Que dire de cette lecture achetée dans une foire aux livres, j'ai hésité pourtant bien mis en évidence sur un présentoir. Il était comme neuf, je n'avais pas l'impression qu'il avait déjà été lu….
Dans le doute, il faut choisir d'être fidèle, alors je l'ai pris afin qu'il ne se retrouve pas abandonné « le tétard »…
J'ai aimé cette couverture, Jacques Lanzmann cela me parlait et puis les premiers mots du livre m'ont fait sourire « j'avais quinze ans et je ne voulais pas mourir sans avoir fait l'amour et la Résistance, mais c'était bien plus facile de tuer un soldat allemand qu'une obsession sexuelle ».
L'auteur nous raconte pourtant avec humour et gravité son enfance, son adolescence, où il va trinquer et on se demande comme il va pouvoir vivre comme cela avec ce cortège de brutalités, de vices, de rejets, sans se fracasser, comme un verre brisé.
Je commence à lire et ses premiers mots me frappent, me percutent, me font sourire, ah une larme coule… mince je m'y attendais pas… Il a été aimé avec les coups, les humiliations, la cruauté, on se croit chez les Tenardier… "enfin chez les Tavernier, j'avais souffert de quoi au juste ? d'un peu de tout et de tout à fond : poil, coeur, sexe, religion, terreur vitale et péché mortel. "
Dès le ventre de sa mère, son père s'emploie à le dorloter en utilisant tous les moyens de l'époque pour arrêter cette grossesse.. un enfant de trop… Jacquot nait rouquin et de surcroit juif…
Il sera témoin avec son frère Claude, sa soeur Evelyne de la folie de ses parents, de leurs violences conjugales qui ressurgissent sur eux, mais surtout sur lui. On est aux abords de la guerre, la tension monte. Sa mère les abandonne. Il sera séparé de la fratrie, ira dans plusieurs pensions où il sera particulièrement maltraité, puis chez ses grands-parents, où il ne sera pas non plus choyé, il finira vacher, loué par son père… une vie de paysan, de misère, rude, âpre…
Pourtant Jacquot, il aspire au bonheur et ne quitte pas cette idée, il l'a mis dans sa poche en réserve...Il donnerait cher pour être aimé des siens. Il a une profonde affection pour son frère Claude et sa soeur Evelyne et quand il le peut, les retrouvailles sont toujours pleines d'émotions. Il a toujours au fond de lui cette envie irrépressible de connaitre l'amour charnel et de rentrer en Résistance.
Alors à travers toutes ces années, il va faire des bonnes et mauvaises rencontres, observer le monde des adultes par le trou de la serrure et il nous le partage avec beaucoup de tendresse, d'images, de drôlerie ces premiers émois d'adolescent. Il découvre aussi les moeurs de l'époque où on ne se prive pas de batifoler sans retenue, sans moralité….
Il rentre en résistance avec son père et son frère, mais il ne trouve pas sa place. Pour s'échapper du joug familial , il les quitte, pour construire et sauver sa vie.... avec beaucoup de courage et de ténacité, il échappera seul à la fusillade.
« Moi mon vaccin c'est de penser au bonheur de mes vingt ans, je voyais toujours la même image devant mes yeux extasiés : un homme, moi, une femme, la mienne….(…) grâce à cette vision de ma vie en matériau simple, ô combien… je me suis sans cesse reconstruit quand j'étais écroulé. »
Jacquot, libre, « il avait pris le soleil à travers la passoire », ce soleil là il l'a jamais perdu et il nous le transmet encore de là haut….ce « Chevalier de la Légion d'honneur », parolier, humoriste, auteur, poète…
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Une tendresse toute particulière pour Lanzmann et tous ses livres.
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Mes dix mots inspirés par cette lecture : Terroir - Humour - Ironie - Obsession - Fratrie - Violence familiale - Résistance - Enfance - Sexualité - Destin
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Comme il me fallait rattraper tout ce temps perdu où j'avais souffert de ma naïveté et de la certitude des grands, je me suis mis à courir après le bonheur pour me fourrer le coeur dans la poche. Ce bonheur, je me le suis gardé sous la main et je l'ai senti bouger et je l'ai serré jusqu'à l'étouffer pour qu'il ne s' en aille pas.
On l'appelait le Têtard
Car il était dans la vie
Comme un têtard dans une mare
Il nageait et plongeait
Coups de queue coups de tête
Coups du sort coups du cœur
Mais surtout mais surtout
Il ne voulait pas mourir
Sans avoir fait l'amour
Mais surtout mais surtout
Il avait pour l'amour
L'intention d'en mourir
J'aurais donné dix ans de ma vie pour un peu d'amour et dans ce train qui m'amenait une fois par mois vers les miens, il, m'arrivait de provoquer le sourire d'un étranger et d'en être inondé de bonheur.
Des insultes pour les rouquins, il y en a des tas...Etre rouquin c'est pas normal, c'est comme être juif moi j'étais les deux [....]
Pour tout le monde, "j'avais pris le soleil à travers la passoire" et c'était déjà pas mal.
" Dis donc, mon gars, j'espère que t'as pas engrossé la Duchesse. " Je crois même avoir ri de cette pensée mais, quelques temps plus tard, la pensée s'était mise à me déborder : " Dis donc, mon gars, si la Duchesse est grosse, le veau il va te ressembler. " Alors j'ai vu le veau sortir. C'était un Salers comme sa mère, il avait bien quatre pattes, le veau, mais il avait aussi ma tête, avec mes yeux, mon nez, mes cheveux rouges et mes taches de rousseur.
C'était sûrement écrit quelque part dans le ciel que le bonheur et moi on ne pouvait pas rester longtemps ensemble, parce que l'angoisse d'avoir un veau pour fils m'empêchait à nouveau de vivre.
Thierry Ardisson débute l'interview en évoquant la carrière de peintre de Jacques Lanzmann (peu de gens le savent).Très vite il a été reconnu en tant que bon jeune peintre, mais il n'arrivait pas à s'exprimer. Finalement, il a préféré arrêter à cause d'envies suicidaires.Ensuite, Jacques Lanzmann parle de son dernier livre "Les guerillons". Il évoque sa judaïté et le problème palestinien.Au cours de "l'interview up and down", Jacques Lanzmann parle de la télévision (ses émissions préférées et détestées) , du plus grand moment et du plus mauvais moment de sa vie, et ce qu'il préfère et déteste en lui.
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