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EAN : 9782251900018
512 pages
Les Belles Lettres (20/01/2009)
3.75/5   4 notes
Résumé :
Des logements propres et confortables, des écoles à la pointe de la modernité pédagogique, des loisirs variés, des magasins de proximité, un système de protection sociale contre les accidents de la vie. C'est déjà à partir de 1859, au Familistère de Guise dans l'Aisne, que Jean-Baptiste André Godin bâtit un Palais social, juste aux côtés de son usine d'appareils de chauffage. Rare expérimentation d'inspiration fouriériste qui a su résister au temps, le Familistère e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Lallement Michel - "Le travail de l'utopie : Godin et le familistère de Guise : biographie" éditions "les belles lettres", 2009 (ISBN 978-2-251-90001-8)

L'auteur commence par s'attarder longuement sur les théories fouriéristes et sociétaires courantes au XIXème siècle qui marquèrent profondément Godin. Il faut attendre la page 329 pour enfin apprendre ce qui était au juste produit dans les usines Godin, et l'auteur ne s'attarde aucunement sur ces "poêles Godin" qui firent la renommée internationale de ce familistère.

Je suis également déçu de constater que les matériaux autobiographiques concrets, précis, ne sont guère exploités : la scolarité de Godin n'est qu'effleurée pages 28-30, alors que Godin lui-même s'est attaché à témoigner à ce sujet, et qu'il est l'un des rares, en raison de ses humbles origines sociales, à pouvoir décrire ce qu'était à cette époque l'école des classes inférieures.

Ceci étant, cette somme est incontournable pour toute personne intéressée par le sujet.
On en trouve une recension détaillées à l'adresse suivante : http://temporalites.revues.org/1435
Claude Dubar, « Michel Lallement, le travail de l'utopie. Godin et le familistère de Guise », Temporalités [En ligne], 12 | 2010, mis en ligne le 18 novembre 2010
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
[L’expérience de Victor Considérant à Réunion (Texas)]

Au Texas, V. Considérant concrétise le projet. Il fonde une colonie — Réunion — à proximité de Dallas et à moins d’une centaine de kilomètres de l’endroit où, quelques années plus tôt, 485 Français avaient projeté de s’établir pour appliquer les préceptes communautaires d’E. Cabet. Godin suit de très près le développement de Réunion et s’emploie à de multiples tâches. Nommé gérant du bureau de Bruxelles avec A. Bureau et F. Cantagrel, il participe au recrutement des volontaires intéressés par l’aventure puis s’occupe de leur départ. Il se soucie également de l’organisation concrète de Réunion.

La première difficulté est liée à la capacité des colons à remplir leurs fonctions. Sur place, F. Cantagrel se lamente. Le 7 octobre 1855, il écrit aux gérants restés sur le Vieux Continent pour leur demander de « ne laisser partir pour Réunion que des phalanstériens ayant de la fortune, des capacités éprouvées, étant célibataires ou mariés sans enfants jeunes », etc. Godin lui répond : « Pas d’illusions, mon cher Cantagrel. La majorité des phalanstériens, des vrais croyants, des hommes de foi ayant comme vous le dites de la fortune (et Dieu sait quel en est le nombre !) sont dans les fonctions dites libérales. Des phalanstériens garçons, ou mariés avec femmes capables, sans enfants jeunes, laboureurs labourant, charpentiers charpentant, et possédant des ressources, mais c’est là de l’idéal, de la théorie et nous sommes devant la pratique ! » En un mot, Godin milite en faveur de la migration de personnes aptes à exercer des métiers utiles pour la communauté plutôt que d’individus convaincus mais dans l’impossibilité de fournir une quelconque contribution matérielle au collectif.
Godin constate par ailleurs qu’à Réunion les principes d’organisation du travail adoptés encouragent le laxisme et l’inefficacité. Les hommes et les travaux sont répartis en six classes. Les ouvriers sont payés à l’heure à des tarifs variables selon les groupes, non à la tâche comme prévu initialement. Seuls les chefs de fonction sont rémunérés au mois. [...]

Godin n’est guère écouté. Il est même marginalisé par ses collègues en charge à Paris de la gérance de Réunion. Le petit groupe publie alors un Bulletin de la société de colonisation européo-américaine. Jugés trop médiocres dans leur forme, les articles proposés par Godin sont systématiquement refusés. L’autodidacte Godin ne peut rivaliser avec ses amis, pour la plupart diplômés de l’enseignement supérieur, et peu amènes à son égard. [...]

Réunion est de toutes manières un échec. Incapable de diriger, V. Considérant jette l’éponge. Le principal disciple de C. Fourier en est à ce point affecté qu’il tombe en dépression et recourt à la morphine pour panser ses blessures psychiques. [...]

Godin avait-il anticipé la déconvenue de Réunion ? Au début des années 1850, il pressentait en tous les cas les difficultés concrètes de toute aventure fouriériste. En 1853, dans une lettre adressée à F. Cantagrel, Godin évoque les difficultés des phalanstériens à édifier des colonies. Il se laisse aller à la confidence. « Cela m’amène à vous dire que depuis que j’ai été obligé de refouler si profondément mes espérances de réalisation phalanstérienne en France, œuvre en vue de laquelle je n’aurais pas voulu éparpiller le peu de force et de concours que je pouvais lui accorder, je me suis déjà demandé bien des fois si ma position ne me permettrait pas de réaliser, à côté de mon établissement, une cité ouvrière dans laquelle un véritable confort serait accordé à mes ouvriers, eu égard à l’état dans lequel ils vivent. »

L’échec de Réunion n’a pu que conforter Godin dans son ambition personnelle. Dans Solutions sociales, Godin dit à nouveau combien sa déception a pu s’avérer finalement déterminante pour l’avenir. « Il me suffira de dire qu’en perdant alors les illusions qui avaient motivé ma confiance, je fis un retour sur moi-même, et pris la ferme décision de ne plus attendre de personne le soin d’appliquer les essais de réformes sociales que je pourrais accomplir par moi-même. » Même conclusion encore en 1883. « Une des causes principales de ces échecs semble avoir été l’insuffisance des études pratiques. Peut-être si l’école de Fourier fut restée exclusivement sur le terrain de l’association entre les divers éléments producteurs, eût-elle réalisé la commune sociétaire ? Nous avons bien la nôtre aujourd’hui, car le Familistère n’est pas autre qu’une commune. Il compte 1 200 personnes, il a ses conseils et comités spéciaux, son administration propre. »
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A l’extérieur du Familistère, l’ire gagne à nouveau certains esprits lorsque, le 15 novembre 1885, l’assemblée générale de la Société du Familistère décide à l’unanimité de demander à Godin qu’il accorde à l’entreprise un prêt de 3 millions de francs au taux de 4 %. Dans la lettre qu’il fait placarder dans les rues de Paris en réaction à l’événement, un « antispéculateur » se gausse du fondateur dont le traitement « ferait vivre un régiment » !
Lettre de l’antispéculateur à Godin, de Guise
Paris, le 29 novembre 1885,
Minuit et demi
Monsieur Godin,
J’ai sous les yeux le numéro 327 du journal Le Devoir du dimanche 29 novembre 1885, et c’est sa lecture qui me dicte cette lettre.
De quelle jouissance inconnue vous venez de priver vos vieux jours !
Songez que l’on a que celles que l'on sait se donner, et que l’autre monde n’est qu’une chimère.
Quoi ! en quelques mois votre journal socialiste a fait connaître votre verve et prononcer votre nom dans le monde entier.
Quoi ! vous touchez chaque année pour votre travail personnel un traitement qui ferait vivre un régiment !
Quoi ! vous avez édifié un familistère, fondé une association, organisé la mutualité, et plutôt que de saisir l’occasion de couronner un si bel édifice, de franchir d’un seul bond tous les degrés qui empêchent le spéculateur de s’élever jusqu’au travailleur, vous préférez prêter 3 millions à 4 % d’intérêt.
Quoi ! vous avez laissé échapper l’occasion d’être le premier à montrer à la face des spéculateurs du monde entier que leur dieu capital, valeur d’intérêts, n’était entre vos mains qu’un outil que vous saviez vous faire rendre tel que vous l’avez prêté.
Moi, depuis la dernière période électorale d’il y a quatre ans, j’ai économisé, sou par sou, quelques centaines de francs, afin de profiter de celle-ci pour pouvoir seulement afficher sur les murs de Paris cette vérité, et je ferai de même, en attendant l’autre, pour pouvoir recommencer, n’ayant que mon travail au jour le jour, pour subsister.
Ah ! mon pauvre Monsieur Godin, malgré vos millions, en face de vous, comme je me sens riche ! J’en pleure de joie, et comme je vous plains ! Apprenez que le millionnaire qui spontanément eut été capable de faire cela, eût été digne de présider une véritable république ; et sachez-le, Monsieur Godin, elle viendra, cette république-là ! .
GLOIRE AU TRAVAIL
MORT AU SALARIAT ET À LA SPÉCULATION
L’antispéculateur
Certifié conforme à l’original
Stumph, candidat
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Une lettre de Jean-Baptiste à Émile
Mon cher Émile,
Que puis-je te dire ? Ton bulletin m’indique la mesure de l’attention que tu prêtes à mes recommandations. Tu as été depuis ta rentrée au collège le 17ème sur 40. Tu es aujourd’hui le 31ème sur 41 à ton premier bulletin. Tu pourras être à la queue. Tu m’as déjà écrit que tu n'aimes pas les reproches et moi j’aime encore moins t’en faire. Je serais si heureux de n’avoir que des félicitations à t’adresser. Si tu nous aimais autant que nous t’aimons, tu ferais assurément plus que tu ne fais pour nous procurer cette satisfaction. Ton écriture ne gagne pas non plus. Elle est toujours comme celle d’un enfant qui commence à écrire. Je m’irrite, car il faudrait bien que je continue à te montrer que je ne suis pas content de toi et, pour ne pas le faire plus, des reproches je me fais. Je te prie de te souvenir combien tu t’es montré désireux de bien faire le jour où malade à Paris tu étais auprès de moi et me quittais sur de bons sentiments. Tâche de réchauffer ton cœur à ce souvenir et de retrouver le courage des bons désirs dont tu étais animé ce jour-là. Ton père fait toujours ce qu’il promet. Sois donc son fils et tâche de nous aimer assez pour aimer toi-même faire des progrès en toutes choses pour ton éducation. Aime-nous enfin autant que nous t’aimons.
Godin
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La réception du projet est tiède, pour ne pas dire fraîche. Lorsque, en juillet 1878, Godin présente aux travailleurs de son usine les titres qui certifient leur association à la propriété, seuls deux ouvriers et deux employés signent immédiatement pour donner leur accord. Tous les autres marquent leur défiance, et certains, au retour de la réunion, jettent même dans l’Oise les titres proposés. Un témoignage recueilli auprès d’un ouvrier de Godin par un spécialiste des questions sociales confirme le scepticisme ambiant. « C’est ici, sous les arbres, dit l’ouvrier avec un grand accent de respect, que M. Godin nous réunissait tous les soirs d’été, après le travail ; il s’asseyait là, dans le kiosque, à une petite table, et, tous en rond, nous écoutions ses conférences sur l’humanité, l’éducation, la fraternité. Comme il parlait bien, monsieur ! Quel mal cet homme-là s’est donné pour voir accepter ses idées et son argent par ses ouvriers ! Si vous saviez ! Il lui a fallu lutter pendant vingt ans pour être compris. On ne voulait pas le croire ! Pensez donc, un patron qui veut partager ses bénéfices avec ses ouvriers, leur en faire cadeau, ça ne s’était jamais vu ! Tout le monde le disait ! Moi comme les autres. Il doit y avoir un piège là-dessous. »
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