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Critique de Charybde2


Une superbe ode au "vrai" Brésil contemporain et historique, loin des clichés usuels.

Le nouveau roman de Sébastien Lapaque est attendu en cette fin août 2012, pour la "rentrée littéraire" (l'odieuse expression...).

Auteur éclectique que j'apprécie, depuis son tout premier roman de 1998 ("Les barricades mystérieuses"), en passant par son pamphlet de 2008, "Il faut qu'il parte" (surprenant pour un auteur réputé "de droite") ou son joli guide "Petit Lapaque des vins de copains" de 2006, savoureux et imagé, il nous livre ici un magnifique livre, foisonnant et amoureux, qui devrait vous donner, comme à moi, une furieuse envie de découvrir le Brésil si vous ne le connaissez pas, guidé par cet initié qu'est l'auteur (déjà auteur de trois livres liés au Brésil, et contribuant régulièrement à un grand quotidien de Sao Paulo).

À travers l'étonnante quête du jeune Zé, brésilo-portugais originaire de Belem, à la recherche de son amoureuse brutalement disparue en lui laissant un laconique billet portant uniquement les mots "Je t'aime" répétés trois fois, qui l'emmènera à Rio, mais aussi en Argentine et en Uruguay, et à travers la toile de lieux et de rencontres, apparemment embrouillée mais en réalité lumineuse, qu'a tissée avec soin et passion Sébastien Lapaque, nous avons ainsi droit à une belle intrigue romanesque, qui ne verse jamais dans la mièvrerie, et à un panorama affûté du Brésil contemporain, de ses contradictions, de ses ambitions, de ses différences et de ses passions, par un ensemble de touches (incluant par exemple aussi bien Machado de Assis que le football et les mérites comparés de Botafogo et de Fluminense) qui, pour quelqu'un connaissant le pays de première main (ce qui n'est pas mon cas), verseront peut-être, un peu, dans le didactisme...

Un livre précieux et enthousiasmant, qui rend justice à la fougue, à l'honnêteté et à l'intelligence de son auteur.

"Tomas avait coupé brusquement. Zé était à nouveau seul. Autour de lui, il regarda des voyageurs pousser des chariots bardés de publicités vantant les mérites d'un opérateur de téléphonie mobile. La plupart d'entre eux venaient d'Europe, du Japon et des États-Unis, ils avaient des valises énormes, des casquettes ridicules.
Que faisait-il parmi eux ? Ce matin de janvier, il était intimidé, ce qui ne lui ressemblait pas. C'était peut-être l'attraction de Rio de Janeiro, tout ce qu'on lui avait raconté depuis si longtemps, la douceur sauvage de la ville, les plages, les palmiers accrochés aux montagnes, le football à Gavea, la musique à Lapa, les gays à Ipanema. Il y avait également les récits de son père, auxquels s'étaient ajoutés les histoires d'Helena, les anecdotes qu'on trouvait dans tous les livres, les souvenirs des uns devenus ceux des autres, comme si, à Rio, tout le monde avait joué de la guitare avec Vinicius de Moraes et tapé dans un ballon sur la plage avec Chico Buarque avant d'aller rendre visite à Oscar Niemeyer dans son atelier de Copacabana. Rio de Janeiro était une légende agglomérée dans laquelle chacun était invité à se découper une belle tranche. Pour l'instant, Zé n'en voyait pas grand-chose. À travers les baies vitrées, il aperçut le Pain de Sucre, le Christ Rédempteur au sommet du Corcovado, les églises blanches sur les mornes verts. le ciel au-dessus des maisons multicolores était bleu métal, vibrant et doux, traversé de zébrures mauves. C'était mieux qu'un pressentiment, c'était une certitude, quelque chose de magique. Helena se cachait quelque part dans cette ville."

Et ce bel exergue du livre, puisé au Cendrars de "Trop c'est trop" : "C'est à Rio que j'ai appris à me méfier de la logique. Vivre est un acte magique."
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