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EAN : 9782764621424
558 pages
Boréal (28/10/2019)
4.75/5   2 notes
Résumé :
Que ce soit comme nouvelliste et romancière, du Torrent et des Chambres de bois à Kamouraska et aux Fous de Bassan, comme poète, du Tombeau des rois aux Poèmes pour la main gauche, ou comme dramaturge, des Invités au procès à La Cage, Anne Hébert (1916-2000) nous a laissé une oeuvre dont la splendeur, l'originalité et la force font d'elle une figure majeure de la littérature québécoise et canadienne du XXe siècle. Commencée au lendemain de la Deuxième Guerre mondial... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Je viens de terminer la biographie Anne Hébert, vivre pour écrire de Marie-Andrée Lamontagne. Cette dernière n'est pas une inconnue dans le monde littéraire. Elle est journaliste, éditrice, écrivaine. Elle a fait paraître sa biographie sur Anne Hébert aux Éditions du Boréal. Marie-Andrée Lamontagne a passé 10 ans à faire de la recherche pour cette biographie et elle a mis 5 ans à la rédiger. Un travail colossal pour mettre en lumière cette écrivaine qui préférait sans aucun doute vivre dans l'ombre. Je dois d'emblée vous dire que j'ai adoré chaque page des 516 de cette biographie. Comme je suis une admiratrice inconditionnelle d'Anne Hébert, je savais que ce livre serait une lecture marquante. Mais à ce point, non.

Ma première rencontre avec la plume d'Anne Hébert remonte à la fin des années 90. J'avais comme lecture obligatoire au collégial son recueil de nouvelles le Torrent. Je savais en lisant les pages de ce dernier que j'avais découvert mon écrivaine québécoise. Ensuite, à l'université, il y a eu mes lectures des Fous de Bassan, de Kamouraska et pour ma maîtrise, des Chambres de bois. Bien entendu, il y a eu mes lectures de sa poésie et de ses autres romans comme L'enfant chargé de songes, le premier jardin ou Un habit de lumière. Anne Hébert, c'est celle qui fait vibrer mon âme poétique, c'est celle qui me parle de la fureur de vivre, de la passion d'aimer, de la puissance des forces destructrices, du sacré et du profane. En tant qu'étudiante à la maîtrise, je suis même allée présenter une conférence lors de l'ouverture du Centre Anne-Hébert à l'Université de Sherbrooke dans l'espoir de la rencontrer. Ma communication portait, entre autres, sur Les chambres de bois et l'instance lectrice. Mais, malheureusement, Anne Hébert était trop malade pour se déplacer. Donc, je n'ai jamais eu la chance de lui parler, de lui dire à quel point je porte ses mots en moi, comment son imaginaire a forgé mon imaginaire et qu'elle m'inspire à écrire. Donc, il va sans dire que cette biographie m'intéressait au plus haut point. Anne Hébert est morte en l'an 2000 et cet hommage ne pouvait qu'être doux à mes oreilles, car il me replongeait par le fait même dans mon parcours.

Marie-Andrée Lamontagne a présenté un portrait humain, tendre, attachant de cette grande dame de la littérature. Elle a fait beaucoup de recherches et elle a lu certainement toutes les lettres de l'écrivaine mises à sa disposition pour en arriver à dresser un tel portrait. Elle a rencontré aussi des personnes qui ont côtoyé l'écrivaine. On le sait, Anne Hébert a toujours été extrêmement discrète sur sa vie personnelle. Je ne connaissais qu'une petite partie c'est-à-dire son enfance passée à Sainte-Catherine, sa relation avec son cousin le poète Saint-Denys Garneau, ses difficultés pour trouver un éditeur, son appartement parisien.

Grâce à cette biographie, on en apprend plus.

La vie avant Paris

En lisant la biographie, j'ai appris qu'Anne Hébert avait été une enfant surprotégée. Son père souffrait de tuberculose et il a transmis très tôt à sa fille sa hantise de la maladie. Sa mère, pour sa part, vivait marquée par la dépression et elle se terrait dans sa maison de Québec ne sortant que pour la messe. On apprend même qu'à 20 ans, Anne Hébert a dû vivre enfermée quelques années dans sa chambre car un médecin lui avait donné un faux diagnostic en la rendant tuberculeuse. Marie-Andrée Lamontagne soulève cet élément très important dans la vie d'Anne Hébert ayant conditionné son devenir d'écrivaine. Ainsi, le tombeau des rois tout comme Les chambres de bois porteraient tous les thèmes de cette vie de recluse. Mais encore, on en vient à savoir qu'Anne Hébert avait une phobie alimentaire tributaire de son enfance. le poème mettant en scène une fille maigre, c'est elle.

Et la naissance d'une écrivaine : Paris

Il a fallu qu'elle se coupe de sa famille trop protectrice pour être en mesure de se consacrer totalement à l'écriture en rejoignant le Paris des années 50 (elle avait presque 40 ans). Dans ce dernier, elle se crée une vie, elle vole de ses propres ailes, elle trouve l'Amour, elle se consacre à ses amies (elle entretiendra des relations d'amitié privilégiées avec des personnes qui lui seront fidèles et l'aideront durant toute son existence). Les extraits des lettres qu'elle adressait à son père et à sa mère sont empreints de délicatesse pour ne pas les froisser. Anne Hébert adorait sa famille. Elle voulait seulement devenir une femme, une écrivaine.

La biographe aborde aussi l'amour libre qui durera très longtemps entre Anne Hébert et Roger Mane, un bourgeois du domaine de l'édition. Elle met aussi l'accent sur la fidélité d'Anne Hébert envers les siens, envers les lieux (Menton, Saint-Joseph-de-la-Rive, Paris, etc.).

Et bien sûr, il y a son travail d'écrivain. Elle s'y donne corps et âme. La biographe cite des extraits de missives pour nous montrer à quel point Anne Hébert était possédée par ses personnages. Elle aborde ses rapports avec la maison d'édition le Seuil et de son travail de réécriture avant la publication d'un ouvrage. Elle soulève les prix décernés à Kamouraska et aux Fous de Bassan (le Femina). Mais surtout, elle mentionne la vie épurée que menait Anne Hébert pour se consacrer à l'écriture. Cette dernière se contentait de peu. Son appartement était dénudé d'artifice (une toile offerte par son grand ami le peintre Jean-Paul Lemieux illustrant une scène de Kamouraska habillait son mur), son chat. Elle vivait sobrement entièrement vouée à l'écriture.

C'est tout ça qui nous est offert dans cette biographie. Et bien sûr, il y a le retour en sol québécois pour venir y mourir.

Si vous êtes passionné par le travail d'écriture, par l'histoire de l'édition, par la plume d'Anne Hébert, cette merveilleuse biographie est pour vous. Je vais être hantée longtemps par cette fille trop maigre, trop belle, terrée dans une chambre de bois. Merci Marie-Andrée Lamontagne pour cette biographie qui sera désormais une référence.

Cette biographie, c'est mon coup de coeur littéraire 2019.

Je vous laisse sur ces mots d'Anne Hébert à propos du paysage de Sainte-Catherine, lieu cher à son coeur, là où elle repose éternellement :

C'est ici que j'ai appris à voir et à regarder les gens, la rivière, la montagne, les champs, les arbres et les fleurs d'ici ont participé à ma première connaissance du monde. Tout au long de ma vie, que je sois à Paris, à Québec ou à Montréal, je garde un paysage vivant dans mon coeur même et qui me fait vivre et écrire. (p. 455)

Je tiens à remercier les Éditions du Boréal pour ce livre reçu en tant que service de presse.

https://madamelit.ca/2019/11/27/madame-lit-anne-hebert-vivre-pour-ecrire/
Lien : https://madamelit.ca/2019/11..
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Poésie ou roman, Montréal ou Québec, on a vu que publier n'est pas une mince affaire dans ces années-là. De plus le tombeau des rois n'est pas une poésie facile. Le recueil culmine en intensité dans le poème éponyme, plongée initiatique et funèbre, jalonnées de rites, d'offrandes, d'enbaumement, de mutilations et de sacrifices, charriant un flot d'images qui évoque l'Egypte ancienne ou les religions à mystères orientales. Anne Hébert est la première à convenir du caractère sombre de cette suite de poèmes montés des gouffres d'où elle vient. ........Elle expliquera ainsi :

Tous les poèmes du Tombeau des rois sont disposés comme une
sorte de cheminement qui va vers la mort. C'est de plus en plus
fermé. Au début, les premiers poèmes sont encore assez ouverts
comme "Éveil au seuil d'un fontaine". Mais je crois que plus on avance
dans les poèmes du Tombeau des rois pour aboutir au poème qui
s'appelle lui-même " Le tombeau des rois", c'est aller aussi proche que
possible de l'expérience de la mort. où c'était le silence, ou je recommen
çais tout à fait autre chose .
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Le réalisateur Roger Rolland se souvient d'avoir eu des nouvelles d'Anne Hébert par Roger Lemelin, qui lui rendait visite régulièrement à Québec.
Les nouvelles étaient mauvaises.

Elle était au plus bas , physiquement et moralement .
Vous savez, la fille maigre, les beaux os, c'était exactement
cela. Cela se passait à la fin des années 1940 ou au début
des années 1950. Eh bien, Anne Hébert était au plus bas,
elle était à l'hôpital, et c'est Victorin Voyer qui lui a
redonné le goût de vivre. Il est allé voir Anne Hébert à l'hôpital
chaque jour et il l'a littéralement sauvée.
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Cahin-Caha
Écrire un poème c'est tenter de faire venir au grand jour quelque chose qui est caché. Un peu comme une source souterraine qu'il s'agirait d'appréhender dans le silence de la terre (...) La ferveur ne suffit pas , il faut la patience quotidienne de celui qui attend et cherche, et le silence et l'espoir, sans cesse ranimés, au bord du désespoir , afin que la parole surgisse, intacte et fraîche , juste et vigoureuse, Et alors vient la joie . 8

8 Anne Hébert, prologue au recueil Le jour n'a d'égal que la nuit.
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Pourtant , les difficultés auxquelles la jeune femme s'est heurtée au moment de publier Le Torrent demeureront bien ancrées dans sa mémoire :
" Quand j'ai essayé de publier Le Torrent, ça n'a pas marché du tout.
J'ai été refusé partout. Toutes les maisons d'édition qui existaient à l'époque l'ont refusé.Je l'ai publié à mes frais avec l'argent que j'avais gagné sur le premier recueil , prix David. Avec ça. j'ai pu publier Le Torrent. Et pour Le Tombeau des rois, ça été la même chose. Ça été le refus, et c'est Roger Lemelin qui l'a publié à ses frais. "
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C'est en feuilletant un de ces vieux numéros (de revues françaises ) qu'elle dira avoir découvert, à dix-huit ans , " Le bateau ivre " de Rimbaud : " J'ai été absolument bouleversée .Et rien n'a plus été pareil quand je lisais. J'avais toujours devant moi ce texte si exigeant , et tant d'autres choses qui m'avaient paru intéressantes me paraissaient maintenant affadies, dévalorisées."
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Videos de Marie-Andrée Lamontagne (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marie-Andrée Lamontagne
Confidences d'écrivaine avec Alice Ferney, qui vient de publier l'intimité, chez Actes Sud.
Cette discussion entre Alice Ferney et Marie-Andrée Lamontagne s'est déroulée lors du Salon du livre de Montréal 2020 et a été offerte en collaboration avec le Consulat général de France à Québec, dans le cadre du projet La France à la page!
#SLM2020 #àlivreouvert #ouvertaumonde
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