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EAN : 9782130785507
120 pages
Presses Universitaires de France (11/01/2017)
3.53/5   19 notes
Résumé :
Parce que nous vivons dans un monde mauvais, tout auteur doit nécessairement se poser la question de savoir comment ne pas être complice, volontairement ou involontairement, des systèmes de pouvoirs : qu’est-ce qu’écrire dans une société marquée par la violence, la domination, l’exploitation ? Comment concevoir une pratique de la pensée qui ne contribue pas à la perpétuation de ce qui existe mais qui soit, au contraire, oppositionnelle ? Quels sens ont l’art, la cul... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Le nouveau livre de Geoffroy de Lagasnerie, PENSER DANS UN MONDE MAUVAIS, pose avec clarté et passion une question urgente de la pensée critique et innovante dans le monde contemporain: comment pouvons-nous devenir et rester producteurs de pensée, dans un monde "mauvais", c'est-à-dire dans un monde qui s'adonne à la reproduction de la violence, de la pauvreté, et de la domination physique et symbolique?

Plus simplement, on peut se poser la question: comment se construire après son éducation? Une des lectures possibles de cette question serait: comment continuer à construire sa pensée après la mort de ses éducateurs? Cette question s'avère particulièrement pressante pour quiconque a construit sa pensée dans le sillon des grands philosophes de la deuxième moitié du 20ième siècle: Deleuze, Lyotard, Foucault, Derrida, et Bourdieu. Ces ainés sont partis, et il ne reste pas grand-chose à leur place.

Vingt ans plus tard le monde a changé, et nous avons changé. La question devient: comment penser dans le monde actuel, un monde "mauvais" qui ne favorise pas la pensée?

C'est la question que se pose le sociologue-philosophe Geoffroy de Lagasnerie dans son nouveau livre PENSER DANS UN MONDE MAUVAIS, où il propose sa propre mise en perspective de cette question et des éléments de réponse. Cette question est au centre de toute son oeuvre publiée, depuis son premier livre, paru en 2007, "L'EMPIRE DE L'UNIVERSITÉ Sur Bourdieu, les intellectuels et le journalisme", jusqu'aujourd'hui.

La question qu'on peut se poser: comment continuer à se construire après la fin de son éducation?, devient dans ce livre: comment vivre et penser après la mort de ses éducateurs?, et ensuite comment traiter ses éducateurs comme des co-producteurs et non pas comme des maîtres? Comment avoir un rapport productif à son éducation et non pas un rapport reproductif? Geoffroy de Lagasnerie ne nous enseigne pas à faire le deuil de nos éducateurs d'antan ni à les imiter, mais nous encourage à prolonger leur démarche de critique et d'innovation conceptuelle dans un monde qu'ils n'ont pas anticipé dans tous ces détails. On ne peut qu'applaudir ce sentiment et ces analyses.

Cependant, il est surprenant de voir ces penseurs de l'affirmation vitale et pensante discuté dans un ton aussi nostalgique. Les penseurs qui ont mise en oeuvre la même logique de création que la génération de référence du livre ne sont pas pris en compte. Alain Badiou, Bruno Latour, Bernard Stiegler, François Laruelle ne sont pas mentionnés.

Le livre en tant qu'il accentue l'opposition plutôt que la création me semble marquer un moment de transition. Certes la nostalgie présente dans la problématique ("construire des champs oppositionnels" pour résister au "monde mauvais") n'est pas totalement réactif, ni un appel au deuil. Cette nostalgie sans deuil peut mener non seulement à des actes de résistance au monde "mauvais" mais aussi à de vraies actes de création dans un monde qui, selon Deleuze, contient l'intolérable et abonde en devenirs. Penser ce n'est pas seulement s'opposer au monde mauvais mais aussi composer ensemble un monde meilleur.
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Ce petit livre voit grand. Les références de l'auteur sont Foucault et Bourdieu. Les idées foisonnent et le parti-pris de l'auteur est qu'il faut s'engager pour penser. Je pense donc je m'engage. Bravo ! Mais cet ouvrage aurait gagné à être moins foisonnant et mieux structuré.
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Un livre de vulgarisation.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Edouard Louis déclarait : « Les gens posent souvent la question : peut-on faire une grande œuvre littéraire qui soit raciste ? C'est une question qu'on pose beaucoup, et d'ailleurs, la plupart du temps, à propos de quelques œuvres de Céline. [...] Je ne prétends pas qu'on ne peur pas écrire de belles choses, de beaux passages dans un roman raciste, je dis que ça ne suffit pas, et même qu'au regard de ce que cela peut produire de violence, ça n'en vaut pas le prix. Il faudrait à la limite se saisir de la rationalité économique en termes de "coût" dans ce type de réflexion sur la littérature, et se demander : est-ce que quelques phrases bien écrites, une écriture originale, valent la perpétuation de la violence, la perpétuation des fantasmes racistes ? Il est clair que non. » Pourquoi plaider pour une évaluation éthique, et non purement interne, des biens symboliques est-il si difficile et délicat ? Sans doute parce que ce geste exige nécessairement d'adopter une position forte et provocante : il n'y a pas de valeur inconditionnelle à l'art et à la littérature. Leur valeur dépend de leur inscription dans un horizon politique et de leur participation à une entreprise émancipatrice.
Lorsqu'elles ne se donnent pas à elles-mêmes un tel projet, ces entreprises renoncent à la possibilité parfaitement légitime. Il n'y a aucune raison d'accorder à cette modalité de la pratique une évidence et une naturalité.
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Mais ce n'est pas parce qu'une question n'est pas explicitement posée qu'elle n'est pas présente, dans les têtes. Elle peut être là au contraire, elle peut rôder et hanter les consciences, mais elle est
réprimée. Des techniques individuelles et collectives sont mises en place pour l'esquiver, afin de pouvoir continuer sa vie comme si de rien n'était, et l'on s'invente des raisons - que souvent d'ailleurs le monde social nous offre et tient à notre disposition - pour se persuader qu'il est bon que les choses continuent à être comme elles sont.
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J'ai bien conscience qu'en érigeant la politique et l'éthique en points de départ qui commandent tout, et en reprenant à mon compte l'idée de Horkheimer selon laquelle écrire et penser doivent viser non pas « à simplement accroître le savoir en tant que tel, mais à libérer l'homme des servitudes qui pèsent sur lui » (et en ajoutant que, si l'on dit autre chose, on décide de collaborer avec le monde), on peut avoir l'impression que je mets en question l'autonomie de la science, la valeur de la culture en tant que telle ou du désintéressement, et que j'applique aux activités symboliques un raisonnement instrumental ou utilitariste contre lequel elles ont conquis leur autonomie, les menaçant par là même.
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Le monde est injuste, il est mauvais, il est traversé par des systèmes de domination, d'exploitation, de pouvoir et de violence qui doivent être stoppés, mis en question et transformés.
[...]
Est-ce que notre activité contribue à l'élaboration d'un monde plus juste et plus rationnel et favorise la mise en place d'une pratique progressiste ? Ou est-ce que, par notre activité, nous participons, de fait, de la reproduction du système, nous collaborons avec lui, voire nous aggravons la situation ?
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Videos de Geoffroy de Lagasnerie (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Geoffroy de Lagasnerie
Rencontre animée par Antoine Idier
Le sort réservé à Joseph K dans le procès de Kafka a de quoi épouvanter : on y découvre un monde régi par un pouvoir « omniprésent et sans règle, effrayant et illogique, tout-puissant mais insaisissable ». Très loin du nôtre a priori. Et, pourtant, nous y reconnaissons quelque chose. Quel est ce « quelque chose » ? Et n'y a-t-il pas matière à nous méfier de cette identification spontanée ? Ce qui nous semble kafkaïen (injuste, arbitraire et donc opaque et imprévisible) ne retrouve-t-il pas une terrible clarté quand on s'extrait de l'appréhension subjective pour penser avec la sociologie ? Joseph K n'est personne en soi ; mais à lui donner un visage, une classe sociale et le cauchemar kafkaïen devient funestement réel, permettant à Geoffroy de Lagasnerie d'interroger la nature même du système judiciaire dans nos sociétés, y compris la notion de jugement et de culpabilité.
« Sans doute est-ce parce que chacun d'entre nous ressent au plus profond de lui-même que notre monde est opaque, que les institutions avec lesquelles nous devons composer pour vivre nos vies sont dotées de fonctions cachées et mystérieuses, (…) que nous cherchons sans cesse, dans la littérature ou la théorie, dans l'art ou la psychanalyse, des interprétations qui pourraient nous dire la vérité de ce qui est – nous révéler ce qui se joue derrière la façade trompeuse des apparences. » Geoffroy de Lagasnerie, Se méfier de Kafka
À lire – Geoffroy de Lagasnerie, Se méfier de Kafka, Flammarion, 2024.
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