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Critique de Dixie39


Il en est des livres comme des gens : certains rendez-vous sont mille fois reportés et le plaisir de la rencontre, quand enfin elle se réalise, n'en est que plus vif, plus fort. Ce fut le cas pour la Cité de la joie de Dominique Lapierre. J'avais adoré le film. Et maintenant, ce livre que je n'ai pas su lâcher jusqu'au dernier mot...

Tout le monde connaît plus ou moins l'histoire, beaucoup l'ont lue et appréciée, certains pourraient penser que ce n'est plus d'actualité, que «c'est daté » et alors à quoi bon se replonger dans ce slum de Calcutta dont on a l'impression qu'on en a tant (trop) dit.

"Cette ville est une ogresse. Elle fabrique des gens dont le seul but est de te dépouiller."

L'Inde fait parler d'elle en ce moment, et pas forcément en bien. Et pourtant, en refermant ce livre, ce n'est pas la pitié, le dégoût ou la tristesse qui vous soulève le coeur, mais un surprenant émerveillement devant ce désir fou de vivre et une certaine incompréhension aussi : comment avoir et garder autant la foi devant tant d'abjections, d'horreurs et d'injustices ?

"Vous êtes la lumière du monde", leitmotiv qui aide à tenir debout ou imposture qui maintient à genoux ? C'est facile de dire cela pour moi, à l'abri et au chaud dans ma petite vie de privilégiée, avec la panse pleine sans le souci de la remplir le lendemain...

Ce qu'on lit là, dans les 3/4 de ce livre, c'est un enfer. Là-bas, on survit au milieu d'un océan de puanteur, de douleur et de mort. On (se) tue pour gagner quelques roupies et espérer au moins faire un repas par jour. On vend ses os, ses yeux, la prunelle de ses yeux (foetus ou nouveau né). On vole. On trime. Qu'importe. On vit. On donne. On aime et on aide au centuple…

« Tout ce qui n'est pas donné est perdu » dit le proverbe indien. On ne perd rien, à la Cité de la Joie. On s'accroche et on vit. Mais avec tant de hargne, de joie, de peur, d'amour, de douleur, de foi et autant de larmes, de sourires et de sang, qu'on ne peut qu'être admirative face à cette volonté de vivre effrénée, cette force vive dont je ne sais si nous, occidentaux, en serions aussi capables…

"Ce peuple de flagellés, d'humiliés, d'affamés, d'écrasés est vraiment indestructible. Son goût de la vie, son pouvoir d'espérance, sa volonté de se tenir debout le feront triompher de toutes les malédictions de son karma".

Et au milieu de tout cela, il y a quoi ?

- Un prêtre venu vivre sa foi au milieu de la lie de l'humanité, "à cause de ce "J'ai soif !" crié par le Christ. Afin de dire la faim et la soif de justice des hommes d'ici qui montaient chaque jour sur la Croix, et qui savaient regarder en face cette mort que nous, en Occident, nous ne savions plus affronter sans désespoir".
- Un paysan sans terre venu à Calcutta avec "l'espoir d'y trouver de quoi vivre un jour de plus. Car dans une métropole de cette importance, il y avait toujours quelques miettes à ramasser. Alors que dans un village grillé par la sécheresse ou inondé par la mousson, même les miettes n'existaient plus."
- des touristes (vous et moi) descendus des autocars pour "se faire tirer le portrait avec nous. Les rickshaws de Calcutta en colère, cela valait bien les tigres blancs du zoo d'Ali-pore, non ?"
- des aborigènes chassés de leurs forêts en flammes, arrivés là poussés par la chance de trouver un abri. "Ce jour-là, l'Inde avait subi une nouvelle défaite : un slum intégrait un homme qui était l'Homme par excellence, l'Homme primitif, l'Homme libre".
- la fleur de la Cité de la Joie : "Elle n'avait rien appris, mais elle savait tout. Par intuition, par amitié, par amour".
- un américain qui se retrouve sans comprendre avec un nourrisson dans les bras : "Prends-le ! gémit-elle. Emmène-le dans ton pays ! Sauve-le".
- un médecin en mission humanitaire qui ne rêve plus que d'une seule chose : "Dormir ! Dormir quinze, vingt heures de suite. Sur du ciment, avec des rats, des scolopendres, des scorpions, n'importe-où, mais dormir !"
- des lépreux dont le corps part en lambeaux, mais dont le coeur exulte : "Ces hommes et ces femmes étaient la Vie. La vie en majuscules. La vie qui palpite, qui tourbillonne, qui frissonne, qui frémit, la vie qui vibre comme elle vibrait partout ailleurs dans cette ville bénie de Calcutta".
- un auteur qui a trouvé plus que des héros de roman et qui a fait de sa vie, un combat pour tous les parias du monde (les lépreux, les malades du sida et tant d'autres...)

"Restaient les vivants".

Alors, me direz-vous : "Une goutte d'eau dans l'océan des besoins, mais une goutte d'eau qui aurait manqué à l'océan si elle n'avait pas été là". - Mère Teresa -
Lien : http://page39.eklablog.com/l..
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