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Critique de gouelan


« Il me faut une journée pour faire l'histoire d'une seconde… »

À l'instant de tirer sur le cerf François hésite. Et s'il…

La tentation.

« Il me faut une année pour faire l'histoire d'une minute… »

Son fils Mathieu débarque au relais de chasse familial. Il bouscule les convictions, écorche la trame d'une vie, soulève les ombres.
La vision de sa fille en danger accable François. Est-ce une hallucination ? Elle ne répond pas à ses appels. L'angoisse monte d'un cran.
Sa femme est folle. Sa toile de folie empoisonne le foyer. Emprisonne les non-dits.
L'argent envenime les enfants élevés dans ce milieu bourgeois, où jusque-là on soignait et réparait les corps. Une famille de médecins et de chasseurs.
Ils refusent la voie de leurs aïeux, cassent les codes, humilient l'art du travail, l'argent gagné avec les mains.
Ils font de l'argent avec l'argent, peu importe s'il est sale.
Il neige. Le temps dérape, il s'étire. L'histoire revient sur ses pas. Le présent empiète le passé, le futur se refuse, il ralentit, fait demi-tour. Tout s'emmêle.

« Il me faut une vie pour faire l'histoire d'un jour… »

Sa fille devenue proie se réfugie dans le relais de chasse familial. La toile se resserre. Tout vole en éclat.

À l'instant d'injecter l'anesthésiant, François hésite. Et s'il…

La tentation.

François cherche encore une explication, il cherche la première balle qui a impacté son futur et chamboulé sa vie. Il ne voit pas comment raccrocher l'image de ses enfants adultes à celle de leur enfance lorsqu'ils marchaient dans ses pas. Désormais ses enfants l'abandonnent, le trahissent, l'humilient. Le train va trop vite, il déraille, les wagons se détachent. François n'est plus la locomotive.

La construction de ce roman est originale, déroutante, envoûtante. François, chirurgien, dissèque les instants cherche l'anomalie, le point de départ. Le geste est précis. Ces instants sont comme en suspens dans ce paysage de montagne où la neige arrête le temps. Recouvre les traces. François fouille sa mémoire et les instants s'éparpillent, se mélangent. Les dialogues se mêlent aux descriptions. Les sons des voix sont assourdis par la neige. Tout se mêle au décor. La neige se colore de sang. Les fusillades éclatent le silence de la forêt. Le chasseur devient proie. Les enfants des fauves.

On se sent un peu perdu dans la trame de ce thriller. Comme au ralenti, en arrêt sur image, il nous invite à chercher les indices de cette violence familiale. On devine tout au long de ces longues phrases l'avalanche qui va bientôt se déclencher. Elles décortiquent chaque moment, le répètent, le tournent et le retournent jusqu'à l'asphyxie. Jusqu'à la mort.

« Que serait-ce quand il faut dans un livre, dans du livre, mettre de la réalité. Qu'arrive-t-il toujours. […] Il me faut une journée pour faire l'histoire d'une seconde. Il me faut une année pour faire l'histoire d'une minute. Il me faut une vie pour faire l'histoire d'un jour. On peut tout faire, excepté l'histoire de ce que l'on fait. »
Péguy
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