Sébastien Lapaque, en décrivant en trois étapes (enfer, purgatoire, paradis) la conversion de Lazare, quadragénaire et professeur d'histoire géographie, offre au lecteur un jubilatoire message d'espérance et son credo « Je sus alors que Dieu ne fait le don de la foi qu'à celui qui espère et que pour espérer il fallait retrouver un coeur d'enfant » (p. 220) … fait écho à
Charles Péguy : « L'espérance, cette petite fille de rien du tout… ».
Lazare, né à Chartres dans une famille cultivant la mystique révolutionnaire, a été prénommé ainsi en hommage au Général Lazare Hoche et son frère ainé François en mémoire du Général François Marceau. Professeur d'histoire géographie dans un lycée parisien, ce quadragénaire est « largué » par Béatrice qui partageait sa vie depuis plus de dix ans. Cette rupture s'explique partiellement par la stérilité du couple et essentiellement par l'écart social avec la famille Bonacieux, incarnée par un père énarque, préfet honoraire, et la jalousie d'
Anne-Marie, soeur ainée de Béatrice qui se fait un malin plaisir à prononcer le réquisitoire de l'ex.
Notre héros se tourne d'abord vers son mentor Walter Kildéa et ses collègues
Sophie Fournier et Saint-Roy qui l'aident à ouvrir les yeux et à radiographier notre monde envahi par des publicités avilissantes et perverti par des médias terrorisant du matin au soir leurs auditeurs ou lecteurs afin d'en faire des moutons de Panurge obsédés de consommation. Il se remémore les rendez vous avec Brigitte Skidmore s'affichant « sexologue » ou expert « Psychopraticien relationnel, thérapie en couple ou individuelle » et rencontre Denis, coach prestataire en bonheur facturé. Ce qui dicte des pages acides inspirées de
Bernanos,
Léon Bloy ou
Houellebecq, mais
Sébastien Lapaque n'est pas un prophète du déclinisme et la promesse succède à l'immonde.
Lucie Serlon, voisine de Lazare, le sensibilise à la disparition des moineaux et oriente sa tête vers les nuages. Walter Kildéa l'incite à se ressourcer dans le Finistère chez son frère Xavier au coeur des forets bretonnes. Il y rencontre Naguib et des ouvriers qui ont quitté tôt l'école, ont exercé de vrais métiers, travaillent la terre, lisent la météo dans le ciel et le cycle lunaire, jouent au rugby et lui apprennent « à mettre la tête, rentrer au casque ». Cette cure de désintoxication, loin des abstractions, ouvre son coeur à l'amitié et son esprit à la beauté. Les ballades avec frère Odon, religieux dans une abbaye voisine, les échanges avec Denis qui retrouve sa foi ancestrale et l'introduit au « salut par les juifs », les dialogues avec son père octagénaire et apôtre de l'immortalité, l'
Othello de
Shakespeare et l'exemple de sa nièce Audrey, épouse de Jakub catholique polonais, interpellent notre héros qui se guérit progressivement du départ de Béatrice.
La mort accidentelle de Saint-Roy, puis de son père, l'obligent à s'interroger sur la vie, sur la mort, sur sa vocation et progressivement la petite fille espérance et sa soeur charité l'amènent à la foi. Lazare réalise que son prénom est la « forme grecque du prénom hébreu Eléazar, qui signifie : Dieu vient au secours » (p. 297) et, à l'instar de Péguy, « demain matin, je me mets en route dès l'aube. J'irai à Chartres à pied ».
«
Ce monde est tellement beau » offre une amicale rencontre avec de belles personnes ; c'est un ouvrage à infuser lentement pour s'en pénétrer et en capter la substantifique moelle.