Mais que faire durant la nuit de Noël si l'on n'a pas reçu de livre?
Tout ce monde n'est qu'un gigantesque piège à rats.
Le réveillon auquel je pense en ce moment, je venais d'avoir dix ans et je suis assise à la table de Noël aussi impatiente et tendue qu'on peut l'être. Je sais si bien ce que j'aimerais recevoir. Il ne s'agit ni de beaux tissus pour confectionner des robes, ni de dentelles ou de broches, ni de patins à glace ou sachets de friandises ; non, il s'agit de tout autre chose. Pourvu que quelqu'un ait l'idée de me l'offrir !
Car il me faut expliquer comment les choses se passent à Måbarka le soir du réveillon. On a le droit de tirer une petite table au chevet de son lit et d'y poser une bougie, et puis l'on a le droit de lire aussi longtemps qu'on le désire. Et cela constitue un des plus grands plaisirs de Noël.
Car de même qu'il n'est rien de plus pesant que de rester inactif et immobile quand on entend parler des malheur des autres, le plus grand bonheur et un calme paisible sont donnés à tous ceux qui, fût-ce avec peu, essaient de leur porter assistance.
Ecoutez-moi bien braves gens! dit Notre Seigneur. Maintenant je vous le dis pour la dernière fois, que si vous ne vous en allez pas d'ici et arrêtez de construire cette tour, je vais être obligé de faire s'abattre un malheur sur vos têtes.
Mais les hommes continuèrent à bâtir leur tour, et chaque jour ils arrivaient de plus en plus haut.
Alors Notre Seigneur se mit à embrouiller leur langage. Jusque là, vois-tu, ils avaient parlé de façon qu'ils se comprenaient les uns les autres.Mais désormais s'en était fini de cette jouissance.
Quand les maitres maçons voulaient dire "Passe-moi du torchis", ils disaient à la place:"Kolvippen, kolvappen!". Et quand les apprentis leurs demandaient ce qu'ils désiraient, ils répondaient:"Erbe, derbe, mirbe, marbe?"
Les maîtres pensaient que les apprentis se moquaient d'eux, mais alors qu'ils voulaient dire :"Parlez correctement!" il leur venait à la bouche à la place: "Ullen dullen dorf!" Et quand les apprentis voulaient demander aux maîtres pourquoi ils avaient l'air si en colère, ils ne savaient dire autre chose que "Abracadabra!"
Alors maîtres et autres se fâchèrent à un tel point qu'ils se ruèrent les uns sur les autres et commencèrent à se battre.
"Rien ne peut surpasser le bonheur de se trouver là, avec dans les mains un livre plaisant reçu en cadeau pour Noël, un livre que l'on n'avait jamais vu auparavant et que personne d'autre dans cette maison ne connaît non plus, et de savoir que l'on pourra en lire les pages l'une après l'autre, pour autant que l'on sache rester éveillé. Mais que faire durant la nuit de Noël si l'on n'a pas reçu de livre ?"
Pourquoi sa femme devait-elle s'opposer à ce qui n'était qu'un désir innocent ? Il lui incombait d'être soumise à son époux. (...) Maintenant elle avait appris qui était le maître de la maison. Bonne trouvaille de lui tirer dessus !
C'est en ce temps qu'un jour, alors que Notre-Seigneur se trouvait au paradis et peignait les oiseaux, que la peinture vint à manquer dans les pots de Notre-Seigneur, si bien que le chardonneret serait resté incolore si Notre-Seigneur n'avait sur ses plumes essuyé tous ses pinceaux.
Rien ne peut surpasser le bonheur de se trouver là, avec dans les mains un livre que l'on n'avait jamais vu auparavant et que personne d'autre dans cette maison ne connaît non plus, et de savoir que l'on pourra en lire les pages l'une après l'autre, pour autant que l'on sache rester éveillé.