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Critique de Barbesse


Voilà un livre agréable à lire qui m'a offert une douceur tranquille, rare en littérature. Au début, la narratrice semble un peu midinette, à emporter en vadrouille sauvage son pot de crème pour le visage. J'ai craint de m'être plantée car séduite par un sujet finalement trop commercial, mais non, cette jeune femme s'est révélée d'un naturel extraordinaire, avec un coté innocent et une joie à toute épreuve, des qualités qui vont imprégner tout le récit, le rendant particulièrement plaisant. Vu le titre, on s'attend à encore un de ces combats survivalistes très virils contre une nature à dominer, où imposer force, technicité et prouesses, mais très vite, on comprend que cette fois, c'est une femme, une vraie femme, avec ses fragilités et ses sensations s'aiguisant finement, qui découvre un nouveau monde qu'elle admire et respecte, monde où elle va forger son endurance et sa confiance, en nous épargnant ce genre de leçon arrogante et belliqueuse sur la survie en milieu sauvage à laquelle les amoureux du « nature writing » sont un peu trop souvent confrontés. La gaîté, la tolérance et la simplicité de cette jeune femme particulièrement saine émotionnellement imbibe tout le livre et transmet au lecteur bien-être, sentiment de paix et de réconciliation. Elle nous introduit dans une belle ambiance en décrivant beaucoup les magnifiques paysages offerts à sa contemplation. A la fin, elle a complètement changé après des années de bivouac au coeur de la nature, et le lecteur ressent la profondeur du chemin parcouru dans l'épanouissement de son caractère et de son couple. Car c'est aussi une merveilleuse histoire d'amour. Son compagnon qui a trente ans de plus est l'antithèse de la brute et du cow-boy fougueux, c'est un homme plein de sagesse, d'humilité et de sérénité. Ils vivent leur amour en choisissant la beauté et la pauvreté, habitant sous la tente ou dans des cabanes dans la magnifique nature de Nouvelle-Zélande. Ce n'est pas passionnant car il n'y a pas de tension narrative ni de stress, il n'y a pas de belle écriture ni vraiment de construction romanesque, cette femme n'est pas écrivain, elle a écrit ce livre sur demande parce que son expérience est singulière, c'est donc plutôt un récit de voyage. Antithèse de « Délivrance », non pas un WE en nature mais des années d'immersion, non pas une épopée virile mais un charme très féminin, non pas un drame mais une odyssée merveilleuse, le récit de cette femme heureuse transmet une douceur contaminante. Avec elle, tout se passe bien, les rencontres sont belles, les difficultés et les obstacles s'aplanissent juste en les traversant sans bras de fer, sans s'arc-bouter, en ne se plaignant jamais et en se rappelant toujours que leur aventure est un choix essentiel. Pas d'accidents ni de mauvais trips durant les sept années de leur déambulation, ce qui est remarquable parce qu'ils ont quand même accompli une sorte de challenge sportif. Myriam est d'ailleurs très musclée, capable de porter des charges énormes pendant leur nomadisme lors de la traversée du pays par les montagnes. Héroïque aussi leur amour capable de se supporter longuement dans leur solitude, leur relation est très touchante. Myriam ne se prend pas la tête avec des questionnements métaphysiques, elle sait se mettre au diapason de son environnement, elle a des émotions bien maîtrisées. Optimiste, de bon caractère, elle est physiquement forte, en grande forme, attentive à sa santé comme aux choses extérieures, portant des très gros sacs à dos sur de longues marches. Et elle est belle, radieuse, miroir de la magnificence dans laquelle elle vit. J'ai reconnu l'authenticité de cette expérience quand elle parle du déploiement de tous ses sens dans la nature, du feu et de l'eau tous les jours, et quand elle porte un regard ingénu sur la société où elle revient épisodiquement faire des provisions. Même les épisodes de chasse deviennent acceptables avec elle. C'est très soft, il n'y a pas de critique sociale ou politique, juste un relent de spiritualité très modeste, du genre de celle des indiens ou de tous ceux qui vivent en symbiose avec la nature. Ce regard naïf capable d'admiration, cette maturité qui se forge avec les arbres et la météo, ce bonheur simple et ce couple en harmonie entre eux et avec leur environnement est rafraîchissant et réconfortant. Je ne peux pas dire que je me suis régalée, c'était plutôt comme une immersion sereine me rendant plus légère, plus cool. Ça me laisse une sensation de reconnaissance envers l'engagement vital de ces personnes belles, bonnes et non nuisibles, qui ont adopté sans prétention un style de vie sauvage hors pistes. Tout le contraire de « L'homme qui marchait sur la lune » de Howard MacCord qui est aussi le récit d'un solitaire en vie sauvage, mais d'une brutalité et d'un arbitraire imbuvable. Formidable aussi leur intuition d'une prochaine pandémie, plusieurs années avant la Covid 19, qui découle directement de leur observation des dégradations de l'environnement par l'espèce humaine ! Je plébiscite donc ce livre très féminin qui est une ode à la nature d'un bien beau pays où je regrette de n'avoir pas été me balader. Myriam nous contamine de sa joie et suscite l'espoir d'un monde qui peut encore être sauvé et devenir meilleur. Elle démontre par son humble et singulière expérience que la nature sauvage n'est pas à dompter, mais que c'est bien l'être humain qui doit se dompter lui-même de ses ambitions démesurées et destructrices. Elle ne discoure pas, elle est tellement vivante que son énergie nous édifie mieux que toutes démonstrations scientifiques, parce qu'elle le fait avec amour et désintéressement.
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