Le petit Mehdi atterrit à la conciergerie du célèbre lycée français Lyautey de Casablanca, un peu comme un poil sur la soupe. C'est qu'il vient de loin, tout droit de son beld perdu de Béni-Mellal qui, en cette année 1969, ne connaît pas encore la télévision et à peine quelques téléphones disséminés à droite et à gauche. Ce sera donc un choc culturel à double sens. Malgré les nombreuses incongrutés, Mehdi réussira à impressionner ses professeurs élitistes et ses camarades de classe hautains. C'est qu'il est intelligent, bien sûr (n'obtient pas une bourse qui veut), avare de lecture, il connaît ses classiques sur le bout des doigts : LaFontaine, comtesse de Ségur,
Jules Verne, etc. de quoi faire rougir de honte les petits Français… N'empêche, il se fait bien accepter par les autres, même inviter chez eux. C'est tout un monde qu'il découvre. Un roman d'apprentissage, autrement dit.
Toutefois, au-delà des thèmes abordés dans le roman
Une année chez les Français, c'est le style de son auteur qui marque. Une pointe d'ironie, de grandes doses d'humour intelligent. Au-delà de cette galerie de personnages comiques, un brin caricaturaux (le concierge obtu, la mère dépassée, le cousin Mokhtar, etc.) il y a les situations cocasses. C'est que le petit Mehdi a le don de se mettre les pieds dans les plats. Par exemple, quand il se méprend sur le sens d'une expression qu'utilise un enseignant ou quand il s'invente une nouvelle vie pour le bénéfice de ses camarades. Ainsi, quand ces derniers le pressent de questions sur ses parents, le jeune boursier tergiverse longuement pour ne pas dévoiler leur origine pauvre :
« Mehdi sentit qu'il lui fallait dire la vérité. Toute la vérité, rien que la vérité. Il y a des moments dans la vie où l'on ne peut se dérober. Assez finassé, assez rêvé, assez menti ! Il se lança résolument.
- Mes parents, ils sont très riches, ils vont passer la semaine à New York, en Amérique […]. » (p. 68)
On pouvait s'attendre à tout sauf cela. Et que dire des nombreux jeux de mots ? Ils sont rigolos, réjouissant. Très souvent pendant ma lecture, je me suis surpris en train de rire et sourire. Mais tout n'est pas que drôleries, le roman contient aussi plusieurs moments de tendresse. C'est que le protagoniste est particulièrement attachant. Quelle spontanéité, quelle fraicheur ! Il faut dire que
Fouad Laroui puise dans ses souvenirs, dans son expérience personnelle, ayant été lui-même élève au fameux lycée dans sa jeunesse. Décidément,
Une année chez les Français est une lecture accessible et intéressante, je la recommande vivement.