Citations sur Moura (56)
Coup de maître de Moura: en cette année 1931, Wells, Gorki, Lockhart… Elle était parvenue à ses fins.
Conjuguer les trois amour de sa vie.
Les garder, ensemble.
Ne renoncer à aucun des trois , jamais.
Le premier ne savait rien du second. Le second ne savait rien du premier. Seul Lockhart était dans la confidence. Mais tous auraient pu prendre à leur compte la phrase de Robert Louis Stevenson à propos des surprises que lui réservait son épouse : “ La plus directe (...) des femmes pourrait bien, à votre plus grand étonnement, s’étirer par tronçon successifs, s'étendre comme un téléscope en une kyrielle de personnalités.... dont la dernière en date semblera ne rien devoir à la première.
Jamais il n'avait rencontré une telle partenaire. Ce prodige d'intelligence, cette merveille de volupté. Quand il lui parlait, quand il l'embrassait, c'était la même sorte d'ivresse. Avec elle, la limite entre le mental et le sensuel, entre l'idée et la caresse, n'existait pas. L'excitation intellectuelle se confondait avec celle de la jouissance.
En remuant les braises, elle n’avait trouvé que des cendres. La banalité de ce retour de flamme aurait, à terme, consumé jusqu’à la splendeur de la mémoire.
Plus encore que les autres, elle ( Moura ) percevait dans ces heures radieuses l'ombre du crépuscule. Le sentiment d'un déclin, une impression de fatalité, vague, inarticulée, qu'elle acceptait comme une évidence, ne la quittaient pas. Résultat : sa détermination à transformer chaque seconde en un souvenir de jouissance était consciente. [..]
La volonté d'identifier la moindre sensation, d'en extraire une joie physique, tenait chez elle de l'instinct de survie.
Elle se sentait si certaine de sa propre existence, si éloignée de toute crainte de l'avenir, qu'elle conservait une entière liberté en lui avouant son ravissement.
Aucune réticence à lui donner ce qu'il exigeait d'elle. Aucune peur de s'exposer et de se perdre elle-même, aucune crainte de le perdre lui, en se laissant totalement fasciner. Et pour cause ! Elle se trouvait en terrain connu. Ils se ressemblaient.
Comme elle, Lockhart était capable de vivre sur plusieurs plans, dans plusieurs sphères. Exister ici et ailleurs, en même temps.
« Plus russe que russe, elle professait un mépris total pour les petites mesquineries de l’existence, pour les convenances, les conventions, les stupidités du qu’en dira-t-on… Elle faisait preuve d’un courage qui balayait la lâcheté. Toutes les formes de lâcheté.
Là où elle aimait, là se trouvait son univers. Et sa philosophie de l’existence l’avait rendue maîtresse des innombrables conséquences qu’impliquaient ses sentiments.
Elle était une aristocrate. Elle aurait peut-être pu être une communiste. Elle n’aurait jamais pu être une bourgeoise… »
Pas de scène de ménage, pas de cris : aucun des deux époux Benckendorff ne s’abaissait à insulter l’autre. Mais l’absence de disputes sous-entendait l’inutilité d’une explication.
« She was a survivor. » La phrase revient éternellement dans les témoignages et les interviews : « Elle était une survivante. » La langue française ne rend qu’imparfaitement la notion de lutte et l’idée du triomphe final qu’évoque le mot anglais.
P377
Quand on a peur, quand on a mal, on n'ennuie pas les gens. On cache sa peine. On la tait. On l'enfonce en soi. Et l'on se débrouille pour vivre non pas avec sa douleur, mais avec le reste.
Quand tout aura été dit, quand tout aura été fait, Moura reste la femme que j'aime. J'aime sa voix, j'aime sa présence, j'aime sa force, et j'aime ses faiblesses. (...) Dans cette sorte d'amour, les torts pèsent lourd, mais ne changent rien à l'essentiel.
H. G. Wells