des impressions retenues et digérées par le psychisme.
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