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Critique de Fleitour


Le Lambeau de Philippe Lançon est le récit d'une incroyable épopée médicale, une ascension à mains nues, un duo de forças, le chirurgien Chloé et son patient Philippe Lançon.
Cette cordée, escalade au fil des mois, l'un des plus haut sommet de la chirurgie faciale, la reconstruction d'un dièdre sommital indispensable à la survie, la mâchoire.


Chacun, un jour a perdu pied, chacun a dévissé sur la corde raide de la conscience, mais à chaque fois ce jour là le compagnon a tenu.
C'est fini, je sais que vous m'avez déserté affirme Philippe Lançon après huit jours d'attente dans le noir. Un matin un léger vrombissement et Chloé était là ; "non je suis toujours là". Te tenir trop solidement était devenu au dessus de mes forces aurait-elle dit page 461. Il me fallait faire cette pose.


Philippe Lançon page 171 écrit, » j'avais été blessé et j'avais vu mes compagnons morts à Charlie, mais je n'étais pas Charlie. le 11 janvier, j'étais Chloé.
Le temps en chirurgie détermine chaque étape, et chaque étape permet de rassurer son client sur la dernière avancée fut-elle la plus minime. Attendre est insupportable quand on se sent bien, il faut brûler les étapes, regagner le temps perdu, rameuter les sherpas, ces ouvriers de l'ombre. Attendre est un martyr quand on voit bien le vide s'ouvrir, les plaies s'ouvrir, la peau suinter.


Philippe Lançon page 274, précisait, ma seule prière passait pour l'instant par Bach et Kafka ; l'un m'apportait la paix, et l'autre, une forme de modestie et de soumission ironique à l'angoisse.


Une autre prière est venue perturber son quotidien, une prière technologique le VAC, un petit aspirateur qu'on utilise pour réduire les plaies, et les aider à cicatriser.
Prière diabolique, l'instrument est stable comme une savonnette, alors la nuit, " j'appelais l'infirmière la jeune Marion aux-yeux-de-chat : elle rentrait avec son regard sourire, pouffait un peu et tentait de colmater la fuite".


Dans les plus belles pages que j'ai lu, il y a ces portraits invisibles de ces travailleurs de l'ombre, ces sherpas qui accompagnent, qui soulagent, qui embaument les douleurs et font les gestes que même Picasso n'imaginerait pas.
Qu'on les appellent infirmières, masseuses ou ethnologues des maxillaires, ce sont le plus souvent des femmes. Des fusées luminescentes de ces heures de souffrance, car gagner 5 cm d'amplitude, c'est ridicule et absurde mais beau, chaque prise permettra de gagner encore 5 cm et encore 5 cm.


Denise, elle avait 72 ans, d'une voix tonitruante elle s'est mise à expliquer les premiers exercices, les premières grimaces que j'allais devoir faire. de séance en séance les lèvres se musclaient, les cicatrices s'aplanissaient, des maxillaires se détendaient.
Avec Denise chaque séance de kiné devenait un dialogue et un échange de confessions, ainsi Denise ajoutait et surtout, surtout, faites vous plaisir.

Ce beau portrait, Philippe Lançon le conclut page 496 par ces mots, comme disait "Denise en souriant les chirurgiens pensent et disent certaines choses. Nous sommes là pour les surprendre."

Il y a aussi les rencontres dans l'hôpital, Ophélie, cette longue jeune fille blonde et pâle toute en longueur, gracieuse qui semblait avoir été reprogrammée pour faire d'elle un automate dont l'unique moteur aurait été l'angoisse. Philippe Lançon trouve dans ces rencontres une humanité, qui le ramène à l'essentiel,, la vie.


Denise dans son langage gestuel expliquait ainsi page 497, comment préparer le corps, trouver le chemin, découvrir les prises qui nous conviennent le mieux, surtout ne jamais paniquer. Il faut faire confiance au guide, mais on doit apprendre à ne pas dépendre de lui.


"La rééducation derrière Denise était une course en montagne par la face nord qui laissaient entrevoir des possibilités d'ensoleillement."

La qualité du récit n'est pas exceptionnel dans ses 30 premières pages, il faut passer par dessus les maladresses, laisser les mots trouver leur rythme, rejoindre le narrateur dans ce qu'il a d'essentiel à nous confier.
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