Le narrateur, vit dans une région où s'opposent deux armées , désertant l'une d'elles il parvient à un maison improbable totalement isolée dont il force l'entrée malgré la présence de deux chiens menaçants, il se trouve alors face à un vieillard et dans un décor issu d'un autre temps. Ce dernier accepte de l'héberger s'il promet de repartir très vite mais, succombant à la fascination d'un tableau, il ne peut résister à la tentation d'explorer peu à peu avec angoisse la demeure, pieuvre et labyrinthe, pour accéder à la connaissance.
On ne peut que suivre le narrateur sur ce chemin.
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Comme en réponse à ces pensées, je me sentis alors regardé, impression on le sait désormais, habituelle dans cette maison. Je n’aperçus cependant personne derrière moi ; en revanche j’aperçus, pendu au mur à ma droite, un portrait somptueusement encadré et recouvert de tarlatane. Je le voyais sans doute depuis un moment du coin de l’œil, mais sans en rendre conscience et cela pouvait expliquer mon impression.
C’était un portrait à mi-buste d’une jeune femme qui fixait celui qui la regardait ; une huile quelque peu noircie, mais pas au point de masquer les détails. La femme était vêtue à la mode des dernières années du siècle passé ou des premières de celui-ci [...]
Mais plus vif et plus troublants, ses grands yeux sombres au regard profond me semblait avoir un regard commun avec celui du vieillard, donc avec celui des chiens : la même tristesse habitait ce regard, de manière plus impérieuse encore, bref le même égarement ancien et misérable, pour ne pas dire plus simplement le même désespoir. Caractère qui devait pourtant dériver d’une parenté plus subtile que celle du sang, s’il alliait ici hommes et bêtes. Et cependant ces yeux, quels infinis langages ils tenaient aux sens et au cœur !
Je débouchai enfin sur un palier de bois avec balustrade, d’où descendait un escaler également en bois ; celui-ci faisait un coude, découvrant les deux murs d’un vaste atrium surmonté d’une verrière. Le palier rejoignait, d’autre part, une petite voûte dans l’épaisseur de la muraille, au delà de laquelle on apercevait une brève enfilade de pièces. Ma première intention, dans toute cette traversée, était bien de rejoindre au plus vite la salle du rez-de-chaussée, seul lieu de la maison que je connaisse déjà et où j’espérais trouver quelqu’un ; une main invisible semblait même m’avoir assisté en laissant précisément ouvertes les portes par lesquelles je devais passer, me traçant pour ainsi dire la route. En dépit de cela, je fus pris par la curiosité ; mes précédents détours ne m’avaient pas permis de me faire une idée quelconque de la disposition de la maison ; bref au lieu de descendre l’escalier, je m’engageai au-delà de la voûte.
Vidéo de Tommaso Landolfi