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Critique de Kirzy


Kirzy
22 septembre 2020
*** Rentrée littéraire 2020 #22 ***

La race des orphelins, c'est celle de ces enfants nés dans les Lebensborn, des maternités dans lesquelles les Nazis ont tenté de créer une « race supérieure » de Germains nordiques, des lieux sordides où des femmes racialement sélectionnées donnent la vie à des bébés blonds aux yeux bleus nés de rencontres furtives avec des SS avant de les abandonner au parti. Entre 9 et 12.000 enfants seraient nés dans des Lebensborn allemand, norvégien et même français ( le manoir de Lamorlaye dans l'Oise ). Près de 10.000 enfants aux caractéristiques physiques aryennes ont également été arrachés à leurs parents dans les territoires conquis par les Nazis pour être placés dans ces centres de germanisation.

C'est forcément très intéressant de voir comment un écrivain peut s'emparer d'un sujet aussi puissant et finalement méconnu ( les Nazis ont effacé toute trace de cette folie eugéniste à la fin de la guerre ), et l'occurence, le résultat est ici très impressionnant.

La race des orphelins se présente comme le journal de Hildegarde Müller, née dans un Lebensborn norvégien, aujourd'hui vieille femme en quête de son histoire qui est passé à la trappe de la grande Histoire. Oscar Lalo refuse une forme purement narrative pour faire le choix très pertinent d'un récit composé de bribes, de fragments, chacun sur une page, parfois juste quelques lignes. Cette économie de mots est remarquablement maitrisée, chaque mot à sa place. Ces mots hurlent la mémoire figée de la petite enfance inaccessible, crient les trous béants de ne pas connaître l'identité de ses parents. Les mots se répètent pour dire ils crient l'indicible et l'éternelle culpabilité d'être née de la volonté d'Hitler.

« Dans mon jeu de cartes, mon roi et ma reine ne valent rien. J'ai tout fait pour l'en guérir, pour divorcer de mes parents. Mais on m'oppose un vide juridique : on ne divorce pas du vide. On baigne dedans, comme dans une piscine sans eau.(...) Comme vous le savez, je n'ai pas de légendes à inscrire sous les photos de ma petite enfance. Normal : je n'ai pas de photos. Alors j'ai recours aux images et, tant qu'à faire, à des images absurdes. Ma naissance est absurde. Je suis née sans cordon. Ma piscine sans eau, c'est parce que je suis obligée de sortir d'un liquide amniotique qui n'existe pas. Une déplacée sans placenta. J'ai perdu les eaux. »

Ce roman court et intense sidère et prend aux tripes, et il le fait sans pathos aucun mais avec une charge émotionnelle qui semble pouvoir surgir à tout moment.
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