Un pyrénéiste même débutant aura entendu parler de Ledormeur, au moins parce que le refuge qu'il a conçu et fait construire au pied du Balaïtous porte désormais son nom. Mais au-delà...
Jean Lamanètre tente de rendre vivant ce personnage qu'il a comme tant d'autres aimé et admiré. La construction n'est pas lourde, le style évite la tentation du lyrisme et dépasse la platitude de biographies trop sages.
Pour moi, qui voulais en savoir plus sur le personnage et étais prêt à sauter des pages entières, c'est plutôt une réussite : intéressé jusqu'au bout j'ai l'impression d'avoir appris ou compris bien des choses sur la vie pyrénéenne, et singulièrement tarbaise, au début du 20e siècle. Oui, avant l'activité énorme de l'Arsenal pendant la première guerre mondiale, il y a eu une vie tarbaise, des entrepreneurs audacieux, probablement une vie intellectuelle et en tous cas des enthousiastes pour beaucoup d'activités et bien sûr pour la montagne. Tout cela n'est pas évident aujourd'hui.
Bien sûr ce sont les diverses facettes de Ledormeur que j'ai explorées avec quelque plaisir. Passons vite sur sa vie familiale : s'il a continué à passer toutes les journées de week-end en montagne, les petits matins et les soirées à préparer quelque projet de document sur la montagne ou quelque invention pratique, épouse et enfants n'ont pas dû beaucoup profiter de sa présence. Pour le reste, son activité effrénée force l'admiration : capable de pédaler et marcher quinze ou vingt heures coupées de deux heures de sommeil, il a aussi créé deux clubs de montagne, développé le ski, éclairci sur le terrain des questions topographiques...
On retient surtout les traces qu'il a laissées par un guide et une carte des Pyrénées, pas seulement centrales, résultat de ses propres recherches d'itinéraires sur plus de 1500 sommets et de sa volonté de savoir et de comprendre.
Ce livre m'a laissé une question : Ledormeur ouvrait des itinéraires faciles pendant que d'autres cherchaient la difficulté sur des sommets bien connus, il répétait volontiers des marches aisées pour initier amis ou camarades de club, mais quel était le niveau de difficulté réel de ses escalades? Il faut sans doute chercher un exemplaire rescapé de son guide pour s'en faire une idée.
J'ai jusqu'à maintenant trouvé peu de traces de l'auteur sur internet : un grimpeur raconte une course faite en partie avec
Jean Lamanètre déjà âgé, comme Lamanètre a parcouru les Pyrénées avec un Ledormeur vieillissant, c'est un autre exemple de la transmission de l'esprit pyrénéiste, remarquée dans une critique sur Babelio.