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Critique de Antyryia



Moloch est un démon souterrain auquel des victimes humaines sont offertes en sacrifice, et plus particulièrement de jeunes enfants.
Ces nouveaux nés étaient jetés vivants dans un brasier de flammes, en échange de quoi Moloch assurait votre prospérité, votre richesse, votre réussite.
Dans une courte introduction, Asa Larsson évoque le culte de cette divinité, également connue sous le nom de Baal, et qui a donc donné son titre à cette cinquième enquête de Rebecka Martinsson. On devine donc que cette histoire aura un lien avec des sacrifices, avec la mort d'enfants pour assurer une ascension sociale.

Les deux premières victimes sont pourtant loin d'être jeunes. Frans Uusilato, alors âgé de quatre-vingt dix ans, a été dévoré par un ours et Sol-Britt, sa fille, est quant à elle morte assassinée quelques semaines plus tard. Un meurtre horrible puisqu'elle a été transpercée à de nombreuses reprises par une arme blanche.
"On l'a assassinée à coups de couteau, dit Rebecka d'une voix dure. Pas un coup, au moins une centaine."
Mais ça n'est pas tout. Trois ans plus tôt, le fils de Sol-Britt a été renversé par un chauffard, et le délit de fuite n'a jamais été résolu. Quant à la grand-mère de Sol-Britt, Elena, elle a été assassinée également, presque un siècle plus tôt.
Chaque génération ou presque de la famille semble donc victime d'un meurtre ou d'un horrible accident, comme si une malédiction était à l'oeuvre.
"Il y avait tout de même un peu trop de morts violentes dans cette famille."
"Un peu trop de malchance et de malheurs."
Le petit Marcus, sept ans, boucle cet arbre généalogique. Serait-il lui aussi en danger ?
Le lien avec Moloch ? le premier qui vient à l'esprit, c'est la prospérité de la commune de Kiruna. En effet, on sait rapidement que cette famille dont les morts peu conventionnelles touchent chaque génération est celle de Hjalmar Lundbohm, surnommé le roi sans couronne de Laponie.

Ce personnage a d'ailleurs réellement existé. Chimiste et géologiste suédois, il a été le président directeur général de LKAB ( une compagnie minière suédoise ) et c'est lui qui a créé la ville de Kiruna, après la découverte de gisements miniers un peu plus au nord. C'était un homme très riche, très influent, qui a cherché à développer sa ville qui manquait en 1914 de logements, de commerces ou d'éducation.
Comme elle le fait dans ses autres romans, Asa Larsson nous livre quelques retours en arrière datant de cette époque, alors que la première guerre mondiale allait éclater, en nous présentant plus en détails le personnage, les évolutions de cette ville qui lui est si chère, les difficultés des mineurs. Tout cela, le lecteur le découvre notamment au travers du regard de la nouvelle institutrice, venue de Stockholm : Elena Pettersson tombera en effet éperdument amoureuse de cet homme ... et sera donc la première victime de cette série meurtrière dans des circonstances dévoilées progressivement.
Tous les éléments qui ont fait la réputation d'Asa Larsson ( il s'agit, après le sang versé, de son second prix du meilleur roman policier suédois ) sont donc bien présents : Un aspect culturel, des retours dans le passé, et un côté un peu mystique, ou tout au moins mystérieux.
Sans oublier les parties qui correspondent à des jours de la semaine ( ici du 23 au 27 octobre ), les croyances religieuses ou quelques nouvelles données fiscales.

Et bien sûr, on retrouve les personnages récurrents de la série. Même si quelques allusions sont faîtes aux volumes précédents, notamment pour expliquer l'évolution de Rebecka Martinsson, je dois bien avouer qu'elles sont relativement rares et ne perturbent pas le déroulé de l'histoire. Mais je ne regrette pas d'avoir lu Horreur boréale juste avant, qui m'a permis de mieux appréhender certains évènements et surtout de situer très rapidement la majorité des personnages.
L'avocate fiscaliste est désormais devenue assistante du procureur, est en couple avec son ancien patron Mans, et a déménagé à Kurravaara, où elle a grandi ( et où étaient exploitées les mines, encore plus au nord de Kiruna ). Seront également de la partie Sivving, le légiste Pohjanen, les policiers Sven-Erik et Anna-Maria ainsi que l'ignoble magistrat von Post la peste qui joue à merveille son rôle d'ingrat et d'égocentrique, en perpétuel conflit avec Rebecka.
"C'était du von Post tout craché. Ce type était un lâche et un bouffon."

Pour compléter cette galerie de protagonistes présents depuis le premier volume, quelques nouvelles têtes me sont apparues mais finalement assez peu, et je ne me suis pas retrouvé cette fois noyé par le nombre ou le nom des multiples intervenants. Je vais surtout citer Krister, un policier défiguré par les flammes et amoureux transi de Rebecka.
"C'est pour ça que je n'ai plus d'oreilles, plus de nez, que je suis chauve et qu'on m'a greffé de la peau artificielle sur le visage."
C'est lui qui va s'occuper du petit Marcus, sa mère biologique ne souhaitant même plus entendre parler de lui.
Maja, la cousine de Sol-Britt, révèlera à Rebecka quelques secrets sur sa mère.
Et il ne faut pas oublier les chiens. Vera, le Morveux, Tintin ou Roy seront très sollicités tout au long des pages.

Une fois passé les premières chapitres, je suis rentré facilement dans l'histoire et j'ai vraiment eu envie de découvrir la résolution de l'insoluble énigme.
Le rythme est lent mais l'ensemble est très agréable à lire, de nouveaux éléments venant régulièrement relancer la trame policière. Pourtant, il ne s'agit pas uniquement d'un polar mais aussi de la découverte de la vie en Laponie suédoise de ce siècle et du siècle passé. A nouveau, on ressent l'immensité et les 0.85 habitants au kilomètre carré, la beauté glaciale des paysages, les croyances .
Je ne suis pas entièrement convaincu par l'aspect manichéen : Pas de personnage avec une part d'ombre, ici tout le monde peut être classé "gentil" ou "méchant" ce qui fait perdre en crédibilité et en nuances. Je trouve que les personnages ne sont pas non plus tous utiles au déroulé des évènements, et je trouve dommage que la majorité soit stéréotypés.
Un autre point m'a un peu dérangé :  le sentimentalisme est un peu trop présent pour ce type de roman.
"Chaque fois qu'ils s'effleurent par mégarde, elle se met à trembler."
"C'est l'amour. Une maladie qui coule dans vos veines."
"Il avait envie de la prendre dans ses bras. de poser ses lèvres sur sa peau."
Qu'il s'agisse de la belle Elena qui succombe au charme du seigneur des lieux, trop souvent absent, de Ricker amoureux transi et défiguré, ou encore de Mans qui envisage de demander Rebecka en mariage, l'aspect fleur bleue donne une touche de légèreté pas indispensable.

J'avais trouvé l'atmosphère d'Horreur boréale tellement glaciale que j'ai été surpris du renouveau insufflé ici, l'humour étant même parfois présent, à doses homéopatique.
"On devrait voter des décrets pour éliminer les gnomes, les nains et autres trolls."
Indéniablement, durant les dix années qui ont séparé ces deux publications, Asa Larsson a su conserver l'essence de sa série tout en améliorant le suspense, la psychologie et le rythme puisqu'en dépit de quelques facilités, je ne me suis cette fois jamais ennuyé.

Un grand merci aux éditions Albin Michel et à Babelio qui m'auront permis d'avoir ce premier avant-goût de la rentrée littéraire.
Plus que 580 nouveautés attendues. Il va falloir faire quelques impasses.
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