AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de LaChimere


J'avais une idée très précise de ce que je m'attendais à trouver dans L'oeil de Chaac, idée construite par ma lecture de la 4ème de couverture : un roman dans lequel il y aurait beaucoup d'action, un long périple dans la jungle, avec plus d'aventure que de psychologie. Eh bien, même si cette idée m'enchantait fort, j'ai été très agréablement surprise !

Je ne l'ai en fait découvert qu'à la toute fin du livre – c'est alors expliqué en quelques paragraphes – mais le côté intense et hypnotique de l'écriture d'Emma Lanero est en fait parfaitement voulu et calculé. Par une suite de concepts et de techniques suivant des idéaux tels que le symbolisme, le taoïsme ou le chamanisme (mon préféré), l'auteure nous entraîne dans son petit théâtre à la fois réaliste et onirique. Vous pouvez le voir dans l'extrait ci-contre : réalité et rêve se mélangent, se mêlent au gré des sensations du narrateur, grâce à des descriptions puissantes et des adjectifs surprenants ("sirupeux" revient régulièrement, c'est un très joli mot que j'avais presque oublié tant il est rare aujourd'hui). Comme j'ignorais complètement que c'étaient des procédés voulus, je me suis laissée prendre par ma lecture, je me suis complètement immergée dans l'histoire ; mais je pense que c'est faisable même connaissant les techniques d'Emma Lanero. C'est là l'un des gros points forts du roman, j'insiste, car moi qui généralement ne parvient jamais totalement à me couper de la réalité quand je lis, là, j'ai eu du mal à lâcher le roman tant l'immersion est efficace.

Emma Lanero nous fait découvrir un univers dur qui est celui de l'Amérique Latine de 2005, car même si alors la situation économique et sociale commençait déjà à s'améliorer, on est encore loin de notre époque, bien plus avantageuse pour eux. Chercheurs d'or et carabine dans le dos, nos héros risquent de se fait saigner pour un rien par des trafiquants d'armes et autres chercheurs d'embrouilles ! En plus Keith étant un ancien trafiquant, il ne fréquente pas toujours les milieux les plus faciles à vivre… le roman nous fait balancer entre les quartiers pauvres des grandes villes, écrasants de pauvreté, et les jungles fantastiques dans lesquelles le corps et l'esprit s'égarent avec délice. La documentation est présente : Mme Lanero connaît bien son sujet et, si elle n'étale pas sa science comme dans un roman historique, elle sait s'en servir avec suffisamment de justesse pour immerger son lecteur juste comme il faut dans ses aventures. Elle l'a elle-même écrit à la fin de L'oeil de Chaac, ici chaque petite partie de l'histoire fait partie d'un grand tout, et chaque petite scène contribue à instaurer cette atmosphère si particulière au roman.

On découvre aussi des cultures bien différentes via les protagonistes : quand Keith nous présente le milieu violent et urbain des trafics illégaux et la misère de la mentalité des hommes qui y évoluent, avec Kaya nous apprivoisons les esprits et les subtilités de leur univers, les rituels chamaniques, les apparitions et les visions, semi-conscientes ou oniriques. Un délice qui se renouvelle sans se lasser au fil des pages.

Cette Amérique du Sud est bien rarement exploitée dans les romans ados, et c'est dommage, quand on voit ce qu'a su en faire Emma Lanero. L'oeil de Chaac a le mérite d'être à la fois original et bien écrit – parfois on a soit l'un soit l'autre et c'est frustrant.

Il n'y a pas de personnages que j'aie vraiment détesté ; ils ont tous des psychés si travaillées qu'apparaissent sans difficulté les points forts et faibles de chacun, leur part d'ombre comme celle de lumière (m'enfin Gabriel il est pas trop sympa du tout quand même) et même si pour certains ce sont des personnes plus ou moins ordinaires, leur mentalité décortiquée nous permet de davantage s'attacher à eux. Chacun des personnages est traité avec précision et minutie, l'un après l'autre à un moment ou un autre de l'histoire, et ainsi pas un ne nous paraît inutile.

L'intrigue, un peu complexe par moments, compte pas mal de temps morts, de temps "de repos", qui contrastent comme il faut avec les passages de grande action. Nos héros se ressourcent régulièrement – développement du côté psychologique du roman – mais l'action haletante de certaines scènes rééquilibre la balance.

Petite touche finale, je voulais parler du titre. En effet, dans celui-ci et dans la quatrième de couverture, on nous parle de Chaac, le dieu de la pluie. Or, je tiens à préciser que nulle part il n'est question de lui dans le roman, et que nulle part non plus on ne parle d'"oeil"… C'est certainement un effet voulu, une espèce de référence aux mythologies d'Amérique du Sud, mais je trouve vraiment dommage que ce ne soit pas abordé dans le livre, quand le titre du coup est prometteur mais ne satisfait pas nos attentes. Donner un nom à la sphère aurait peut-être un peu gâché son côté mystérieux, mais en même temps si c'est fait dans le titre, pourquoi pas après dans le livre…

Intéressés par le reste de ma chronique ? C'est par ici : https://lemondefantasyque.wordpress.com/2016/04/18/loeil-de-chaac-demma-lanero/
Lien : https://lemondefantasyque.wo..
Commenter  J’apprécie          10



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}