Dans les plis singuliers du social

Si l’on considère que les connaissances sociologiques sont difficilement détachables des questions touchant à la transformation, partielle ou radicale, du monde social, il est légitime de tenter d’imaginer le sens politique de ce que l’on s’efforce d’accomplir dans les règles de l’art scientifique

L’agir présent est donc hanté par la mémoire involontaire de l’expérience passée

une sociologie à l’échelle individuelle qui analyse la réalité sociale en tenant compte de sa forme individualisée, incorporée, intériorisée ; une sociologie qui se demande comment la diversité extérieure est faite corps, comment des expériences socialisatrices différentes, et parfois contradictoires, peuvent (co)habiter (dans) le même corps, comment de telles expériences s’installent plus ou moins durablement en chaque corps et comment elles interviennent aux différents moments de la vie sociale ou de la biographie d’un individu

C'est le groupe tout entier qui se donne à voir dans la singularité du cas qui livre, par synecdoque, comme la quintessence d'un style de vie collectif, d'une culture, d'une mentalité, d'une vision du monde ou d'un habitus de groupe.

Que voit-on du monde social lorsqu'on le regarde du point de vue des individus qui le composent, et plus particulièrement de la variation intra-individuelle des comportements?

Il ne s'agit pas de condamner toute hypothèse un peu large sur les transformations du monde social à l'échelle d'une histoire de longue durée. Ce que l'on peut reprocher à certains auteurs, en revanche, c'est d'évoquer de "grandes transformations" (déclin des institutions, destruction des cadres traditionnels, montée de la fragmentation, de l'individualisme ou de l'injonction à être soi) et de les considérer comme des postulats.

les dispositions et les compétences ne s’usent et ne s’affaiblissent que si l’on ne s’en sert pas

le degré de transformation du cerveau dépend de la précocité, de l’intensité et de la durée des expériences socialisatrices vécues par les individus

les individus des sociétés qui promeuvent certaines formes d’individualisme sont collectivement déterminés à se prendre pour les individus libres et autonomes qu’en réalité ils ne sont pas

En fait la conscience d’un individu particulier ne prend forme que dans les relations d’interdépendance avec autrui et avec les produits objectivés de l’activité humaine ; son comportement n’est ni le produit d’une « pure intériorité » ni l’effet d’un « contexte extérieur » à lui, mais le fruit des relations d’interdépendance passées et présentes qui se sont exercées et continuent à s’exercer sur lui