Prix Nobel de littérature en 1951, Lagerkvist cherchait une vérité humaine davantage dans l'art primitif et la tragédie antique que dans le naturalisme. Son oeuvre est marquée par une sorte de solitude métaphysique où la quête d'une divinité, qu'elle soit chrétienne ou païenne, se heurte le plus souvent à un silence indifférent et à une forme de terreur primordiale. Dans La Sybille, deux personnages se rencontrent sur les hauteurs de Delphes et confrontent leur propre expérience de la rencontre avec une forme de Dieu qui les a habités et hantés tout au long de leur vie. Un vagabond qui est condamné à la vie éternelle par le Christ auquel il a refusé le mur de sa maison pour une halte durant son martyre. Une vieille femme qui lui raconte comment de son côté elle a été élue dans sa jeunesse pour devenir la Sybille du sanctuaire de Delphes, possédée par la divinité puis rejetée par la communauté pour avoir cherché le plaisir terrestre avec un homme. Un enfant idiot est né de cette union, à moins qu'il ne soit du Dieu-Bouc lui-même (ou d'un viol dans le temple durant ses transes?). La dernière séquence, magnifique, où la vieille femme part à la recherche de ce fils disparu dans la montagne laisse le mystère en suspens. J'ai adoré la description hallucinatoire des rituels sacrés d'une force d'évocation peu commune comme ce final en forme de dissolution ou d'effacement qui laisse son personnage principal dans une solitude et un vide existentiel terribles. Un grand auteur dans une veine plutôt symboliste et poétique dont j'avais déjà aimé
Barabbas et
le Nain. Il m'en reste quelques autres à découvrir.