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Critique de domi_troizarsouilles


J'avais repéré ce livre en librairie, il a d'ailleurs voyagé du rayon « jeunes » au rayon « fantasy »… mais, comme tant d'autres, c'est l'un de ces livres qui m'avait attirée mais que je n'ai finalement pas pris. À noter quand même que, si je prenais tous les livres qui attirent mon oeil, j'en aurais jusque sur mon balcon et je serais ruinée !... et puis voilà que je l'ai trouvé peu après dans le catalogue de ma bibliothèque en ligne : je n'ai plus hésité ! Il m'a pourtant fallu renouveler l'emprunt pour un deuxième mois (l'emprunt classique étant de 30 jours), car je n'avais pas réussi à le case dans mes lectures du premier mois, et puis je l'ai lu vraiment « sur le fil » !
Est-ce cela qui a influencé mon avis ?

J'ai été très mitigée tout au long de cette lecture, et les avis généralement dithyrambiques que je lis au sujet de ce roman, sur l'une ou l'autre plateforme de lecteurs, me font penser que je suis peut-être passée à côté ? Cela dit, je rejoins ce que dit la majorité : ce livre, présenté comme faisant partie de la SFFF, est clairement une version pseudo-imaginaire de la guerre d'Espagne de la fin des années 1930, avec des rappels du passé plus lointain de l'Espagne, et notamment des petits airs de Reconquista et de domination espagnole en Afrique du Nord (on pense aussitôt aux tristement célèbres enclaves de Ceuta et Melilla…).

Bref, une fois qu'on a compris tout cela, on se demande du début à la fin pourquoi l'autrice a choisi le chemin d'une Fantasy pour son histoire, en restant tellement proche d'un monde hispanique que ça en est gênant. Pour ne citer que quelques exemples : au lieu de « Don » + le prénom, on appelle les maîtres « Duen » ou « Duenito » pour les jeunes ; les pauvres vivent dans le « Barriobrero », jolie contraction de barrio obrero, qui veut tout simplement dire quartier ouvrier ! Ou encore, l'un des camps d'entraînement militaires où sera envoyé l'un des deux jeunes héros, se trouve dans le désert, au bout d'un voyage en train puis une traversée de quelques heures en bateau, pour se retrouver dans une ville arabisante, que le peuple de Panîm (d'où sont issus nos héros) ont repris aux « Maurabes ». Les riches élèvent des taureaux de combat et pratiquent la tauromachie, tandis que les pauvres récoltent fruits et légumes dans les champs des riches dès leur plus jeune âge. Enfin, ils ont à peu près tous des prénoms hispanisants, à part peut-être les héros : à part le père Colin qui fait très français, Vian qui ne ressemble à rien, ou Andrès qui a l'accent dans le mauvais sens, la grande majorité des autres ont des prénoms clairement espagnols !

Ça a peut-être un intérêt « imaginaire » pour un jeune adulte (qui est, je pense, la cible principale d'un tel livre) qui ne connaît pas trop les grands traits de l'Histoire du XXe siècle, et/ou qui n'a aucune notion de la langue et culture espagnole, c'est une façon comme une autre d'introduire un sujet difficile et pas joyeux-joyeux (surtout quand on se rappelle que ce sont les « mauvais » qui ont gagné, dans la vraie vie, merci Franco…). Mais moi j'en ai surtout ressenti un malaise constant, une irritation presque : quand je lisais « duen » ma tête entendait « don », j'avais envie de remettre l'accent d'Andrès à l'endroit, etc. En fait, sans m'attendre à un roman historique, j'ai été très gênée de trouver un récit d'un épisode quand même terrible de l'histoire européenne (et espagnole en particulier), qui paraît tout à coup moins grave par le biais de l'imaginaire. Pourtant, il ne trompe pas ceux qui ont repéré l'astuce… et je me demande franchement comment l'autrice va s'en sortir dans le ou les tome.s suivant.s, à moins de s'écarter de l'Histoire pour de bon ! (cela dit, je ne vais pas forcément lire la suite, mais c'est une autre histoire)

En outre, je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages. Les frères Vian le révolutionnaire amoureux d'une fille du village (et futur père avec elle) ou Andrès le militaire obligé de cacher son homosexualité (alors punie de mort) agissent pendant trop longtemps comme les enfants gâtés qu'ils sont, incapables d'assumer complètement leurs choix de vie mais (heureusement !) toujours un peu poussés par les autres ou par les événements. Ils donnent l'impression de passer leur temps à hésiter, façon un pas en avant, trois pas en arrière, puis tout à coup prennent une décision et assument les conséquences, et puis paf ça recommence d'une façon ou d'une autre, et c'est ainsi presque jusqu'à la fin ! Certes, leurs choix ne sont pas évidents dans le contexte vraiment dur de cette histoire et vont, pour une raison ou une autre, à l'encontre de toute leur éducation… mais ils ont un côté trop indécis, dans une période où les choix ne sont pas forcément faciles, mais où les forces en face d'eux, elles, n'ont aucune hésitation, et plongent dans les extrêmes ! Certes, tout cela les rend aussi très humains… mais ils ont tous deux un côté trop timoré à mon goût ; ça m'a énervée, ces allers-retours entre leur conscience, leurs nouvelles convictions et les relents de leur éducation, qui dénote en plus d'une certaine naïveté dont ils semblent incapables de se défaire !

Tout ça pour dire : le livre n'est pas forcément mauvais ! C'est juste moi qui n'ai pas réussi à accrocher pour les différentes raisons développées ci-dessus, mais au-delà de ça, il a plusieurs autres éléments qui peuvent le rendre séduisant. L'écriture est limpide et assez nerveuse : il y a toujours de l'action sans que ce soit « trop », des rebondissements en tous sens et, à plus d'un moment, une tension qui pousse à tourner les pages de façon inquiète.
Le début presque tranquille met les choses en place, avec plusieurs flashes-back qui nous renvoient à l'enfance des deux frères, entre l'amour inconditionnel de leur mère partie trop tôt, la domination inflexible et sans nuances de leur grand-père (contre qui leur père ne s'oppose jamais !) ou la complicité de leur gouvernante, passages qui sont toujours habilement amenés.

Ensuite, lorsqu'on entre plus sérieusement dans l'action, le fait de suivre les événements en parallèle, au coeur du village avec Andrès ou au sein des troupes de combat avec Vian ; bref, cette alternance donne un rythme palpitant au récit. On a vraiment l'impression d'être à leurs côtés, et on voit ainsi à quel point leurs chemins (et surtout l'entourage de chacun) s'opposent, et comme ils sont proches malgré tout, dans leur relation fraternelle qui ne faiblit jamais malgré les dissensions qu'ils ont pu avoir. C'est extrêmement touchant… et je veux bien croire qu'il y ait moyen de s'attacher à eux – sauf que ça n'a pas été le cas pour moi.

J'aime aussi beaucoup (évidemment !) la place que l'autrice donne aux femmes dans ce livre… et qui, quant à elle, n'a sans doute rien de réaliste en regard à l'Histoire de l'Espagne, mais qui fait chaud au coeur malgré tout ! Par exemple, la meneuse de la révolution est une femme, son bras droit est une autre femme (amie d'enfance des frères en plus, même si cet aspect n'est pas approfondi dans ce tome-ci) ; et même parmi les plus riches, si les femmes (la mère des frères, et puis leur belle-mère après la mort de la première) a une place plus « traditionnelle », ce sont quand même elles qui font bouger les choses à leur petit niveau : elles seules osent s'opposer au grand-père – même si c'est sans résultat. Et mention pour la jeune Lea !

Bref, c'est un livre plaisant porté par une plume nerveuse, mais le caractère trop timoré (à mon goût) des deux frères a fait que je n'ai pas vraiment réussi à m'attacher à eux. Cette réécriture « Fantasy » d'un épisode bien triste de l'Histoire d'Espagne a eu pour moi un petit côté désolant.
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