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Pascal Blanché (Autre)Pierre-Paul Durastanti (Traducteur)
EAN : 9782381630595
384 pages
Le Bélial' (29/09/2022)
3.51/5   72 notes
Résumé :
Revoir Ymir, sa planète natale, n'a jamais fait partie des projets de Yorick. Ce mercenaire a quitté Ymir deux décennies plus tôt, la mâchoire arrachée et pour tout bagage la haine envers ce monde glacé qu'il a contribué à « pacifier » pour les besoins d'une entreprise tentaculaire. Mais lorsque les mines de son employeur sont menacées par une mystérieuse machine extraterrestre - l'ansible -, Yorick doit retourner chez lui pour la traquer... et l'éliminer.
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
3,51

sur 72 notes
J'étais curieuse de découvrir Rich Larson dans la forme longue, moi qui ai adoré ses nouvelles, tant dans leur traduction française (La fabrique des lendemains) que dans leur traduction québécoise (Rêves de drones et autres entropies).

Étrangement, je pense que je préfère cet auteur dans la forme courte, ce qui m'étonne un peu, parce que 1. J'ai généralement tendance à préférer les romans aux nouvelles ; 2. Les univers dépeints par Rich Larson sont si riches et complexes qu'on les imagine volontiers se déployer dans un roman pour en explorer tous les recoins. Finalement, j'en viens à penser qu'un des charmes des oeuvres de cet auteur vient du plongeon brutal dans ses univers à chaque début de nouvelle : une sensation un peu diluée quand on l'étire sur un roman de 400 pages.

Cela dit, bien qu'un cran en-dessous de ses nouvelles, Ymir n'en reste pas moins un excellent roman, un planet opera cyberpunk aussi poisseux qu'émouvant. Ymir est une planète glacée, dont les habitants vivent sous le joug d'une compagnie minière depuis près de vingt ans, lorsqu'a eu lieu la Soumission (je crois que le jeu de mots n'existe pas dans la VO, coup de chapeau au traducteur pour cette trouvaille). Yorick, natif de la planète, qui a joué un rôle actif dans la Soumission (pour le camp de la Compagnie), doit y retourner pour une mission spéciale : traquer un « grendel », machine biomécanique antique qui menace l'exploitation des mines. Un retour contraint qui le confrontera à ses vieux démons…

Le personnage principal, traître devenu mercenaire désabusé, est de prime abord assez dur à apprécier, mais Rich Larson réussit le tour de force de finir par le rendre attachant. La principale clé du roman est sa relation d'amour/haine avec son jeune frère, Thello, le trop sensible Thello qui en a pris plein la poire de la part de la Compagnie et fomente une révolte… Cette relation difficile, basée sur une incompréhension fondamentale, a pris une tournure tragique lors de la Soumission : vingt ans plus tard, alors que tout semble joué, y'a-t-il de la place pour un ultime épilogue? En tant que lecteurice, on souhaite à tout prix que tout s'arrange entre eux, mais il arrive que certains actes demeurent impardonnables…

Le roman se présente également comme une réécriture de Beowulf, en reprenant notamment la trame du combat contre Grendel. Néanmoins, je ne connais vraiment pas assez le mythe originel pour repérer toutes les références et je ne doute pas que beaucoup de choses m'aient échappées.

Un roman fort et bouleversant. Je regrette de ne plus avoir rien d'autre de Rich Larson à me mettre sous la dent – comment ça, il y a une novella parue récemment dans la collection Une heure-lumière? Voilà qui serait idéal pour tester le format mi-long…
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Révélé en France par La Fabrique des lendemains (son premier recueil de nouvelles couronné par le Grand Prix de l'Imaginaire, rien que ça), le Canadien Rich Larson revient cette fois dans la forme longue pour la première fois avec Ymir. Toujours chez le Bélial', toujours illustré par l'excellent Pascal Blanché et bien sûr toujours traduit par l'impeccable Pierre-Paul Durastanti. Débarquons dès à présent sur une planète de glace en compagnie d'un certain agent de la Compagnie…

Ymir est un pur roman de science-fiction. Un planet-opera même.
Et à ce titre, il nous emmène sur une lointaine planète dans un univers complètement étranger. Rich Larson n'est pas du genre à expliquer dans quoi on s'embarque et c'est avec un mystérieux « vaisseau bocal » que la descente s'opère. À l'intérieur, Yorick s'éveille de la mort. Littéralement.
Mis en stase dans un bassin de torpeur pendant des années dans l'attente d'une nouvelle affectation, d'une nouvelle chasse.
Revenir sur Ymir, sa planète natale, n'a rien d'une bonne nouvelle pour Yorick. Mauvais souvenir. Sombres fantômes.
Bien des années plus tôt, la Soumission a mis les habitants d'Ymir au pas.
La Compagnie, suite à la découverte de richesses importantes dans le sous-sol de la planète, s'est décidée à exploiter cet enfer de glace inhospitalier colonisé par les sang-froids et les rouges, des humains génétiquement modifiés pour résister au climat terrible qui règne à la surface.
Dans l'Entaille, principale cité souterraine du Nord, les hommes, les femmes et les nons vivent sous un ciel artificiel et s'épuisent dans les mines. La Compagnie, elle, a imposé son joug et son autorité.
Et si elle a réussi, c'est notamment grâce à Yorick, devenu traître aux siens et rejeté par son propre frère, Thello, qui lui a arraché la mandibule d'un tir de pistolet aiguille par la même occasion.
Alors revenir sur Ymir…même vingt ans plus tard, c'est prendre un risque certain pour le demi-sang, fils d'une selkie et d'un outremondain.
Malgré tout, Gausta a besoin des compétences de Yorick. Dans une des mines du Nord, un grendel s'est éveillé, un esprit machinique abandonné par les Anciens qui peuplaient autrefois la galaxie. Chasseur de grendels reconnu et aguerri, Yorick doit donc se mettre en chasse alors que les braises de la révolte se réchauffent et qu'elles menacent de nouveau la planète de glace d'un incendie populaire incontrôlable…
Rich Larson nous fait pénétrer pas à pas dans l'univers d'Ymir, et le début du récit n'est pas une mince affaire pour le lecteur.
Petit à petit, court chapitre par court chapitre, le lecteur va pourtant de mieux en mieux cerner la complexe situation socio-politique de cette planète multiculturelle où la violence s'avère omniprésente.
On admire d'emblée la description minutieuse de ce système d'oppression très cyberpunk dans l'esprit et mis en place par la Compagnie. Cette entité tentaculaire qui semble régner sur une bonne partie de la galaxie, impose sa loi mécanique aux hommes, gouvernant les planètes par des choix algorithmiques inhumains et n'hésitant jamais à sacrifier le nécessaire pour garder la situation sous contrôle.
Rich Larson compose non seulement une société presque dystopique avec cette Compagnie mais également un univers dans lequel les technologies sont à la fois numériques et biologiques. On peut ainsi se recoller une mandibule perdue à coup de gel chair ou découper en tranches des prisonniers pour les décorporer et les mettre dans des bioréservoirs.
Que de place supplémentaire dans les cellules de la Compagnie…

Si l'univers semble à la fois très riche et très noire, Rich Larson s'attache avant tout à décrire la relation complexe qui unit Yorick à son frère Thello.
Le Canadien dresse le portrait de deux hommes aux tempéraments opposés, l'un rongé par la violence, l'autre qui ne la supporte pas.
Dès lors, les chemins se mettent à diverger très tôt et la peur puis la rancoeur s'installent. Au centre du récit, la rédemption de Yorick passe par la compréhension de son propre passé, l'acceptation de ses crimes et, surtout la revisite de ses souvenirs. Rich Larson explore le labyrinthe de la mémoire, ou comment l'on s'arrange avec nos traumatismes pour leur donner un sens ou, au contraire, pour éviter d'en affronter les conséquences terribles.
Alternant avec l'histoire principale de Yorick, les flash-backs et les rêves/cauchemars vont mettre en lumière les racines du mal, ou comment deux frères qui s'aiment ont pu s'éloigner autant avec les années.
Roman mémoriel, Ymir investit l'intime pour dire la violence et l'influence de l'environnement sur la personne. Non seulement les rudes conditions de la surface glacée de la planète et les problèmes raciaux qui y règnent entre natifs et colons, mais aussi l'éducation maternelle, la main levée qui finit par transformer l'enfant en un être froid et tranchant comme une lame de rasoir. L'inné et l'acquis. Toujours.
Dans cette plongée presque psychanalytique, Ymir dissémine ses références mythologiques. Prenant le nom du père des Jötnars de la mythologie nordique, la planète laisse apparaître les vestiges disparus d'une civilisation éteinte, les Anciens. Un BDO (Big Dump Object) marque leur présence comme un fossile d'une taille écrasante : l'Ansible.
Vient alors le temps du grendel, cousin éloigné de l'adversaire de Beowulf, vestige-prédateur au comportement étrange et incompréhensible, qui marque et illustre la fable racontée par Yorick, ce qui est mort doit rester mort. Et tant pis si, pour cela, il faut tuer ou anéantir en se droguer à coup de Doxe ou de Hyène.

Enfin, et c'est peut-être le plus important, Ymir est un roman de notre temps, de notre époque. Il illustre à merveille que la science-fiction, loin d'être un genre abstrait déconnecté du réel, le retranscrit au contraire parfaitement. Dans le roman de Rich Larson, on retrouve cette peur du contrôle par les multinationales, de la colonisation et de l'asservissement, de la privation de liberté jusqu'à la privation du corps lui-même.
La dépossession de soi, de ses sensations, de ses souvenirs.
Le contrôle devient un enjeu, même sous le vent glacé de la surface.
C'est aussi un certain avertissement sur les possibilités de la technologie qui déshumanise autant qu'elle guérit, qui piège autant qu'elle libère.
Pour se confronter au gouffre qui nous sépare de cette époque ultra-technologique, Rich Larson investit le sentiment humain, celui de la culpabilité et de l'amour fraternel. Il rassemble au lieu de diviser.
Il aime au lieu d'haïr. Comme un mantra thérapeutique.
Ymir est bien un roman pour aujourd'hui et pour demain, définitivement.

Roman dense et passionnant, Ymir s'offre la plus belle science-fiction pour explorer nos culpabilités et nos révoltes. Sur la planète de glace couve le feu de la révolte contre l'oppression et les souvenirs bouillonnent pour nous rappeler au réel et au fondamental : l'amour entre les frères humains.
Rich Larson signe un premier roman aussi maîtrisé que noir où politique et science-fiction se marient à merveille sans jamais s'étouffer mutuellement.
Lien : https://justaword.fr/ymir-82..
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Yorick revient sur Ymir contre sa volonté. On le sort de stase pour une mission dans ses cordes : retrouver et liquider un grendel, une bestiole machinique, aux capacités particulières, qui nécessitent un professionnel dans son genre. Mais Yorick est né sur Ymir et, vu comment il a quitté ce monde, il espérait ne pas y remettre les pieds. le passé va lui éclater à la gueule. Et ça va gicler sur tout le monde.

Âmes sensibles, passez votre chemin ! Rich Larson aime les fluides, les corps déchiquetés, triturés, maltraités. le parcours de Yorick est un chemin de croix sanglant. En particulier pour lui. Sa rédemption (s'il y parvient : je ne vais quand même pas divulgâcher dès le début !) doit être douloureuse ou elle ne sera pas. Dès son réveil, on sent que rien ne sera facile. Réveil comateux. Et surtout, difficulté à installer sa nouvelle mâchoire. Car Yorick, on comprendra comment plus tard, a eu la mâchoire arrachée sur Ymir. Il doit donc s'en installer une nouvelle, artificielle. Heureusement, en cette époque, la technologie et la médecine ont fait d'énormes progrès. Sans cela, d'ailleurs, plus d'histoire, vu le nombre de blessures récoltées par les personnages. La gelchair (une parenthèse pour féliciter le traducteur, Pierre-Paul Durastanti, qui n'a pas dû avoir la partie facile avec ce style très heurté et violent par moments ; et bravo pour certains néologismes qui passent très bien.) comble les plaies et permet de cicatriser rapidement. Pas de miracle, mais une grande efficacité malgré tout.

Yorick se retrouve donc, presque entier, sur la planète qui l'a vu naitre. Et grandir dans la douleur. Un père outremondain qui les a abandonnés ; une mère violente et taiseuse ; un petit frère à protéger. Et le roman va nous donner les clefs de ce passé, page après page, entre les moments de chasse au grendel, de beuverie dans les bars. Car Yorick est un personnage totalement fracassé. Dès qu'il le peut, il se drogue : alcool ou drogue dure. Il se cache derrière ces substances pour parvenir à se supporter et à supporter l'existence. Mais surtout, à supporter la possible rencontre avec son jeune frère, qui, lui, est resté sur Ymir. Et a pris fait et cause pour la résistance. Alors que Yorick a choisi d'abandonner sa planète natale, trop dure avec lui, et a pactisé avec le diable, l'ennemi : il est parti sur un vaisseau de la compagnie. La compagnie, c'est le monstre tentaculaire venu d'une autre planète et qui impose son ordre et son profit aux aux autres. Utilisant les armes et les I.A., elle mate les résistances, par la persuasion, mais surtout par la force et la dissuasion. Et malheur à ceux qui résistent ! Ils sont torturés pour obtenir des renseignements. Puis découpés et décorporés. Efficace. Cela rappelle bien évidemment les méga sociétés de William Gibson (Comte Zéro, Périphériques ou Agency), puis de Richard Morgan (Thin Air). D'ailleurs, l'inspiration de Rich Larson pioche largement dans ce terreau : avec ses êtres augmentés, trafiqués, changés jusque dans leur chair même, dans leur intégrité physique ; avec l'importance des puissances électroniques et les I.A. multiples et variées. Mais il brasse tous ces éléments pour les mixer à sa sauce. Saignante.

Décidément, j'ai actuellement une tendance à trouver des récits utilisant les mêmes prénoms. On trouve une Orca ici, comme dans Superluminal de Vonda N. McIntyre. Elles ont en commun le côté non-humain, car cette Orca est une rouge, tandis que celle de l'Américaine est une plongeuse (une humaine modifiée pour s'adapter à l'eau). Et leur caractère entier. Mais la Orca de Rich Larson est plus mutique, plus massive, plus inquiétante. Comme tous les personnages de ce roman, elle est un bloc fracturé, dangereux et en même temps fragile sous certains angles. Mais ses angles sont aigus, tranchants, rugueux. Tout sauf doux.

Pourtant, on trouve de la douceur, voire de la poésie dans Ymir. À travers certaines descriptions du ciel, de certains moments passés, d'échanges de regards. Mais cela ne dure pas. Tout comme la gigue, cette danse mortelle inventée pour se distraire. Les combats illégaux, dans des cages, devant des dizaines, voire des centaines de spectateurs déchainés, sur Ymir, ressemblent à une danse. Les combattants sont équipés de chaussures aux pointes effilées et tranchantes, ou crochetées pour agripper l'adversaire. Et ils dansent l'un autour de l'autre, l'un avec l'autre, l'un contre l'autre. Grâce de ces moments récoltés au prix de la sueur et, surtout, du sang. Car si certains duels s'arrêtent à la première goutte versée, d'autres doivent aller jusqu'à l'ultime don. Celui de la vie d'un des danseurs. Même la beauté est mortelle sur Ymir.

Ymir, un roman coup de poing. Ymir, une claque bardée de lames dans une face déjà abimée par le froid et la glace. Ymir, une histoire de famille et d'amour, de haine et de pardon. Ymir, un roman à lire.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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Ce n'était pas le moment pour moi de lire ce roman. « Ymir » est un roman exigeant, qui demande une implication, un investissement particulier au lecteur. Ce que j'étais incapable de faire actuellement. Je traverse une mauvaise passe, des problèmes familiaux importants, qui m'empêchent de me concentrer sur une lecture comme celle du roman de Rich Larson. Et puis, de toute façon « Ymir » est trop cyber-punk pour moi. Ce n'était pas le moment de lire ce roman, ce n'était même pas un roman pour moi pensais-je. Pourtant, je ressors de cette lecture complètement sonnée. Dire que j'ai adoré « Ymir » ne serait pas le terme juste. C'est au-delà de ça. Ce roman m'a remuée intimement comme jamais un roman ne l'avait fait. Je ne peux même pas dire que j'ai tout compris, j'ai ressenti.

Le style et la narration du roman sont vraiment particuliers. N'ayant pas pu y consacrer l'entièreté de mon cerveau, plein de choses me sont restées hors de portée, je n'ai pas tout compris. Et pourtant, il me semble que personne ne pourrait aimer ce roman plus que moi. Certains y verront un récit de SF d'action, ce qu'il est, certains y verront un roman à tendance cyber punk marquée, ce qu'il est, mais pour moi, il est avant tout un magnifique drame familial qui m'a bouleversée, faisant écho d'une façon plus ou moins proche à ce que je traverse actuellement. « Ymir » c'est donc une sublime histoire de famille où il est question de pardon, un thème qui est au coeur de mes préoccupations actuelles. Et ce roman m'a aidée à me mettre sur le chemin. Je ne suis pas encore parvenue au terme de ce voyage intérieur, c'est une véritable quête intime que j'entame mais « Ymir » a dégagé ce qui me cachait la route que je devais emprunter, il m'a mise sur la voie. J'aimerais tant pouvoir dire à Rich Larson combien je lui suis reconnaissante pour ça, le remercier. Je n'en aurai jamais l'occasion mais voilà, si quelqu'un lit ce modeste billet, pas très inspiré, je suis trop bouleversée pour être pertinente, si quelqu'un qui aurait la possibilité de le faire lit cette bafouille, qu'il lui dise que son roman m'a empêchée de sombrer, m'a donnée un élan, qu'il m'a, d'une certaine façon, sauvée. Merci Monsieur Larson.
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YmirRich Larsontous les livres sur Babelio.com
Rich Larson. Ymir. Ed. le Belial. 380 pages. 5 étoiles.
Tout d'abord, merci à Babelio pour l'opération Masse Critique auquel il m' a été permis de participer.
Ymir…Je vous fiche mon billet que cet ouvrage sera salué dans 10-20 ans comme un grand classique du « roman SF Cyberpunk alliant humour noir et aventure.
Ma critique se compose de plusieurs points :
Quelques mots (pas plus) sur l'auteur et son style littéraire, le cadre, et les personnages principaux. Des « conseils de lecture » et… un LEXIQUE des mots de vocabulaire technologique inventés et récurrents (comme je les ai compris)…Le tout pour vous permettre d'accrocher à la lecture.
Enfin les points positifs et négatifs de la critique et la conclusion.
L'AUTEUR ET SON STYLE
Rich Larson est d'origine canadienne, né au Niger et ayant vécu en Europe.
Il a écrit plus de 200 nouvelles.
Son recueil de nouvelles La Fabrique des lendemains a reçu le grand Prix de l'imaginaire 2021.
Ymir est son premier roman « adulte ». Un job confié à Yorick, sur une planète inhospitalière mais riche en minerais…
Les descriptifs sont incisifs, imagés. Les dialogues au couteau, d'une violence larvée. L'action est fluide, sans incohérence notable. le tout est bien servi par la traduction de P-P Durastanti qui permet l'immersion profonde. Après 100 pages, pour moi, le momentum est TOTAL (je me serais cru dans un film SF).
Belle couverture de Pascal Blanché. le marque page Ymir reprenant la partie centrale du dessin de la couverture est un petit plus….
Un style original : qualité/complexité des émotions, états d'âme, bien équilibrés avec l'humour, l'action,…
Exemple : Dam GAUSTA (la compagnie) et YORICK (personnage principal) p.16. « Yorick ne distingue pas les traits de dam Gausta mais il reconnaît les angles prédateurs de son corps » : cette phrase fixe en quelques mots la nature de la relation entre eux.
S'il fallait trouver à R. Larson un lien de famille éloigné avec un autre auteur, je dirais : Richard Morgan (série des Takeshi Kovacs). Pour le genre cyber, l'humour et la qualité de l'action. Mais la qualité du récit est du côté de Ymir.

L'auteur est bien documenté « technologiquement ». Et il aura probablement consulté ce qui suit.
Pour les bases d'un développement techno-bio-numérique : jetez un oeil sur le rapport « la grande réinitialisation » https://www.babelio.com/livres/Schwab-COVID-19--La-grande-reinitialisation/1262548 : sous format pdf aussi (googler pdf – free).
Concernant l'utilisation des drogues au quotidien, regarder le documentaire « Hitler, Blitskrieg et drogue » dont voici le pitch : https://www.youtube.com/watch?v=Szp2-UcXUNA. La drogue produite en quantité astronomique par l'industrie pharmaceutique est consommée journellement par les soldats…des 2 camps.
Dans Ymir, j'ai adoré l'utilisation de la drogue appelée « hyène » (en fin de roman).
On évolue aussi dans le genre « anticipation » aussi puisque la toile de fond de ce roman n'est que le développement techno-socioéconomique du mode de gouvernement mondial oligarchique (Forum Economique Mondial / Groupe Bilderberg / ONU) qui tente de se mettre en place dans nos vies depuis 2020. le résultat ? Un humain marchandisé, « génémodé », calibré,…dopé. Mais Yorick n'en a rien à fiche et nous dit de temps en temps : « J'ai tant d'amour à donner » 😊

CONSEILS DE LECTURE
Les chapitres 4 à 8 (p. 28 à 43) sont désopilants et montrent toute l'humanité qui exsude du surréalisme noir et désabusé de Yorick.
Ensuite, nous entrons dans le vif avec l'arrivée de Yorick à l'hôtel de la compagnie et le traitement d'une sorte de gueule de bois technologique si je puis dire…dont profite l'auteur pour installer le cadre, les personnages principaux, l'objet de la mission (qui se révèlera peut-être secondaire par rapport aux développements ultérieurs…).
Là on commence à sourire…Et on est capturé par le livre. Si vous accrochez aux 100 premières pages, rien ne vous empêchera de le terminer car vous serez complètement immergés, vous aurez eu tous les codes, et les événements vont s'enchaîner avec une précision…karmique 😊 (les « comptes de la souffrance universelle » doivent être équilibrés: nul n'échappe à son destin).
Vers la fin, comme si l'auteur était touché par le dysfonctionnement mental de son héros, la numérotation des chapitres présente quelques bugs de numérotation …Et certains chapitres ont comme référence des caractères spéciaux 😉…

ET…LE LEXIQUE qui aide à l'immersion rapide…
p. 11. à 19 Protocole de décryonisation, technicien de dégel,…
p. 16. Camo : camouflage
p. 16. Génémodé : amélioré génétiquement aux conditions de travail
p. 18. Avatar numérique capable de répondre à vos questions (comme l'original) grâce à son algorithme
p. 19. Production de vêtement courant
p. 19. Calibrage de la chimie interne
p. 27. Phédrine : éphédrine améliorée – décongestionnant – psychotrope
p. 28. Empreinte faciale, baguette de scan, tablette.
p. 28. « Peler » les yeux : rendre plus performants dans l'obscurité
p. 29. Structures bio-organiques : les bâtiments ressemblent à des polypes coralliens
p. 29. Description de la nature de l'air respiré dans la ville (L'Entaille) la plus proche du complexe minier.
P. 29. Un véhicule dont le logiciel réagit à l'environnement (boucle comportementale) qui pose problème. On y sera bientôt… 😊
p. 30. Dipneuste : existe : regarder sur wikipedia ce poisson étonnant.
p. 30. Les vidanges de bouteille ne sont pas en verre.
p. 20. Un sac à dos qui obéit…au doigt.
p. 20. Un injecteur couramment employé au quotidien
p. 22. Dépresseur
p. 22. Ansible : moyen de communiquer instantanément avec un autre point de la galaxie (et d'imprimer des objets ». Imaginé en 1966 par Ursula le Guin et développée depuis par plusieurs auteurs. Ici, il semble qu'on puisse transférer de la matière (les chiens de feu))
p. 33. Génempreinte : empreinte génétique
p. 36. Moussequette : moquette en mousse
p. 37. Gel chair : un emplâtre biotechnologique qui devient chair au contact avec de la chair (sert aussi en urgence à refermer des blessures ouvertes)
p. 39. Géophage : un organisme vivant modifié pour nettoyer « à sec » en urgence.
p. 44. Holofresque : fresque diffusant un hologramme
p. 47. Décorporé : un humain que la compagnie a handicapé physiquement (en guise de peine après jugement), les parties du corps manquant ont été remplacées par un ensemble bio-mécanique adapté au job.
p. 46. Une serveuse de bar vraiment atypique😊
p. 60. Holomasque de communication : un masque que votre interlocuteur met et qui affiche numériquement le visage en temps réel d'une autre personne qui souhaite vous parler sans pouvoir/vouloir être présente.
p. 69. Fabricateur de combinaison thermique pour mineur
p. 76. Verre intelligent : un grand écran numérique capable d'input (scan,…) et d'output : (parler, noter les commandes,…), sorte de smartphone du futur.
81. Biomod : modification biologique, Moléculié : lié à l'échelle moléculaire
96. Annihimés : dessins animés générés par IA
99. Bioplastique : plastique transparent qui a la même fonction que la chair.
100. Un selkie : un sang-froid (il me semble) : personne née de la lignée des colons les plus anciens.
101. Grendel : organisme alien bio-mécanique très ancien. Obket de la mission de Yorick.
123. Dolovore. Un antalgique puissant

LE CADRE
Quelques éléments généraux et des changements de cadre (paginés ci-dessous).
La « compagnie » (appréciez ce détail : pas de majuscule) exerce les fonctions d'autorité et de fournisseur d'emploi (principalement extraction minière). Elle a la mainmise sur l'emploi, la santé (drogues de toutes sortes,…), les équipements (ansible, biotechnologie, numérique,…), le contrôle social partout sur la planète.
Le puissant algorithme prédictif socio-économico de la compagnie (qui voit / prévoit « tout ») a décidé de renvoyer Yorick sur Ymir, chasseur de grendel. Or, celui-ci s'était juré de ne jamais y remettre les pieds…Les ordres lui parviennent par l'entremise de dam Gausta.
Ymir est une planète glacée et relativement inhospitalière, sans relief, sans étoile visible,.. Quelques animaux aliens…chassés (comme d'hab. 😊) pour leur graisse.
p. 11 : arrivée de Yorick par « vaisseau-bocal » sur Ymir.
p. 29 : description de l'ambiance de la ville (l'Entaille) à proximité du complexe minier, comme si on y était.
p. 32 :😊 « A peine a-t-il pris pied sur le trottoir que la voiture émet un bêlement électronique et se réengage dans le trafic. ». (…) « On glapit derrière lui. Il se retourne pour voir son sac se colleter avec une enfant (…) Elle incarne l'autre génempreinte des colons d'Ymir : une rouge ».
p. 64 : Yorick arrive à la mine afin d'examiner les lieux.
p. 81 : on apprend avec plus de précision ce que les mineurs reprochent à Yorick
p. 135 : Yorick démarre sa mission dans le complexe minier, « la Gueule ». La tension dramatique et l'action vont croître rapidement.
p. 170 : complexité des enjeux ! Les tensions entre personnages sont à leur comble.

QUELQUES PERSONNAGES en scène
Les personnages principaux sont complexes, avec des enjeux cachés que l'auteur nous fait découvrir au fur et à mesure.
Le début du roman ? Une sortie de cryogénisation inoubliable pour le lecteur ! Emaillées d'un humour (noir bien entendu vu les souffrances bien réelles de Yorick).
dam GAUDA. p.16. « Elle a moins vieilli que lui en 2 fois plus d'années, toujours aussi parfaite et terrible grâce aux télomères génémodés dont bénéficient les cadres sup de la compagnie. »
Scène avec YORICK et THELLO son frère et la mère des enfants qui joue un rôle effacé mais primordial dans la construction mentale des frères. p.24.: « Leur mère vient les toiser. - Et d'où ça vient ça ? Sa colère est une zone de basse pression. La cage de Yorick se contracte., ses oreilles bourdonnent. » (…) La main libre jaillit. Il y a le bruit de choc contre la chair puis l'empreinte écarlate sur la figure de Thello. Yorick sent la gifle fantôme sur sa joue, son coeur battant la chamade. Leur mère tremble. Tout peut déraper en une seconde. - C'est moi qui l'ai prise dit-il – un mensonge »
A l'arrivée à l'hôtel de la compagnie. Un personnage à part entière 😊 : le MEMORIAL URBAIN SUD. « Bonsoir, dit une voix synthétisée. (…) D'un pas étouffé, un droïde sort de l'ombre, quadrupède de la taille d'un chat : un châssis avec un holoprojecteur en guise de tête et un unique manipulateur au bout d'une tige fixée sur son épine dorsale. (…). - Les Comptes de la souffrance universelle sont toujours équilibrés au Mémorial Urbain Sud. »
FEN : p. 64. « Si tu veux ta branlée tu le dis tout de suite. Déclare la géante. Sinon ferme te gueule fallacieuse et rentre chez toi, bordel. »
p. 65. « Fallacieuse marmonne Wickam . C'est quoi ce mot à la con ? »
NOCTI : Un musicien transhumanisé « (génémodé)

EN RESUME, j'ai adoré.
Un récit d'aventure sur une planète gelée qui fait la part belle aux sentiments et aux émotions humaines.
Novlangue techno accessible.
On observe à travers le « fonctionnement » de Yorick comment l'homme transhumanisé, marchandisé, adapté pour pouvoir bosser mieux/plus sera de plus en plus dépendant des techniques, donc :
- des sociétés qui vendent le matériel (électronique bio-technologique, numérique,…) or on vit au quotidien ce qu'il en est da la qualité des remises à jour logicielle « obligatoires / imposées », des bugs en cours de fonctionnement « normal » .
Il y a 2 niveaux de lecture dans ce livre : le plus évident, celui de Yorick, né sur Ysmir qui essaie de réaliser sa mission et vit son destin et ses aventures.
Mais il y a aussi la vie du quotidien de cet agent de la « compagnie », un parmi tant d'autres. On a l'impression, vu la densité et la précision du récit que Larson a pu jeter un oeil dans le futur de notre civilisation technologique.
Vers la page 170, j'ai senti que le récit allait passer un cap : soit se planter, comme cela arrive régulièrement avec des auteurs modernes (que je n'ai pas envie de citer ici) de par les difficultés à maintenir la cohérence du récit (science fiction = science), à gérer « logiquement » les relations passé-présent des personnages et leurs interactions au présent, à les faire évoluer en fonction de leurs enjeux personnels,… et finalement, à éviter de faire retomber l'intensité pour une fin inoubliable,…
Je vous laisse deviner, mais sachez que l'intégration passé-présent est très bien exécutée.
Personnellement, à partir de la page 80, et sa rencontre avec la géante Fen (dont Yorick a…peur ?! Et pour cause…), j'ai mis toutes les tâches ordinaires en stand-by et je n'ai plus lâché le roman jusqu'à la fin.
Un petit point négatif, j'ai trouvé qu'il y avait un petit peu trop de chapitres flash-back, quelque fois peu intéressants. Ils auraient pu être regroupés dans moitié moins de chapitres par exemple pour maintenir le momentum d'émotions et réellement nous empêcher de respirer… 😊.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
L'Entaille devient d'une beauté floue. Ses biolampes et ses néons, ses ruelles crasseuses, ses habitants inexpressifs. Quand l'écran de sélection du marché ambulant s'éteint et qu'il voit son propre reflet, il se trouve beau, lui aussi. Les ombres cachent la tranchée de son sourire de l'ange, l'articulation entre la mandibule et la chair ; elles cachent ses yeux de demi-sang.
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Si un grendel doit le tuer, ce sera dans le ventre d'Ymir, bien sûr. Ç'aurait pu être quand il escaladait les superbes falaises de grès de Baldr, ou qu'il voguait dans les nuées métalliques de Hod, mais non. Ce sera ici, dans l'obscurité moite, qu'il mourra. Comme n'importe quel mineur sous obligation.
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L’entrée de Polaire 7 surgit droit devant. Il sait pourquoi les mineurs l’appellent la Gueule, mais, cette fois, il voit bien la ressemblance. La glace déchiquetée qui entoure l’orifice du tube de descente devient une dentition pointue, et le trou lui-même un gosier.
Yorick entend à son oreille la voix de Linka. Vous voulez savoir qui dévore qui? Il pense à sa mère et à son frère, voûtés et abîmés par leurs années de mine.
Le glisseur plonge.
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Ymir: une planète de glace, un immonde consortium industriel venu coloniser les ressources naturelles, une main d'oeuvre OGMisée , exploitée dans les mines, entité innommable éveillée, chasseur au lourd passé rappelé au jus avec retour du refoulé, tensions raciales, révolte latente des esclaves, conflits de pouvoirs entre affairistes, quête rédemptrice... Bigre ! K.Dick, Herbert, H.P. , des bribes de mythologie scandinave et du bon vieux néo-capitalisme cryto-fascisant et sa dose d'Outland et de Robocop pour faire bonne mesure. Ah, les affres des multinationales tentaculaires plus monstrueuses et broyeuses que les Grands Anciens des cavernes profondes… Rien de très neuf dans ce livre donc mais ce mixage riche marche à fond : verbe haut, sens fascinant du détail , inventivité biotechnologique hard SF et dimension psychologique dans ce qui fait l'enjeu majeur du livre : la relation complexe et destructrice entre les deux frères Yorick et Thello.

Parce qu'il n'est désormais de bonne SF que de la SF à même de damer le pion à la littérature générale en termes de psychologie, histoire de la sortir du ghetto et montrer à tous ces cartésiens que l'imaginaire peut égaler et même surpasser de très loin les histoires de bobos parisiens qui ressemblent si horriblement à nos vies chiantes sans même en transcender les secrets.
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Petits, on accumule les blessures les plus profondes. Les suivantes ne sont que des extensions et des variations.
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Rich Larson vous présente son ouvrage "Ymir" aux éditions le Bélial.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2650307/rich-larson-ymir
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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