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Critique de Fandol


Quelle fresque impressionnante ! Quelle histoire riche et pleine d'enseignements, profondément humaine !
Nadeije Laneyrie-Dagen, pour écrire L'étoile brisée et couvrir une période allant de 1472 à 1525, a fait preuve d'un talent impressionnant à la fois de conteuse et d'historienne car nous sommes en pleine Renaissance, au moment des découvertes du Nouveau monde, découvertes rarement bénéfiques pour celles et ceux qui vivaient tranquilles de l'autre côté de l'océan qu'on appellera Atlantique.
Tout débute à Santoña, petit port de Cantabrie, dans le royaume de Castille, au moment où se déchaîne une haine féroce contre les juifs. Si certains se convertissent pour garder leurs biens, ce n'est pas le choix de la famille Cocia dont le grand-père était rabbin. Son fils, Shimon est barbier. Avec Alika, ils ont deux garçons aux prénoms empruntés à l'hébreu : Yehohanan (Yehia) et Yehoyakim. Si le second est apprenti cordonnier, Yehia rêve d'être marin.
Pour qu'ils échappent à cette folie meurtrière dont notre espèce, dite humaine, est coutumière, avec un courage immense, leurs parents leur demandent de partir le plus loin possible et de cesser d'être frères ! Yehoyakim devient Joaquím et Yehohanan, Juán. Leur mère leur donne de l'argent et leur confie « qu'elle avait dissimulé dans les doublures un minuscule objet : un triangle en cuivre doré, la moitié d'un sceau de Salomon, la figure en étoile qui formait le symbole des juifs. » C'est la fameuse étoile brisée, titre de cet extraordinaire roman historique remarquablement construit.
Après le prologue, les histoires se mêlent et s'entremêlent, réparties en quatre grandes parties complétées par un épilogue comprenant six lettres révélant encore des éléments essentiels à la vie des principaux personnages. D'ailleurs, au début de chaque partie, comme pour une pièce de théâtre, Nadeije Laneyrie-Dagen a pris la peine de rappeler leurs noms pour permettre au lecteur de garder le fil. de nombreux chapitres rythment chaque partie. Ils ont tous un titre et sont précisément situés dans l'espace et dans le temps. de plus, régulièrement, sans avoir l'air d'y toucher, l'autrice glisse des rappels si judicieusement tournés qu'ils n'ont en aucun cas l'air de redites. C'est magistral !
Laissant chacun des deux frères fuir l'intolérance et la folie anti-juive, j'ai été plongé sans ménagement dans Florence, en mai 1498, au moment où Girolamo Savonarole va être supplicié. Guido Liuciardi a quatorze ans et il se trouve dans le palais de la famille Vespucci pour y assister. C'est là qu'il remarque une fillette d'à peine huit ans qui pleure : Lisandra.
L'action se déplace ensuite à Séville, en Andalousie, où commencent les rencontres prestigieuses avec Cristobal Colón et Amerigo Vespucci, tous les deux passionnés par la recherche de nouvelles terres.
Ainsi, d'Italie en Espagne puis d'Allemagne en Angleterre, sans oublier la France mais aussi les Canaries, l'Algérie et le nouveau monde, l'autrice m'a fait beaucoup voyager et appris quantité d'informations sur les découvertes de l'époque. Son roman est très documenté sans être jamais lassant ou didactique.
Si violence et haine, esclavage, intolérance religieuse et cupidité ont bien leur place, l'amour et les femmes jouent un rôle prépondérant, même si les hommes les manipulent, les violent et leur dénient les droits les plus essentiels.
J'ai déjà cité Lisandra mais il faut parler aussi de Doucine, de Laurette, de Maria Concepción dont les enfants, Ulisse et surtout Silvana excitent beaucoup la curiosité. Les hommes aiment les femmes mais des hommes aiment des hommes et des femmes aiment des femmes, en évitant que cela se sache… Au passage, Nadeije Laneyrie-Dagen gratifie son lecteur de plusieurs scènes d'amour très érotiques, superbement écrites. de plus, elle sait ne pas occulter les gestes et les moments les plus intimes de la vie quotidienne, instants que certains livres évitent trop systématiquement alors qu'ils constituent la base de nos vies, qu'ils soient plaisants ou désagréables.
Si l'un des frères Cocia est devenu médecin en Allemagne et nous permet de fréquenter Martin Luther, l'autre, passionné par la mer, devient un cartographe essentiel pour Amerigo Vespucci. C'est à lui, Juan de la Cosa, qu'est attribuée la plus ancienne carte du Nouveau Monde. Datée de l'an 1500, elle est reproduite au début du livre.
Tous ces destins se croisent, s'entrecroisent. La maladie, la vieillesse jouent leur rôle mais les sentiments, les amours, les jalousies, le poids des religions, leurs batailles pour influencer le peuple et accaparer pouvoir et richesses, tout cela est bien réel comme L'étoile brisée le démontre brillamment.
Grâce à Babelio (masse critique) et aux éditions Gallimard que je remercie, j'ai pu lire et me régaler avec un beau et passionnant roman.

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