Ne préfère pas le sang à l'eau. La vie c'est gratuit. Ne fais pas couler le sang pour ce qui appartient à l'humanité. (p65)
Quand à 10 ans vous devez tout quitter parce que vous êtes un nez-vert, parce que vous avez soif, que trouver de l'eau est le but de chaque journée. Voilà son seul but : Karole a soif, du haut de son 1,20 mètre elle est déjà vieille dans sa tête et sur sa peau, par la force des choses, elle ne comprend pas tout ce qui l'entoure mais elle ressent la sécheresse dans son corps, à chaque minute. Atteindre la citerne est son objectif mais.....
Elle prit la petite bouteille qu'on lui tendit et après avoir bu, elle alla jusqu'à passer son index sur la pointe de ses lèvres, pour recueillir la dernière goutte, la plus luxueuse d'entre toutes, celle qui te caresse la peau sans aucune volonté que de t'accorder la volupté de la vie. (p12)
Thiego lui a pris conscience, grâce en partie à sa mère, qu'il fallait qu'il rentre en résistance, à sa manière, contre le régime de Ragazzini, despote impitoyable et manipulateur mais il va connaître la prison, la torture, la trahison et la perte de ceux qu'il aime. Il le fait à sa manière, en écrivant sur les murs de sa ville sa colère mais aussi sa reconnaissance pour certains.
J'écris que le quotidien encombre nos coeurs et qu'on ne s'est jamais soucié du malheur de nos contemporains avant d'avoir été confronté au malheur des peuples voisins si envieux de nos petites tragédies individuelles. (p68)
A Cartimandua, pays imaginaire mais pas si éloigné de nous, à une époque inconnue mais qui pourrait se dérouler de nos jours (et se déroule déjà), l'auteure partage avec nous sa révolte calme mais réfléchie, sa honte de faire partie des nantis, de gaspiller le bien le plus précieux de la terre : l'eau.....
Je découvre cette auteure, avec ce roman et dès les premières pages je suis bouleversée : bouleversée par l'histoire, par les faits, par les personnages, mais aussi par les mots, par l'écriture. A 31 ans un tel talent, une telle lucidité, une telle maîtrise du récit et de sa construction.
La narration est faite à plusieurs voix en alternant les récits des différents personnages et l'on ne peut s'empêcher de penser aux similitudes avec notre monde actuel. Pas de mots inutiles, pas de grands effets, un simple constat.
Les nez-verts peuvent être assimilés à bien des populations stigmatisées, l'exil et ses causes nous les avons sous les yeux, les rebelles sont de toutes les époques avec les questionnements qui se posent à eux : tenir, se battre, sous quelle forme, trahir ou résister.
Ce livre est une sorte de cri, calme mais déterminé, une colère qui s'exprime, froide et lucide, une lecture qui ne peut laisser indifférent, qui nous pousse dans nos retranchements, nos peurs, nos craintes et quand on referme le livre on est sonné.
Pour ma part je me suis délectée des mots, des réflexions et constats tellement vrais, directs et percutants parfois, de la narration à plusieurs voix, donnant encore plus de crédibilité car il donne une vision totale de la situation, car rien ne sert de tourner autour du pot et qu'il faut bousculer les consciences pour changer...... Nous gaspillons un bien qui pour d'autres est vital, nous vivons au-dessus de nos moyens sans regarder toute une population qui souffre. Une partie du monde déborde quand l'autre sombre.
L'auteure fait preuve d'une maturité de pensée, d'écriture et a réussi à construire un récit qui vous prend la tête et le coeur, qui laisse en vous une trace indélébile.
Alors oui, les livres, ces garnisons de mots qui nous préservent du vide, à l'heure où tant de faux prophètes brûlent les pensées qui les dérangent et attaquent au disque à découper les sites les plus anciens de l'humanité. (p43)
Lien :
http://mumudanslebocage.word..