« Tout le monde sait qu'on le crucifia en même temps que deux autres; on sait quelles personnes se tenaient groupées autour de lui: Marie, sa mère, et Marie de Magdala, Véronique et Simon de Cyrène, qui avait porté la croix, et Joseph d'Arimathie, qui devait l'ensevelir. Mais un peu plus bas sur le versant, à l'écart, un homme observa sans arrêt celui qui était cloué là-haut sur la croix et suivit l'agonie du commencement à la fin. Il s'appelait
Barabbas. C'est de lui qu'il s'agit dans ce livre. »
Barabbas, l'homme gracié et libéré par Ponce Pilate à la place de Jésus de Nazaret …
Pär Lagerkvist nous entraîne sur les pas de
Barabbas, dans les ruelles de la Jérusalem antique de la porte de David (Porte de Sion) à celle du Fumier (Porte des Maures) jusqu'au Mont Golgotha, lieu du supplice où notre brigand se repaît du spectacle de la crucifixion de Jésus et des prodiges qui en découlent.
Les interrogations de
Barabbas sont immédiates : « Dès qu'il l'avait aperçu dans le prétoire du palais, il avait senti qu'il y avait quelque chose d'extraordinaire en lui. Ce que c'était, il n'aurait pu le dire, il le sentait seulement. »
Evénement et incidents qui le marqueront à tout jamais, déchaînant des sentiments profonds et contraires, provoquant des agissements paradoxaux,
Barabbas s'aventure dans les perspectives amenées par la foi au contact et à la fréquentation des premiers disciples de la communauté chrétienne.
Mais le doute sera l'expression dominante de son ressenti, lui le brigand des montagnes, sans foi ni loi, lui, l'esclave déporté dans les mines de cuivre de Chypre, n'aura de cesse de comprendre ce dont il a été témoin et ce jusqu'à son dernier soupir sur une énième croix.
« Au crépuscule les spectateurs étaient déjà partis, fatigués de rester là debout. Et d'ailleurs tous les condamnés étaient morts.
Seul
Barabbas vivait encore. Quand il sentit venir la mort, dont il avait toujours eu si peur, il dit dans les ténèbres, comme s'il s'adressait à la nuit:
« A toi je remets mon âme. »
Et il rendit l'esprit. »
Entre les premières lignes de l'incipit et les dernières lignes de la fin du récit (recopiés tous deux ici), une plongée plus que réaliste, humaine, dans le coeur, le corps et l'âme de
Barabbas.
Dans cette exploration universelle et intemporelle de la pensée humaine, nous sommes ballotés dans les affres existentielles et émotionnelles, les turpitudes physiques et les vicissitudes quotidiennes de
Barabbas.
Les méditations de
Barabbas semblent le conduire malgré tout vers une ouverture spirituelle, un reveil philosophique.
Une écriture fluide, précise et efficace sert la narration.
Magnifique.
Un très beau moment de lecture et surprise d'avoir été captivée!
Par ailleurs ce récit romancé de la vie de
Barabbas, qui reste encore trouble pour les historiens, a aiguisé ma curiosité: en effet
Barabbas qui signifie fils du père en araméen aurait désigné Jésus lui – même, ce qui revient à dire que devant Ponce Pilate la foule demandait en vérité la libération de Jésus, fils du père!
Très intéressant, c'est le sujet d'un autre livre,
Jésus dit Barabbas de
Gérald Messadié que je lirai à l'occasion.