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Bernard Lahire (Autre)
EAN : 9782729712402
300 pages
Presses universitaires de Lyon (25/03/2021)
3.17/5   3 notes
Résumé :
Que signifie " échouer " ou " réussir " à l'école primaire ? Comment comprendre les difficultés éprouvées par des élèves d'origine populaire en lecture-écriture, grammaire, conjugaison, orthographe, vocabulaire, expression orale et expression écrite ? Comment se construisent, jour après jour, les processus de production des inégalités scolaires dans les salles de classe ? Ce livre tente de répondre à ces questions, en procédant à l'étude détaillée des pratiques et d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ce livre, publié pour la première fois en 1993, est directement tiré de la thèse de doctorat que Bernard Lahire a soutenue en 1990 à l'Université de Lyon 2. « Transfuge de classe » issu d'un milieu populaire, le chercheur s'interrogeait sur les ressorts des fréquents échecs des enfants issus des classes populaires. Il exploite une ethnographie de scènes de la vie scolaires (plusieurs centaines d'heures d'observation, analyse d'enregistrements et de productions scolaires d'élèves), pour mettre au jour les fondements microsociologiques de la loi statistique de reproduction scolaire des inégalités sociales. Inspiré par des travaux en histoire et en anthropologie sur les différences entre « cultures écrites » et « cultures orales », il mobilise l'approche anthropologique pour interroger des pratiques qui nous semble banales et mettre au jour des rapports de domination implicites et impensés (car familiers).

Cette mise à distance passe d'abord par une socio-histoire de l'essor des cultures écrites. le développement de l'écriture apparaît intrinsèquement lié à de nouvelles formes de relations sociales, au passage de pensées mythiques à des modes de pensée scientifiques, de savoirs pratiques-empiriques à des savoirs théoriques. le passage de formes sociales orales à des formes sociales scripturales change radicalement le rapport au monde et à autrui.

Bernard Lahire se demande donc si les « échecs scolaires » ne seraient pas étroitement liés à la nature scripturale des savoirs transmis à l'école. Selon lui, les cultures écrites, par les structures mentales et cognitives qui les sous-tendent participent de la reproduction de formes de domination et d'exercice du pouvoir. Les enfants des classes populaires restent largement dans un rapport oral-pratique au monde et au langage ; ils apprennent difficilement à maîtriser ces formes sociales scripturales qui exigent une réflexivité par rapport à ce qui est dit, une distance vis-à-vis du signifié pour se concentrer sur des caractéristiques formelles. Il s'agit non plus de pratiquer intuitivement le langage, mais de l'analyser dans ses articulations internes et ses contraintes formelles, le penser en termes de lettres, de mots, de phrases, d'être capable d'expliciter le « sens » des énoncés… Les « difficultés », « fautes », « échecs » etc. reflètent, de ce point de vue, une résistance à entrer dans des formes sociales qui sont largement étrangères à certains enfants.

Les nombreux extraits du matériau brut d'enquête (entretiens, productions scolaires d'élèves, interactions en classe…) incarnent le propos et permettent de faire le lien avec des situations pratiques. L'auteur montre par exemple qu'une incapacité à définir un mot ne veut pas dire que l'élève ne le comprend pas en contexte, que les exercices de grammaire impliquent de faire abstraction de ce qui est dit, que la production d'un texte « cohérent » implique une réflexivité permanente. le concept de « formes sociales scripturales/orales » permet de surmonter une approche empiriciste opposant ce qui « est écrit » et ce qui « est dit » : les activités d'expression orales à l'école apparaissent ainsi, elles aussi, fortement marquées par les formes sociales scripturales. Dans les exercices oraux, l'attention reste focalisées sur les propriétés formelles du langage et non sur ce qui est dit, produisant les mêmes effets qu'à l'écrit.

Je remercie les Presses universitaires de Lyon pour l'envoi de ce livre dans le cadre de la dernière opération Masse Critique (non-fiction). J'ai été intéressée par la démarche interdisciplinaire consistant à fertiliser la sociologie de l'éducation en y important des travaux d'autres disciplines. La démonstration est convaincante et pourrait offrir un retour réflexif aux enseignants sur leurs expériences immédiates (de problèmes de déchiffrage, de réponses apparemment absurdes à un exercice de grammaire, etc.). Cela dit, il faut pour cela passer outre une écriture ardue même si l'auteur aspire à « une certaine clarté d'expression » (prologue). La forme destine ce texte avant tout aux sociologues.

Je suis restée sur ma faim à plusieurs égards. Si l'auteur estime que son travail éclaire différemment la reproduction des inégalités à l'école, j'aurais aimé qu'il replace ses conclusions dans le contexte plus large de la sociologie de l'éducation – dont il ne rend d'ailleurs pas du tout compte des développements « récents », n'ayant visiblement pas du tout mis à jour un manuscrit qui date des années 1990. A minima, il aurait été intéressant de réfléchir aux changements qu'a connus l'institution scolaire depuis l'époque de l'enquête et à leurs implications pour la validité des conclusions (que je ne remets pas en doute, j'aurais aimé que cela soit discuté).

Par ailleurs, il me semble qu'une approche comparée mobilisant des observations dans d'autres contextes (par exemple dans les écoles scandinaves où les inégalités scolaires semblent moins fortement reproduites qu'en France) aurait fourni une autre piste intéressante pour départiculariser ce qu'est « l'échec scolaire ».

De manière plus fondamentale, il me semble que l'auteur ne répond pas complètement à sa question de savoir pourquoi autant d'enfants issus des milieux populaires se retrouvent en situation « d'échec ». le livre explique plutôt comment. La question brûlante que l'on se pose à la lecture est celle des conditions dans lesquelles s'acquièrent le capital scolaire et la maîtrise des cultures écrites. À cet égard, il aurait été intéressant d'étudier des trajectoires de « miraculés scolaires » comme Bernard Lahire lui-même, ou par exemple Pierre Bourdieu (sans forcément prendre des exemples aussi extraordinaires de "réussite scolaire"). Ou d'enquêter dans le milieu familial (il me semble que c'est ce qu'il a fait avec un collectif pour écrire Enfances de classes, paru en 2019, qu'il faut que je lise). Des expériences comme celle menée au LIEPP (https://www.sciencespo.fr/liepp/fr/content/favoriser-les-competences-langagieres-des-enfants-des-milieux-defavorises-une-evaluation-exp.html) qui a pointé le rôle de la lecture à voix haute dans la réduction des inégalités de culture écrite sont intéressantes à cet égard et porteuses d'espoir. Un dispositif assez simple et peu coûteux de sensibilisation des familles à l'enjeu et d'envoi gratuit de livres semblait ainsi déjà contribuer significativement au développement de compétences langagières.
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Tout d'abord un grand merci aux éditions babelio et à la presse universitaire de Lyon, pour m'avoir permis de recevoir et lire cet ouvrage!

Dans l'ensemble , c'est un livre intéressant ! Mais quoi que très subjectif... le thème est la culture écrite et les inégalités sociales. En soit, à ne se pas se leurrer, ce livre est une thèse, donc d'un point de vu de la lecture, rien à voir avec les livres historiques que l'on peut lire ou autre, mais...! On y apprend tellement de choses que ça peut être un livre à avoir si l'on se lance/ ou est dans l'enseignement !

Pour ma part, c'est la toute première fois que j'ai entre les mains un livre comme celui ci. Il est assez complexe et long mais les chapitres sont bien expliqués. de plus, il y a des liens avec les programmes scolaire des cycles 2 et 3 de l'école et c'est intéressant de voir sur quoi on attend et sur quoi on se base pour évaluer les élèves à l'école.

Les analyses des exercices, des méthodes pédagogiques sont complètes. On y apprend pas mal de choses aussi d'un point de vu historique ( mais j'avoue avoir trouvé ça un peu inutile...). Ce que j'ai apprécié dans ce livre, c'est la façon d'aborder les éléments que l'auteur a vus dans des classes. Je n'ai pas ressenti vraiment de jugement, mais une analyse fine et des explications et/ou hypothèses qui nous permettent de comprendre pourquoi les élèves font certaines erreurs et comment les aider à les éviter en tant qu'enseignant. Pour une immersion ''totale'' nous avons même des retranscriptions de dialogues, en classe, entre le maître et les élèves, et pour le coup, on s'y croirait vraiment ! J'ai trouvé ça d'autant plus intéressant et concret.

Pour finir je dirai que, pour mes études, je pense que c'est un livre qui m'aidera car il reprend des bases du français, et car il explique comment venir en aide aux enfants lors des écrits.
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J'ai reçu ce livre dans le cadre d'une opération masse critique. Je remercie donc Babelio ainsi que les Presses universitaires de Lyon.

Etant professeur des écoles, je connais Bernard Lahire, ses recherches et ses thèmes de prédilection. Cependant, c'est la première fois que j'ai l'occasion de lire un de ses ouvrages.
Bernard Lahire s'est intéressé à ces élèves que l'on dit en « échec scolaire » et notamment à leur rapport avec la culture écrite. A noter que ce livre est une réédition, puisqu'il est paru une première fois au début des années 90.

C'est un livre très dense, mais qui reste tout de même assez accessible. J'ai trouvé la première partie historique un peu lourde et plus compliquée. L'auteur nous explique ensuite le contexte de ses études, qui s'effectuent dans la banlieue lyonnaise. Tout est très détaillé, aussi bien l'aspect socio-économique que culturel. le seul bémol est que cette étude s'est déroulée dans les années 80, même si, malheureusement, cette thématique des inégalités scolaires dans la culture écrite est encore d'actualité.
L'auteur formule ensuite ses hypothèses puis vient la phase d'observation. Les tableaux ainsi que les dialogues retranscrits sont appréciables et aident beaucoup à la compréhension. Tout est très contextualisé.

Je serai très curieuse d'avoir un nouvel éclairage plus actuel. En effet, de nombreux changements seraient à analyser : l'évolution de la société, nouvelles méthodes scolaires, nouvelle génération d'enseignant, évolution de l'institution scolaire, changements de politiques… Je regrette donc qu'il n'y ait pas de mise à jour de ce texte.

Ce livre est tout de même très intéressant et d'autant plus pour les enseignants. Il est toujours bon de se rappeler que le langage est un réel pouvoir et outil de domination sociale.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Si nous avons mis en exergue les premières lignes de l'ouvrage de William Faulkner, Le Bruit et la Fureur, c'est parce qu'il existe une étrange similitude entre l'écriture de l'auteur et les récits oraux des enfants les plus éloignés de la logique de l'univers scolaire. Faulkner produit une écriture aux phrases inachevées, pleine d'implicites (les lieux non indiqués, les personnages désignés par de simples pronoms...), qui livre souvent une suite d'actions sans autre transitions que les "et", "et puis" (classiquement stigmatisés scolairement) et dans un ordre qui n'est pas forcément chronologique ou logique, mais lié à l'association des idées et des souvenirs qui peuvent venir pêle-mêle à l'esprit d'un personnage.
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Se rendre maître du langage, c'est se rendre maître des relations sociales qu'il permet d'établir et donc, d'une certaine façon, se rendre maître de ceux qui ne peuvent adopter la même attitude réflexive ; apprendre "en toute innocence" le code, c'est se mettre objectivement en position de dominer ceux qui ne le possèdent pas.
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On se demandera peut-être ce que l'on peut "ajouter" de plus aux analyses désormais classiques de la sociologie de l'école. Celles-ci ont révoqué en doute les discours sur le don, ont établi que l'école reproduisait statistiquement, dans son ordre propre, des différences sociales préexistantes tout en contribuant à la méconnaissance et à la reconnaissance des rapports sociaux, que le capital culturel allait au capital culturel, etc. Le sociologue n'a-t-il plus désormais qu'à illustrer, par des enquêtes empiriques, les cadres théoriques déjà établis ?
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En effet, il est étonnant que l'univers scolaire, lieu de culture écrite par excellence, n'a jamais donné lieu à une interrogation fondamentale en ce sens. [...] On ne se demande pas non plus si les "difficultés scolaires", les "échecs scolaires" n'auraient pas un rapport étroit avec la question des cultures écrites. C'est justement cette interrogation que nous avons mise en œuvre en essayant d'analyser (avec la même capacité d'étonnement que l'assyriologue face aux pratiques des scribes sumériens) les pratiques scolaires les plus "banales" à l'école primaire et le rapport aux formes scolaires d'apprentissage qu'entretiennent les élèves issus de différents groupes sociaux.
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Videos de Bernard Lahire (22) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Bernard Lahire
Bernard Lahire vous présente son ouvrage " Les structures fondamentales des sociétés humaines" aux éditions La Découverte. Entretien avec Jean Petaux.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2886324/bernard-lahire-les-structures-fondamentales-des-societes-humaines
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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