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Citations sur Proust, prix Goncourt : Une émeute littéraire (21)

Le 15 février 1897 commence chez Drouot la dispersion de la collection des frères Goncourt. Trente-trois vacations suffisent à peine pour écouler le trésor accumulé en cinquante ans, et, jusqu'à l'été, la corne d'abondance du Grenier d'Auteuil se déverse dans les salons de l'hôtel des ventes : meubles de Boulle, terres cuites de Clodion, sanguines de Fragonard, pastels de Watteau, estampes de mœurs d'après Greuze ou Boucher - La Bouquetière galante, La Charmante Catin, Les Hasards heureux de l'escarpolette - porcelaines de Saxe, tapisseries des Gobelins, de Beauvais, d'Aubusson, albums japonais, coquilles d'œufs, ivoires, éventails, et des reliures de maroquin rouge, de veau fauve, des exemplaires des chefs-d'œuvre de la littérature romantique et naturaliste
Balzac, Hugo, Flaubert, Zola enrichis d'envois autographes, et tout le fonds d'une bibliothèque de curieux - La Manière simple d'accommoder les pommes de terre, Le Ventriloque, L'Art de soigner les pieds - Le feu des enchères dévore tout, et la vente produit « plus de treize cent mille francs », de ces francs convertibles en or, qui, comme ce métal, paraissent inaltérables et qui, dit-on, vont gager l'immortalité des Goncourt.
[…] Car la vraie mort, c'est l'oubli du nom et l'effacement du goût. Or, pour perpétuer les deux, Jules et Edmond ont formé le projet d'instituer une société d'hommes de lettres qui, avec les intérêts du capital produit par la vente future, auront pour mission de décerner chaque année une récompense à un écrivain méritant.
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[...] "Je ne puis prendre pour un simple hasard le fait que Proust a vu se coaliser principalement contre lui tous les tenants de "l'art révolutionnaire", tous ceux-là qui, confondant vaguement politique et littérature, s'imaginent que la hardiesse est toujours de même sens dans les deux domaines, que dans le second comme dans le premier il n'y a d'initiatives qu'en avant, que l'inventeur est toujours celui qui va plus loin que les autres - tous ceux là qui se représentent l'innovation littéraire comme une émancipation et qui saluent comme un pas de plus vers la Beauté chaque abandon d'une règle jusque là respectée, chaque nouvelle entrave qui tombe, chaque précision de moins qu'on apporte. L'un d'eux, non sans candeur, a traité Proust d'écrivain "réactionnaire". Et comment eût-il compris qu'en littérature il peut y avoir des révolutions en arrière, des révolutions qui consistent à faire moins gros, moins grand, moins lisible, moins sublime, moins pathétique, moins sommaire, moins "génial" qu'on a fait jusque là ? Comment eût-il compris que c'est d'une révolution de ce genre que nous avons besoin aujourd'hui avant tout besoin, et que cette révolution, "le réactionnaire" Proust vient justement en donner le signal ?" (p. 175)

Jacques Rivière, "Marcel Proust et la tradition classique", la Nouvelle Revue française, février 1920, p. 193 - 194
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Le mot d'immortalité est trompeur : pour y accéder un écrivain doit commencer par mourir. C'est ce que Proust voit se réaliser en cet instant. Plus que l'exultation du triomphe, plus que la joie, il doit éprouver un frisson de mélancolie. L'esprit se perpétuera dans les phrases qui ont été imprimées, mais le corps disparaîtra. Le but est atteint. Mais qui en jouira ? Et que reste-t-il à vivre après cela ? (p. 93)

Un homme qui dort
Mercredi 10 décembre 1919
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Proust est bien renseigné : Octave Mirbeau n’épargne en effet aucun effort pour tenter d’assurer la victoire de son ami et ancien secrétaire Léon Werth, auteur d’un roman — La Maison blanche — qu’il a préfacé et qui, prenant pour point de départ une otite suppurée, se prolonge dans une clinique, sorte de Montagne magique avant l’heure. Werth a tout juste trente-cinq ans, « il est très pauvre et il a beaucoup de talent ». Mirbeau, malade depuis 1910, n’a pas lu Proust : on peut d’ailleurs douter que l’auteur du Journal d’une femme de chambre eût apprécié Du côté de chez Swann.
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Proust, à qui rien n’échappe, commente les revirements de Dorgelès : « Je trouve mon attitude silencieuse plus noble que la sienne puisqu’il a refusé la Vie Heureuse en disant qu’il ne voulait que du Prix Goncourt, s’est précipité sur les Dames Heureuses dès qu’il a eu manqué le prix Goncourt, et aussitôt qu’il a obtenu le prix de la Vie Heureuse, il s’est fait interviewer par le Petit Parisien (je crois) et a déclaré qu’il était heureux de ne pas avoir eu le Prix Goncourt ».
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Réjane - la grande comédienne qui lui a inspiré les pages sur la Berma - lui demande quel cadeau elle pourrait lui offrir en manière de félicitations. Proust répond que rien ne lui ferait plus plaisir qu'une photographie d'elle costumée en prince de Sagan, dans une revue du marquis Massa. Elle la lui envoie avec une dédicace datée du 10 décembre : "Hommage d'un Prince - admiration d'une artiste - amitié d'une amie - Réjane l'interprète de Goncourt."
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Un jour, un monsieur rendait un immense service à Marcel Proust, qui pour le remercier l’emmenait déjeuner à la campagne. Mais voici qu’en causant, le monsieur, qui n’était autre que Zola, ne voulait absolument pas reconnaître qu’il n’y avait jamais eu en France qu’un écrivain tout à fait grand et dont Saint-Simon seul approchait, et que cet écrivain était Léon. Sur quoi, fichtre ! Proust oubliant la reconnaissance qu’il devait à Zola l’envoyait, d’une paire de claques, rouler dix pas plus loin, les quatre fers en l’air. Le lendemain on se battait, mais, malgré l’entremise de Ganderax, Proust s’opposait bel et bien à toute réconciliation.
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Léon Daudet (1867-1942) a été nommé en remplacement de son père, Alphonse, exécuteur testamentaire d’Edmond de Goncourt et premier président virtuel de l’Académie, décédé en 1897 avant même qu’elle ait pu se constituer. Mais il n’est pas que le fils de l’auteur des Lettres de mon moulin : il est aussi celui de Julia Allard, femme de talent qui, « chère collaboratrice » de son mari, apporta à ses récits le poli de la phrase, et qui tint, rue de Bellechasse, le plus beau des salons artistiques de l’époque ; et il est le frère aîné de Lucien, romancier, homme de bonne compagnie, que tutoie Proust. Enfant gâté des lettres, il épouse en grande pompe la petite-fille de Victor Hugo : il a pour témoins Edmond de Goncourt et le docteur Potain — celui-là même dont, à la première page d’« Un amour de Swann », les habitués du « petit clan » des Verdurin considèrent qu’il a moins de diagnostic que le docteur Cottard. 
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Lorsqu’on songe aux débats houleux, aux innombrables tours de table, aux claquement de portes qui ont conduit l’Académie Goncourt à préférer Leblond à Giraudoux en 1909, Elder à Alain-Fournier en 1913, Mazeline à Céline en 1932, on a peine à comprendre la tempête qui, en ce matin du 11 décembre, s’apprête à déferler sur la rue Hamelin. Tout semblait joué, les perdants s’étaient résignés, la discussion ne fut pas très animée, il ne s’agissait que de déposer une couronne de lauriers sur la tête d’un écrivain obscur. Pourtant, à peine la nouvelle est-elle connue que s’élève un chœur de protestation .
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...le vieux et ridicule Goncourt, qui institua le fameux prix par vanité et pour sauver son nom d'un oubli certain...

page 13
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