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24 janvier 2018
Replacer les femmes au coeur des dispositifs décisionnels

Des femmes accouchent, des obligations et des interdictions, des témoignages, la médicalisation et des violences faites aux femme. « Ces atteintes à l'intégrité physique et à la dignité humaine sont au coeur même de la manière dont notre société organise les naissances ». Des femmes dépossédées de leurs accouchements car considérées comme incompétentes. le spectre de la mise en danger des enfants à naitre et des femmes elles-mêmes ! Un corps médical qui saurait mieux que les principales intéressées, qui impose ses choix, ses pratiques, ses rythmes…

Je n'ai pas les compétences pour aborder toutes les analyses. Des amies m'ont parlé de leur(s) accouchement(s). J'ai assisté moi-même à l'accouchement d'une personne très proche. Je me souviens encore des impositions, de la souffrance exprimée, de l'infantilisation de la personne, des astreintes de posture, des gestes non explicités, de l'épisiotomie…

Les besoins et les demandes de femmes, Marie-Hélène Lahaye rappelle que « Toutes ces demandes, parce qu'elles proviennent de la personne concernée au premier chef parce qu'elle va vivre, sont légitimes et respectables et doivent être pleinement entendues ». Elle souligne les capacités de discernement des femmes, leurs possibles choix, leurs aptitudes à utiliser leur corps, n'en déplaise aux directives médicales.

Les accouchements et le prisme de la pathologie ou les ritournelles mortifères, « le pouvoir médical érigé en seule bouée dans une mer de danger », la liste des interdits et des obligations, une certaine forme d'« exorcisme » moderne ou la mort brandie « pour m'imposer un comportement précis, en l'occurence me taire ». Et l'oubli du « consentement libre et éclairé du patient comme préalable à tout acte médical »…

« Face à la mort brandie par les médecins comme seule rhétorique, j'ai fait le choix de répondre par une argumentation basée sur la science ».

Marie-Hélène Lahaye revient sur l'histoire des accouchements, l'utilité des obstétriciens, les protocoles hospitaliers… Elle aborde dans un premier temps, les accouchements « physiologiques », l'effort physique extraordinaire, le processus de naissance « basé sur une succession de réflexes, d'ajustements anatomiques et de procédés biologiques », l'accouchement par soi-même…

L'autrice analyse l'accouchement à l'hôpital, l'« accouchement masculin », la division du travail entre intervenant·es, les effets de standardisation des femmes, « Ce fonctionnement fordiste permet aussi de réduire le personnel hospitalier au minimum et de maximaliser l'utilisation des salles de naissances en gérant la rotation optimale des femmes dans celles-ci », les injonctions d'hormones, les déclenchements d'accouchement, la gestion du temps hospitalier et la non-prise en compte du temps des corps, l'utilisation d'instruments pour faciliter les extractions (ventouses, forceps, spatules), les épisiotomie et les césariennes. Protocoles et durées standardisées versus émotions et sensations des femmes, mesure des temps versus temps d'actions et d'initiatives des femmes…

Marie-Hélène Lahaye souligne « le sytème de croyances, de dogmes et de superstitions sur lequel repose l'obstétrique », la négation du caractère de mammifère des femmes, l'usage répandue de l'épisiotomie qu'elle caractérise de « mutilation sexuelle », les positions imposées et pourtant peu propices à faciliter l'accouchement… La grossesse n'est pas une maladie, l'accouchement n'est pas une pathologie… cela devrait induire une certaine prudence de comportement envers les femmes, limiter les interventions qu'en cas de nécessité vitale, respecter les choix des femmes.

Des mortes en couches. L'autrice parle d'histoire, de la baisse de la mortalité périnatale et de ses raisons, dont l'amélioration des conditions de vie, les règles d'hygiène, les antibiotiques, les transfusions sanguines et les césariennes en cas de nécessité. Des progrès indéniables permettant une très forte baisse de la mortalité… avant que la norme soit l'accouchement à l'hôpital.

Politique nataliste, priorité donnée à l'hôpital, « le contrôle des ventres des femmes » fut et reste un enjeu politique majeur. Il ne faudrait pas oublier les longues luttes des femmes pour le droit à la contraception et à l'avortement (et aussi, les stérilisations forcées, les mutilations sexuelles, les mariages forcés, les viols dont les viols par les conjoints…). L'autrice déconstruit un certain nombre de mythes autour de la pathologisation de la grossesse et de l'accouchement. Elle souligne que les standardisations induites par la gestion hospitalière sont des violences envers les femmes.

Je souligne notamment les passages sur le corps des femmes, la désexualisation du vagin, les touchers vaginaux sans autorisation préalable, l'exposition à tous, la temporalité unifiée de la vitesse d'ouverture du col de l'utérus, le fétichisme de la date d'accouchement plus en lien avec la gestion des lits que des réalités vécues par les femmes, la santé et le bien-être des femmes devrait primer l'emploi du temps des praticien·es et les « superstitions autour de la date présumée d'accouchement », la position du « missionnaire » aussi inadéquate pour les accouchements que pour jouir pendant les actes sexuels, les privations de nourriture peu compatibles avec l'énergie à déployer pour accoucher, l'imposition de péridurale, les techniques invasives, les accélérations du temps, la réduction des femmes à la passivité…

Les femmes sont accouchées… et non accouchent.

La perte du pouvoir décisionnel s'accompagne d'un cortège de violences, violences obstétricales, (l'autrice les définit : « tout comportement, acte, omission ou abstention commis par le personnel de santé, qui n'est pas justifié médicalement et/ou qui est effectué sans le consentement libre et éclairé de la femme enceinte ou de la parturiente »), violences institutionnelles et violences basées sur le sexe, pathologisation de phénomènes physiologiques, positions imposées inconfortables et douloureuses, forte lumière, bruits incessants, privation de nourriture, dénudation et exposition du sexe, négation du libre arbitre, obligation de se soumettre aux protocoles médicaux. « Il est temps de mettre au grand jour les violences subies derrière les portes des hôpitaux et considérer que cette question ne se résume pas à la stricte relation médicale entre une patiente et un obstétricien ».

Au nom du savoir médical, la parole des femmes est une fois de plus confisquée.

« Comme pour toutes les violences faites aux femmes, de puissants mécanismes de réduction au silence oeuvrent pour faire taire les victimes et maintenir en place un sytème de domination masculine. »

Marie-Hélène Lahaye aborde aussi la dichotomie toujours bien présente dans l'imaginaire social « entre la mère et la putain », la douleur associée aux phénomènes physiologiques « être femme, c'est avoir mal », l'endométriose toujours mal diagnostiquée, les influences extérieures sur la physiologie du corps, la construction sociale de la douleur, la prescription patriarcale chrétienne « tu enfanteras dans la douleur », la réduction des femmes à leurs corps, les comportements malveillants socialement acceptés, ce privé qui est bien politique… et les maisons de naissance, les accouchements à domicile, la réhabilitation des « sages-femmes)…

Aux violences obstétricales, aux prescriptions sociales, religieuses ou médicales, à l'imposition de protocoles gestionnaires, au « couchées, passives, décentes et silencieuses », Marie-Hélène Lahaye oppose une « suggestion libératrice » : « Et si tu tentais un accouchement orgasmique ? »

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Blog de l'autrice : Marie accouche là

http://marieaccouchela.blog.lemonde.fr
Lien : https://entreleslignesentrel..
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