AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9781093594133
Editions Ateliers Henry Dougier (18/09/2014)
4.4/5   10 notes
Résumé :
Il est temps de ramener les Ukrainiens au centre du récit.
Les Ukrainiens, qui sont-ils ?... Peuple des " confins " ou au " centre " des terres selon les étymologies... Pendant longtemps la puissance du maelström géopolitique a poussé les Ukrainiens " aux confins " de notre perception de l'Europe.

Si l'Ukraine fait la Une, les Ukrainiens, eux, plus rarement : un reportage à chaud, produit dans l'instant, offre rarement la possibilité de saisir ... >Voir plus
Que lire après Ukrainiens : Lignes de vie d'un peupleVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Une fois n'est pas coutume, je ne vais pas aujourd'hui vous évoquer une fiction. Pour autant, il s'agit d'un sujet qui me touche au coeur et au ventre.
Ukrainiens est un ouvrage très bien fait qui entreprend une plongée dans l'histoire, la culture, les dynamiques profondes de la vie politique, économique et sociale de l'Ukraine.
À la faveur d'une récente masse critique, j'ai coché une seule case, c'était celui-ci ou rien d'autre et ce livre m'est parvenu comme un cadeau, l'occasion de mieux connaître ce peuple auquel je me suis attaché depuis quelques années. La guerre toute récente déclarée par la Fédération de Russie contre l'Ukraine rajoute une charge émotionnelle et je vais essayer de poser comme je le pourrai les mots que cette lecture aura suscités.
Poser un ressenti sur un livre de non-fiction, sous la forme d'un reportage, n'est pas un exercice aisé. Je vais le faire sous la forme d'un billet d'étonnement, une sorte de pas de côté. Car je suis entré dans ce livre avec mes croyances, représentations, certitudes sur le sujet. Certaines auront été ébranlées, d'autres au contraire auront été confortées.
Ukrainiens appartient à une collection que je découvre par la même occasion, Lignes de vie d'un peuple, une collection nourrie d'enquêtes où un peuple exprime aujourd'hui sa mémoire, ses valeurs son imaginaire, sa créativité.
Cet opus consacré aux Ukrainiens, on le doit à Sophie Lambroschini, journaliste ayant vécu plus de vingt ans entre Moscou et Kiev. Autant dire qu'elle connaît bien son sujet, grâce à son immersion dans ce pays.
Il sort ou ressort dans le contexte terrible que nous connaissons depuis quelques mois, précisément aux portes de l'Europe, car il a été écrit entre le printemps 2014 et 2016. Une préface rajoutée tout récemment permet simplement de nous avertir que le propos du livre le place en retrait de l'actualité et de l'invasion russe à grande échelle du 24 février 2022 qui a déclenché le plus grand conflit armé en Europe depuis la Seconde Guerre Mondiale. En retrait ? Je ne dirai pas tout à fait cela car cet ouvrage donne aussi quelques clefs de lecture sur les enjeux de ce conflit, sa genèse et le récit narratif offert par Poutine pour justifier cette barbarie sans nom qu'il qualifie depuis toujours non pas de guerre mais d'opération spéciale, afin de ne pas affoler les mamans russes qui voient leurs gosses partir à la boucherie et parfois ne pas revenir ou bien allongés dans des caisses en bois. Ben voyons !
Ukrainiens, peuple de contraste, peuple multiple, forgé dans sa diversité et ses fractures, déchiré entre l'Est et l'Ouest. Je l'avais un peu senti comme ça au doigt mouillé, mais là la démonstration est claire, s'appuyant tout simplement sur L Histoire...
Même les étymologies se battent entre elles pour dire ce que sont les Ukrainiens ! C'est dire... Peuple des « confins » ou « au centre » des terre...
Un certain 27 décembre 2014, je débarquais pour la première fois en terre ukrainienne, précisément à Kiev. Dès le lendemain, la femme que j'allais épouser quelques années plus tard m'entraîna sur Maïdan Nezalejnosti, la place Maïdan, la place de l'Indépendance, l'esplanade centrale de Kiev, celle où tout le pays converge à chaque coup chaud... j'y découvrais 109 photos dressées tout autour de la place, des résistants abattus comme des lapins par les snipers russes depuis le toit d'un des grands hôtels qui dominaient la place, l'Hôtel Ukraine, un certain 18 février 2014, lors de la fameuse révolution du Maïdan... Sous chaque photo, des bougies étaient régulièrement allumées. Des femmes pleuraient ici encore, des mères, des soeurs, des épouses... Les larmes me sont venues en imaginant cette résistance d'un peuple si proche géographiquement de nous en 2014 renversant le Président Viktor Ianoukovytch inféodé au pouvoir russe, les larmes me sont venues devant la photo du plus jeune, 17 ans, et du plus ancien, 79 ans... Je croyais entendre à cet instant-là leurs voix, des cris, le bruit des balles, j'ai alors compris que derrière ce pays il y avait une nation incroyable, éprise de solidarité et de résilience. Aussi, la fabuleuse résistance démontrée lors de l'invasion russe pour laquelle Poutine pensait que quelques jours suffiraient pour renverser Volodymyr Zelensky ne m'étonna guère.
Le lendemain, poursuite de la visite de Kiev sur un autre lieu ô combien chargé d'émotions, le mémorial consacré à l'Holodomor. Je fus stupéfait de découvrir cet événement que j'ignorais totalement, les livres d'Histoire ne l'évoquent pas, semble-t-il. Sophie Lambroschini en parle admirablement bien. Il s'agit d'une famine que l'on peut aisément qualifier de génocide , organisée entre 1932 et 1933 par Staline, - vous savez ce type qui ressemblait à Groucho Marx mais en moins gentil, pour mettre à genou la paysannerie ukrainienne qui n'était pas suffisamment coopérante à ses yeux à l'égard du régime soviétique. Selon les estimations, cette tragédie fit entre 2,6 et 5 millions de morts. Toujours le même Staline, - décidément, vida la Crimée du peuple Tatare qu'il expédia dans les camps de Sibérie et remit à la place, des gens plus sympathiques à ses yeux, russophones pour ne pas dire russophiles. Dans le Donbass dont on entend aujourd'hui l'écho, il fit à peu près la même chose à la différence qu'il repeupla ce territoire vidé à l'époque de sa population par une autre sans doute moins vertueuse et bienveillante, vidant quelques prisons russes gorgées de malfrats et voyous en tous genre pour leur offrir une chance de rebondir dans une nouvelle existence. Quel généreux homme, ce Staline ! le Donbass actuel repose sur ce beau magma qui n'a jamais voulu se fondre dans le reste du peuple ukrainien, d'une région à l'autre ces deux franges de la population ukrainienne n'ont jamais cessé de se regarder en chiens de faïence, les Ukrainiens occidentaux depuis longtemps considèrent que le Donbass est une sorte de prison à ciel ouvert où tous les mauvais genres de la terre sont venus se poser et se reproduire entre eux, créant de nouvelles générations dégénérées, expliquant les raisons pour lesquelles le Donbass ne s'est jamais réellement intégré à l'ensemble du reste du pays et leur choix politique. Je dis cela non pas avec mes mots mais avec ceux que j'ai entendus dès mes premiers voyages à Kiev et je dois vous avouer que cette vision caricaturale m'avait choqué. Je ne saurai dire quelle est la part de vérité. Cependant, tout ceci démontre que les maux et les déchirures de ce peuple prennent sans doute leur source à l'époque de Staline et dans sa manière de gérer l'emprise de l'Ukraine sous la coupe soviétique...
Autre étonnement : Alexandre Soljenitsyne. Oui vous avez, ce type avec sa grande barbe de druide qui venait parfois chez Pivot le vendredi soir. Moi je le trouvais sympa, tout le monde d'ailleurs, vous imaginez, il était un dissident du régime soviétique. J'ai toujours eu tendance à apprécier la parole des dissidents. Mais voilà que j'apprends ici que Soljenitsyne, rêvant déjà de la fin du régime soviétique, prônait cependant la construction de la Grande Russie, rassemblant avec la Fédération de Russie actuelle, la Géorgie, l'Ukraine, la Biélorussie, la Moldavie, et pourquoi pas dans l'élan la Pologne. En fait Soljenitsyne ne disait rien d'autre que ce que dit aujourd'hui Poutine...
À propos d'écrivains ukrainiens, Sophie Lambroschini n'oublie pas de nous citer Andreï Kourkov, un écrivain très apprécié dans la communauté Babelio, lui offrant d'ailleurs la parole sur le thème sensible de l'expression de la langue russe en Ukraine. Et petite touche d'émotion, dans le panthéon des écrivains qu'elle cite, comment ne pas évoquer Irène Némirovsky, certes d'origine russe, mais née à Kiev ?
Puis vint dans ma lecture un chapitre consacré aux femmes ukrainiennes. Oui, je vous vois venir. Eh bien, ne comptez pas sur moi pour déroger à ma règle de lecture : pas d'émotions, on se calme... Il est dit dans cet ouvrage que les femmes ukrainiennes ont une image reposant sur des clichés à la fois contrastés et donnant une image fausse. J'ai aimé ce chapitre consacré cependant à la question féministe. Sophie Lambroschini évoque avec humour l'image de la poupée Barbie, j'ai imaginé que la femme ukrainienne était cela dans la représentation universelle et mondiale.
Bien sûr, deux images médiatiques fortes nous saisissent. Tout d'abord Ioulia Tymochenko, femme politique au premier plan avec une image de sorte de passionaria proche de l'icône, d'un autre côté les Femen et leurs seins nus peinturlurés, emblème d'un féminisme radical, dont je découvre ici qu'elles étaient en fait des marionnettes instrumentalisées par un homme dont on ignore encore aujourd'hui l'identité. Là aussi j'ai découvert cette information alors que je pensais qu'elles étaient des militantes indépendantes.
Je sais que sur les questions féministes l'Ukraine est divisée en considérant qu'il existe encore une frange très traditionnelle ancrée dans le pays tandis que l'élan produit par cette toute jeune démocratie développe des envies magnifiques d'émancipation. Ne serait-ce que sur le plan politique et, s'agissant de la représentativité des femmes ukrainiennes dans les ministères et au sein de leur Parlement, l'Ukraine a beaucoup de choses à nous apprendre...
À travers leur Histoire, leur culture, leur vie quotidienne, Sophie Lambroschini fait ici un portrait sensible des Ukrainiens, qui m'a aidé à comprendre les mentalités qui ont forgé ce peuple très composite.
Je m'aperçois que je n'ai pas parlé de la langue. Sophie Lambroschini évoque amplement ce sujet. Les Ukrainiens parlent le Russe et l'Ukrainien, qui est une vraie langue, comme le breton, je dis ça, hein... Je dis ça surtout car avec mon épouse, nous avons eu à ce sujet un échange légèrement tendu le week-end dernier. Etant née à Kharkiv sous le régime soviétique, habitant plus tard à Kiev où toutes les anciennes capitales soviétiques ont continué de parler russe. Je lui ai demandé pourquoi elle ne parlait pas désormais l'ukrainien, surtout dans le contexte actuel. J'ai regretté ma question qui lui faisait mal.
Pour finir par une note exotique, j'ai eu le plaisir de voyager dans un vieux train poussif hérité de l'ère soviétique entre Lviv et les Carpates. Trois heures de retard à l'arrivée ! Comme c'est beau l'imprévu de ce pays qui continue de m'étonner.
Je remercie Sophie Lambroschini mais aussi sa maison d'éditions et Babelio dans le cadre de cette Masse Critique pour cette invitation à ce voyage magnifique.
Commenter  J’apprécie          3731
Pour cette ultime Masse Critique de l'année, j'ai choisi l'un des titres évoqué dans l'un de mes posts précédents Sur l'Ukraine ici, il s'agit des Ukrainiens de Sophie Lambrischini publié chez Ateliers Henry Dougier. le titre appartient à la collection au nom évocateur, Lignes de vie d'un peuple. L'auteure, Sophie Lambroschini, fut journaliste, a travaillé longtemps en Russie et en Ukraine, elle est aujourd'hui chercheuse en histoire à Berlin. On apprend aussi au détour d'un paragraphe qu'elle a vécu en Ukraine. Si cette collection ne manque pas d'évoquer les célèbres atlas des Éditions Autrement, c'est peut-être parce que le fondateur de la maison d'Éditions, Henri Dougier, fut également le fondateur des éditions Autrement, qu'il a cédées en 2011. C'est d'ailleurs par la publication de cette collection que la maison d'édition qui porte son nom a débuté.

En tout premier lieu, il me semble important de le préciser, il n'y a pas de chapitre consacré à cette partie de la guerre russo-ukrainienne, celle qui a commencé ce funeste 24 février : l'auteure le précise en introduction, le texte été rédigé avant que Poutine ne se décide à lancer cette invasion en début d'année. Quatre grands chapitres composent ce livre : le premier sur l'histoire du pays, le deuxième sur la diversité des origines de la population ukrainienne et de sa mixité, le troisième sur l'esprit entrepreneurial des Ukrainiens, le quatrième sur les femmes ukrainiennes et le cinquième et ultime chapitre sur la guerre au Donbass. le livre est également doté d'une belle carte détaillée et en couleur – l'indispensable pour un pays qui nous est inconnu – ainsi que d'annexes très complètes sur des ouvrages à lire pour approfondir sa lecture sur le sujet et une chronologie rappelant les dates importantes du pays. Si vous avez peur d'être noyé sous un tas d'informations très formelles, il n'en ait rien, l'exposé de l'auteure n'a rien de rébarbatif, ce n'est pas du tout une lecture fastidieuse, comme certains ouvrages historiques peuvent l'être. Au contraire Sophie Lambroschini a fait en sorte de rédiger un texte clair et agréable à lire, ventilé par un découpage régulier en paragraphes, jugulant ainsi le nombre d'informations qu'elle nous distribue tout en prenant le temps d'exploiter au mieux chaque précision qu'elle choisit de nous livrer.


J'ai littéralement dévoré ce livre. C'est dire à quel point Sophie Lambroschini ne se perd pas dans des explications sans fin. Si effectivement, il ne parle guère de l'attaque des Russes du 24 février dernier, en revanche, il met en lumière tous les événements antérieurs, les relations conflictuelles avec ce voisin trop expansif, qui ont amené la Russie à attaquer l'Ukraine, et en premier lieu, l'annexion de la Crimée en 2014. Il s'agit d'apprendre à connaître ce peuple, à appréhender leur identité, apprendre leur racine, leur histoire, leur culture. Et qui dit histoire et culture, dit exposer les principales étapes qui ont forgé ce pays tout neuf dans cette unicité qui est la sienne aujourd'hui, des mouvements migratoires, et les personnalités qui constituent les grandes figures de ce peuple ukrainien : et en premier lieu le poète Taras Chevtchenko, qu'elle désigne comme « principal personnage consolidateur » du pays, auteur du recueil de poèmes Kobzar.

Ce livre m'a permis de relier entre eux les différents événements que sont la fin de l'URSS, la révolution orange, la révolution de Maïdan, l'annexion de la Crimée, la guerre au Donbass et finalement la bataille actuelle d'une guerre qui a commencé à l'indépendance du pays. Et de mieux comprendre cette coexistence de la langue ukrainienne, et de la langue russe, utilisée par beaucoup d'auteurs à commencer par Andreï Kourkov, qui sont pourtant de fervents patriotes. J'ai particulièrement apprécié les passages consacrés aux femmes et hommes de lettres, dont les oeuvres ne nous sont malheureusement pas encore parvenues en France. Si ce livre est réussi, c'est enfin parce qu'il est ponctué d'anecdotes personnelles, de personnes envers lesquelles l'auteure est allée à la rencontre et dont elle prend soin de nous relater, détail par détail. Je pense ici notamment à ce couple, Ivan et Svetlana Plachkov, à la tête de Kolonist, leur entreprise vinicole, à Valentin, qui travaille au noir dans une mine au Donbass. Mais ce qui participe aussi à l'exhaustivité du récit de l'historienne, c'est son recours, à chaque chapitre correspondant, à des spécialistes de la question, qui nous donne une vision pointue sur la situation des Ukrainiens. Je ne suis pas partie pour finir de chanter les louanges de ce titre. En effet, Sophie Lambroschini a choisit de dévoyer un chapitre entier aux femmes ukrainiennes, ce qui ma foi est une excellente chose dans la mesure où ce sont aussi elles qui font marcher le pays, toujours dans l'ombre.

L'auteure nous parle des problématiques sociales du pays, dont ce phénomène qu'évoquait Artem Chapaye dans son roman Loin d'ici, près de nulle part, ces mères qui partent travailler dans des pays plus riches et qui sont demandeurs de main d'oeuvre peu qualifiée et bon marché : ces mères qui laissent derrière elles ces « orphelins » sociaux ». Un seul reproche que je ferais, c'est le fait de ne pas avoir évoqué le recours massif, intensif, donc abusif à la PMA et à la GPA, comme le montre Sofi Oksanen dans son roman le parc à chiens, qui est devenu malheureusement une manne économique non négligeable pour certaines Ukrainiennes. Ce que la guerre a d'ailleurs mis en lumière à travers ces bébés bloqués dans le pays avec leur mère porteuse.

Vous l'aurez compris, j'ai aimé ce titre de la première à la dernière ligne, l'auteure a su trouver un ton juste et pédagogue pour ne pas transformer ses chapitres en leçons poussiéreuses d'histoire, de géographie ou géopolitique. Bien au contraire, en reliant son texte à l'actualité et au présent, elle effectue un rapprochement entre le lecteur et le pays, dont nous connaissons désormais les couleurs du drapeau par coeur. Et, encore une fois, rien ne vaut, les différents témoignages dont elle se fait l'entremetrice. J'envisage de me procurer d'autres ouvrages de la même collection, notamment ceux que je cite ci-dessous ou encore le numéro consacré à la Roumanie.




Lien : https://tempsdelectureblog.w..
Commenter  J’apprécie          20
à lire absolument en ce printemps 2022!
Une collection remarquable et ici une autrice qui sait de quoi elle parle: spécialiste de la Russie et de l'Ukraine, elle a vécu 10 ans à Moscou et vivait à Kiev depuis 2005 au moment de la rédaction de ce livre: 2014, en pleine crise, déjà! Il s'agit non du pays mais des ukrainiens et ukrainiennes...
Une très belle carte montre la situation de ce pays: frontières avec la Russie, la Biélorussie, la Pologne, la Slovénie, la Hongrie, la Roumanie, et la Moldavie, la Mer noire et la mer d'Azov. Etrange de voir la Crimée perdue, cette grande presqu'île dont nous connaissons Yalta et Sébastopol; le sud avec Odessa mais bien sûr les villes martyres ne sont pas mentionnées: elles n'avaient pas d'actualité brulante à ce moment là; il y a Kiev , sa place Maïdan et Pripiat (càd Tchernobyl); à l'Est le fameux Donbass...
Tout ce qui est susceptible de nous réveiller...
Commenter  J’apprécie          130
Un ouvrage court, agréable à lire et très documenté qui permet de mieux appréhender ce qu'il se passe actuellement en Ukraine. A travers de nombreux témoignages, c'est une petite revue de l'histoire du pays, une présentation de la situation actuelle ainsi qu'une vision de l'avenir possible pour cet état qui nous sont proposées ici.
Bien plus que de l'Ukraine, il est effectivement question ici des Ukrainiens : ce peuple aux multiples visages qui a connu tant de douleurs (tout particulièrement au XXe siècle) tente aujourd'hui de trouver sa place entre l'Europe et la Russie. Fidèles à cette valeur qui leur est si chère, la liberté, les Ukrainiens veulent croire en un avenir démocratique pour leur pays. le monde entier constate en effet qu'ils ne manquent ni de courage ni de ténacité pour tenter de préserver leur indépendance.
Un livre très éclairant !

A noter que l'auteure, Doctorante à l'Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, réside depuis 2005 à Kiev.
Commenter  J’apprécie          40
Je pourrais m'étendre en éloges sur ce petit livre qui inaugure une collection nouvelle (Lignes d'un peuple) d'une nouvel éditeur (HD, atelier Henry Dougier). En réalité ce n'est que la maison d'édition qui est nouvelle, car l'éditeur Henri Dougier n'est en rien un débutant : il est aussi le fondateur de la maison Autrement.
La construction de l'ouvrage s'inscrit dans la manière d'Autrement qui mêle connaissance géographique et historique à des interviews et des témoignages, le tout organisé de façon vivante et sans lourdeur par un auteur qui connaît parfaitement l'Ukraine pour y vivre depuis de nombreuses années.
Mais la recension que donne Médiapart de cet ouvrage sera bien plus convaincante que ma propre prose pour vous vous inviter à découvrir par ce livre
un peuple et un pays trop méconnu chez nous.
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Nous devons alors nous joindre au rituel des villageois ukrainiens. Tous les ans, au retour des beaux jours, nous "reprisons" la maison comme un vêtement usé par le temps : préparer une bouillie faite d'eau, de sable, d'argile, de paille et de crottin pour calfeutrer les crevasses, égaliser les surfaces, puis blanchir à la chaux. Pour finir, donner un coup de peinture bleu azur sur les dormants et les montants des fenêtres.
J'admire notre mazanka (chaumière). Hier encore affaissée comme un château de sable sous l'effet des intempéries, elle est aujourd'hui requinquée, un peu pour de vrai, et un peu cache-misère, mais elle sort pimpante de l'épreuve des saisons. Cette maison évoque tout ce qui me fascine chez les Ukrainiens, si éprouvés au XXe siècle : cette détermination à se refaire, à se reconstruire au XXle siècle, avec une volonté trempée d'optimisme et d'entêtement.
Commenter  J’apprécie          304
" Les Ukrainiens, qu'on nomme Cosaques, sont un ramas d'anciens Roxelans, de Sarmates, de Tartares réunis. (...) La nature s'y efforce de faire du bien aux hommes, mais les hommes n'y ont pas secondé la nature, vivant des fruits que produit une terre aussi inculte que féconde, et vivant encore plus de rapines ; amoureux, à l'excès, d'un bien préférable à tout, la liberté. "

Voltaire, Histoire de Charles XII, roi de Suède, 1731
Commenter  J’apprécie          270
Notre-Dame d’Ukraine : la femme gardienne de la mémoire

Pani Oksana, « Madame Oksana », la forme de politesse traditionnelle en Ukraine, est l’une des figures les plus marquantes de la littérature ukrainienne contemporaine, originale, passionnée, et féministe.

Dans le hall voûté de l’Arsenal à Kiev, salle d’exposition grandiose accueillant une fois par an le Salon du livre ukrainien, Oksana Zabouzhko a mis en scène la présentation de son dernier livre sous des auspices féminins : deux soeurs sopranistes chantent ses poèmes, accompagnées d’un trio de violoncelles. L’harmonie de la mélodie ronde un peu chuintante de la langue ukrainienne, mêlée aux sons vibrants et graves des cordes, émeut visiblement le public qui se lève spontanément. Ovation pour les trois femmes. « Dans mes romans, je parle de l’être humain, et il se trouve que le plus souvent cet être humain, chez moi, est de la gent féminine. »

Vive, les mains en mouvement, Pani Oksana rappelle un colibri, mais littéraire. Lors de ses conférences, plusieurs par mois, elle est prête à parler de tout, ou presque. « Dans une société comme la nôtre, ou toutes les institutions traditionnelles se sont discréditées, on en revient toujours à se fier aux représentants de l’intelligentsia pour dire « comment vivre » plutôt que « comment exister ». »

De toute évidence, elle aime ce rôle, un peu prof, un peu mentor. Sans doute les semestres passés à Harvard à enseigner la littérature y sont pour quelque chose. Ses lecteurs, souvent jeunes et ukrainophiles, elle les accroche par la parole.

Pourtant, ses romans et ses essais sont complexes, déroulant un fil rouge, celui de la femme, de sa « voix historique », de sa place dans la société ukrainienne. D’ailleurs, au-delà de son public privilégié, Pani Oksana fait l’inimitié plutôt que l’unanimité. On lui reproche son « féminisme », qu’on entend surtout par une sexualité assumée. Son premier roman à succès, L’Enquête de terrain sur le sexe en Ukraine, s’inspire de son expérience personnelle à Penn State (Pennsylvanie) en 1992, quand à 30 ans elle découvre l’Occident. Elle y décrit les aventures d’une jeune intellectuelle ukrainienne accueillie dans une université américaine – voyage initiatique à la découverte de son corps, des hommes, de son identité.
Commenter  J’apprécie          10
L'Ukraine a longtemps été une terre de souffrance. Elle est aujourd'hui source de fierté. Et elle reste ce qu'elle a toujours été : une terre de liberté. Cette aspiration n'a pu être brisée par des siècles de domination ni par des décennies de répressions en tout genre. Sa culture et sa langue, sa sensibilité et sa poésie, sa littérature et ses chants constituent une richesse qui mérite d'être mieux connue et partagée. L'Ukraine est désormais face à son destin qu'il lui revient d'accomplir, à elle seule. Son intégration dans la famille européenne n'est qu'un retour, trop longtemps attendu et cher payé.
Iryna, Ukrainienne, 43 ans (sa main est en photo sur la couverture de l'ouvrage).
Commenter  J’apprécie          40
A Kiev, le ravin de Babi Yar, site bien connu comme sépulture de 100 000 personnes essentiellement juives, tuées par ballesou enseveliies vivantes par les nazis, a été goudronné et transformé en route à six voies dès les années 1960. Le poète soviétique Evgueni Evtouchenko raconte l'état d'origine du ravin en 1959: "Tout d'un coup, je vis une simple décharge (...) sous nos yeux, les bennes déversaient des poubelles à l'endroit même où se trouvaient toutes ces victimes." Le visite de Babi Yar inspire à Evtouchenko d'écrire l'un des plus fameux poèmes du "dégel" soviétique, dont les premiers vers, "Babi Yar n'a pas de monument...", provoquent au sein de l'intelligentsia de son pays un début de réflexion sur la valeur de la mémoire historique, et, chez le compositieur Dmitri Chostakovitch, une émotion qu'exprime sa 14è symphonie.
Le monument officiel aux victimes de Babi Yar, finalement érigé en 1966, ne comporte aucune mention de l'origine juive des victimes, désincarnées par la qualification de simples "soviétiques". En 1991, un monument financé par Israël appelle enfin au souvenir de la Shoah. Il existe aussi d'autres mémoriaux érigés de manière tout à fait spontanée à l'extrémité sud du ravin, toujours à l'état sauvage: des croix en fer forgé pour des victimes anonymes ("Ici sont mort des humains", peut-on déchiffrer sur la plaque), une sculpture à la mémoire des enfants, aux Tsiganes et aussi aux "nationalistes Ukrainiens". Concurrence des mémoires et des récits historiques...
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Sophie Lambroschini (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Sophie Lambroschini
Troisième volet de notre série d'entretiens sur le premier anniversaire de l'agression russe en Ukraine, avec Sophie Lambroschini, chercheuse au Centre Marc-Bloch de Berlin et experte de la Russie et de l'Ukraine contemporaines. 
Dans le cadre d'un partenariat avec le Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen (Cercec, EHESS-CNRS), à l'occasion du premier anniversaire de l'agression russe contre l'Ukraine, déclenchée par Vladimir Poutine le 24 février 2022, nous donnons la parole à quatre chercheuses et à un chercheur pour mieux comprendre les enjeux de cet événement, à la fois du côté de l'agresseur et de l'agressé.
Sophie Lambroschini est chercheuse au Centre Marc-Bloch et chercheuse associée au Cercec. Ancienne journaliste, elle a mené des recherches dans le Donbass, région de l'est de l'Ukraine. Elle s'intéresse en particulier aux services publics et à leur adaptation dans le contexte de la guerre. Elle a publié Ukrainiens (Ateliers Henry Dougier).
#Ukraine #Russie #Guerre
Retrouvez toutes les émissions de la collection : https://www.mediapart.fr/studio/videos/emissions/ukraine-russie-vivre-la-guerre#at_medium=custom7&at_campaign=1050
Mediapart n'a qu'une seule ressource financière: l'argent issu de ses abonnements. Pas d'actionnaire milliardaire, pas de publicités, pas de subventions de l'État, pas d'argent versé par Google, Amazon, Facebook… L'indépendance, totale, incontestable, est à ce prix. Pour nous aider à enrichir notre production vidéo, soutenez-nous en vous abonnant à partir de 1 euro (https://abo.mediapart.fr/abonnement/decouverte#at_medium=custom7&at_campaign=1050). Si vous êtes déjà abonné·e ou que vous souhaitez nous soutenir autrement, vous avez un autre moyen d'agir: le don https://donorbox.org/mediapart?default_interval=o#at_medium=custom7&at_campaign=1050
+ Lire la suite
autres livres classés : ukraineVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Lecteurs (24) Voir plus




{* *} .._..