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Critique de oree


oree
03 février 2020
C'est le récit, sans doute autobiographique, des 26 mois et 7 jours d'un jeune homme de 20 ans appelé pendant la guerre d'Algérie et libéré en octobre 58.
Il en revient vivant et à jamais bouleversé par son vécu. "Quand un soldat revient de guerre, il a simplement eu de la veine et puis voilà" comme dit le poète Francis Lemarque. Pendant ce temps, loin des siens à part quelques permissions, il a perdu son père confronté à une situation financière, professionnelle et familiale qui lui ont fait perdre pied.
On suit pendant 8 chapitres son parcours avec les autres jeunes de sa classe d'âge, ses pensées, ses espoirs, ses déconvenues, ses rencontres dans un univers masculin confiné, puant, plein de punaises, de tracasseries, à cent lieues de sa vie de parisien branché, choyé, empli de ses passions: le cinéma qu'il connait parfaitement , le jazz et les "mignonnes".
Il imaginait qu'après les "classes", son père par ses relations au Ministère le ferait entrer au service cinéma de l'armée, hélas pour lui, le piston ne marchait plus, on avait même incorporé un pauvre pied-bot!
On lit les lettres qu'il adresse à ses parents, à son jeune frère, à son meilleur ami; les filles, elles, ne s'attachent guère.
La description du campement de Telergma est impressionnante, les adjudants ne font pas dans la dentelle : "c'est fini les fils à papa!" "c'est fini les fils à maman!"
La camaraderie militaire apporte quelques apaisements , il découvre des jeunes différents de lui et tout ce brassage des régions françaises, des vieux routards de l'Indochine, des harkis, des engagés avec son cortège de blagues lourdes, de sorties au bordel, de beuveries, de dures épreuves physiques et mentales.
Son affectation de maître-chien due à la confusion entre cinéphile et cynophile l'envoie en stage à Tarbes; le chien Fable lui apporte du réconfort et une responsabilité importante qui lui fera rencontrer les paras dans une opération dangereuse où il côtoie la mort près de Constantine.
La peur de voir sa vie s'achever trop vite pour une cause qu'il ne défend pas comme beaucoup d'appelés d'ailleurs, lui fait envisager sa désertion. Il appelle le secours d'un poète ami Sénac, mais les risques sont grands, l'époque n'a pas pitié des traîtres, les courriers, la presse sont sous surveillance.
La difficulté de raconter même aux proches, l'incommunicabilité de ce qui est vécu aux autres m'apparaît un trait commun à tous les traumatisés des guerres et catastrophes; être incompris ajoute au désespoir, c'est pourquoi on se tait!
Il peut terminer son travail comme psychotechnicien, en faisant passer des tests aux nouvelles recrues. Sa parenthèse de vie va s'achever avec un meilleur commandement, car la guerre n'est plus soutenue que par les extrêmes et l'opinion publique aspire à la paix.
l'épilogue restitue la répression des manifestations par le préfet Papon et les morts de Charonne qui mettront un point final à la guerre.
C'est un livre qui se lit aisément, j'y retrouve le fond musical de Dalida, Piaf, Line Renaud, Bécaud… et de toutes les rengaines de l'époque. Je reconnais aussi les sorties de films, les avis de Truffaut, les événements internationaux et toute la vie politique française dans la tourmente jusqu'à l'arrivée de De Gaulle.
C'est un livre qui a le courage d'aborder une page peu glorieuse de notre histoire sans abuser de descriptions morbides, sans rien cacher ni édulcorer, avec des analyses qui montrent toute la complexité de la situation pour les Algériens et pour les Français.
Actuellement en salles, comme en écho, le film de Dafri "Qu'un sang impur…" complète le tableau avec des images -choc.




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