Au fond, ça m'énerve quand les gens n'ont pas besoin de moi.
Ca me gonfle, moi, les gens qui disent qu'ils ont faim et qui refusent le sandwich offert.
Il n’y a pas un seul bouquin dans cet hôtel, et je me demande comment je vais y survivre. De Quatre-vingt jours en ballon à Martine à la plage, du dernier Le Clézio au premier roman d’un inconnu, je ne peux pas m’endormir si je ne suis pas entré de plain-pied dans une histoire qui n’a rien à voir avec la mienne.
Finalement, j’embarque un plateau de petit déjeuner laissé pour compte et quelques prospectus, puis je remonte en m’arrêtant devant chaque tableau, ce qui me prend un certain temps (quatre toiles par étage). Devant ma soupente, il me semble que Paerels et moi sommes devenus intimes.
L'art, sous toutes ses formes, permet cette espèce de continuité dans le temps qui mène à l'immortalité.
Il paraît qu'on se répare en réparant les autres.
Claudine frissonne. Ses tatouages habillent ses longues jambes, mais ne la réchauffent pas, visiblement.
Il y a des personnes qu'on ne verra jamais emprunter un livre en bibliothèque ou en acheter d'occasion. Moi, l'idée des mains qui ont tourné les pages avant moi, ça me fascine. Il y a celles, fébriles, qui ont encore tant à découvrir, ou celles potelées, un peu tristes de la ménagère qui rêve, celles si rêches de l'ouvrier qui prend goût à la lecture sur le tard faute de temps ou encore celles, veinées comme un parchemin, de l'érudit à la retraite qui relit les mêmes oeuvres sans jamais s'en lasser. Que dire de celles qui passeront après les miennes?