« le Comte de Buffon n'a fondé aucune science. Il fut un agitateur d'idées, un philosophe. Son nom n'est attaché à aucune loi, aucune invention au sens classique du mot. Ses doctrines n'ont pourtant pas manqué de préparer les esprits à d'autres aventures intellectuelles ».
Voilà comment
Claude Blanckaert, docteur en histoire et philosophie des sciences, présente cet homme dont je n'appréhendais jusqu'ici que la croûte d'un vernis de vagues connaissances. Cette citation résume bien l‘apport de l'homme aux sciences naturelles.
Après un chapitre consacré à la montée en force de Buffon (il était plutôt mathématicien au départ, je l'ignorais), l'auteur
Yves Laissus organise son livre en trois grands chapitres : un sur son activité en tant qu'intendant du Jardin du Roi – le contemporain Jardin des Plantes –, un sur sa vie de grand propriétaire terrien en Bourgogne et un sur l'oeuvre de sa vie : le vaste monument en 36 volumes qu'est l'Histoire Naturelle.
Buffon ne semble ne pas avoir apprécié particulièrement les activités à l'Académie et ne paraissait presque jamais dans les discussions de philosophes dans les salons. Sa vie parisienne était consacrée à accroître le Jardin du Roi et à augmenter la collection du cabinet d'histoire naturelle. C'était son fief et il s'en voulait le seigneur, même s'il lâchait la bride aux enseignants.
En parallèle il développa son château de Montbard et les terres attenantes. Il devint le premier employeur de la région. C'était un homme d'affaire averti qui profita de la vente de bois issu de ses terres forestières ou de la forge qu'il fit construire.
Il y avait clairement de la vanité en cet homme, mais aussi un esprit incisif qui lui permit de publier cet ouvrage monumental qu'est l'Histoire Naturelle. Son apport scientifique est indéniable, d'une part par la somme de faits qu'il y assemble, et d'autre part par les théories qu'il y déploie et les preuves qu'il en apporte. Certaines idées font sourire aujourd'hui – comme l'influence de la température sur la taille et la « laideur » des hommes – mais d'autres sont impressionnantes de nouveauté – comme l'idée qu'il n'y a qu'une seule espèce humaine. Ses théories pourraient se révéler fausses avec le temps, et entachées des préconceptions de son temps ; elles ont au minimum la qualité de poser un point de départ au débat scientifique.
Sans oublier que sa théorie de la Terre, qui s'éloigne clairement des dictats des Écritures, lui vaudra les foudres de la part des dévots ; une attitude que je trouve toujours courageuse et glorieuse.
Le livre est bien sûr complété d'un ensemble d'illustrations de toute sorte : portraits, gravures, aquarelles, sculptures, dont nombre extraites de l'Histoire Naturelle, considéré en son temps comme une oeuvre littéraire majeure.
Un livre éclairant.