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EAN : 9782246821571
464 pages
Grasset (12/11/2020)
3.17/5   9 notes
Résumé :
À la mort de sa mère Maria, Martin Brenner ressent certes de la douleur mais s’interroge aussi : il ne s’est jamais vraiment senti très proche d’elle. Il procède à la dispersion des cendres en suivant ses dernières volontés, met sa maison en vente, puis il compte reprendre le cours de sa vie, entouré par son épouse Cristina et sa fille Sara. Brenner est généticien et directeur d’un laboratoire, un homme discret et plutôt solitaire. Il s’estime heureux dans la vie.>Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique

Rares sont les romans qui contiennent autant de points d'interrogation. Sans doute parce qu'une question est au coeur du roman de Bjorn Larsson : comment est-on juif, question qui en implique tant d'autres que le roman se transforme parfois en essai pour tenter d'y répondre.

Tout commence avec la mort de la mère. Et la révélation pour Martin, généticien quinquagénaire, que sa mère est une rescapée d'Auschwitz, qu'elle a changé d'identité et s'appelait en réalité Gertrud, qu'elle a caché à tous et à son fils en particulier sa judéité , pour "lui donner la liberté de choisir qui il voulait être".

Martin peut donc choisir d'être juif ou pas. S'il ne révèle pas le secret de sa mère, il ne sera pas juif aux yeux des autres et pourra continuer son existence de bourgeois athée. Mais s'il annonce à son entourage que sa mère était juive, il accepte implicitement d'être juif puisque la règle établit que la transmission s'effectue par la mère. Or Martin est davantage tenté par une troisième option, qui lui permettrait d'affirmer son indépendance et de déclarer qu'il ne souhaite pas être juif, même si sa mère l'avait été. D'autant plus qu'il apprend qu'elle a également sacrifié sa vie de couple en refusant d'épouser le père de Martin qui était également juif.
Avant d'être philosophique puis culturelle, la réflexion de Martin est d'abord religieuse : " Lui-même ne croyait pas en Dieu, alors pourquoi devrait-il consacrer du temps à se plonger dans le judaïsme."

Ce qui rend le questionnement de Martin encore plus intéressant, c'est qu'il examine la question de l'identité sous l'éclairage de la génétique avec les réflexions qui l'ont déjà mené à l'écriture d'un livre sur le sujet. Ses travaux l'avaient déjà mené sur la piste d'une étude qui affirme qu'il n'existe pas de différences génétiques entre israéliens et palestiniens. Martin était convaincu de la justesse de cette étude, bien que certaines personnes aient simultanément lancé des projets de recherche "afin de trouver des gènes qui pourraient identifier les Juifs parmi d'autres groupes ethniques, et en particulier, de dresser un mur génétique entre les Juifs et les autres peuples sémites, surtout des Palestiniens."
C'est donc cette position qu'il défendra lorsqu'il interviendra au cours d'un colloque qui va bouleverser sa vie et celle de sa famille.
"Il affirma en conclusion que toute pensée selon laquelle l'identité et l'appartenance ethnique étaient fondées sur la génétique relevait de la pure idéologie et non de la science."

La deuxième partie du roman développe les réflexions de Martin qui va mener une étude approfondie sur l'histoire, la religion, la culture et l'identité juives. le lecteur est ainsi convié à partager les multiples références qui se disputent son attention. Levinas, Harendt, Sartre, Elie Wiesel, Primo Levi, Imre Kertesz et tant d'autres sont convoqués pour lui permettre d'éclaircir sa relation avec le judaïsme et consolider ses positions face à l'antisémitisme. ( la bibliographie de Martin est disponible à la fin du roman).

La part narrative braque en effet le projecteur sur le harcèlement vécu par sa fille de 11 ans suite à ses prises de position. Bjorn Larsson a volontairement émis de situer géographiquement son roman, ce qui lui permet de dénoncer la montée en puissance de l'antisémitisme dans de nombreux pays ( cette dénonciation a une résonance toute particulière aujourd'hui ).
Ce qui est terrifiant, c'est que à partir du moment où le mot "juif" fait son apparition dans la vie de Martin, sa famille se retrouve menacée. Sara est bousculée au collège, traitée de "sale enfant de juif" et le pire est à venir.
Avant même d'avoir pu faire un choix, Martin est déjà condamné par l'opinion publique et assigné à une judéité dont il ignorait tout. Si le prix à payer pour appartenir à une communauté est parfois élevé, celui qui refuse de l'intégrer se met davantage en danger.

Ce qui ressort de la position humaniste de Martin, inspirée de Hannah Arendt quand elle affirmait ne pouvoir aimer – ou haïr – aucun « peuple », que ce soit le peuple juif, américain, français ou prolétaire, mais seulement des individus, c'est qu'il ne se reconnaît pas dans "une identité juive" qui recouvre tellement de prises de position contradictoires et de décisions politiques et idéologiques qu'il désapprouve. Par contre, il réaffirme sans ambiguïté sa position contre l'antisémitisme qu'il combat avec la même conviction que le racisme, le sexisme ou l'homophobie.

Si je n'ai pas été convaincue par l'écriture de Bjorn Larsson que j'ai trouvée assez monocorde, le dilemme initial sur lequel est bâti le roman est d'une totale pertinence.
Le mélange entre réflexion philosophique sur l'exercice du libre arbitre et la fiction d'un homme en quête d'identité est parfois bancal, mais la troisième partie relève le défi avec brio.
En se confrontant à l'impératif " il faut savoir d'où on vient, pour savoir qui on est", Martin manifeste une profonde lucidité qui va l'amener vers celui qu'il veut devenir.

Ce livre exigeant trouve des résonances dans une actualité complexe et permet d'aborder le conflit entre Israël et la Palestine avec un point de vue argumenté. C'est donc en tant que tel qu'il mérite d'être abordé, loin de toute polémique.

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Tout dans la vie de Martin Brenner respirait le bonheur : une épouse aimante, une fille parfaite, bien qu'un peu trop gâtée, et un travail de directeur de laboratoire valorisant. Jusqu'au jour où sa mère meurt et où il apprend qu'elle était juive et survivante d'Auschwitz. le choix de Martin Brenner est de ne rien dire dans un premier temps à ses proches et de continuer comme si de rien n'était, ou presque. A partir de ce postulat, Björn Larsson, qui n'avait pas publié un roman aussi prenant depuis le cercle celtique, ne laisse aucun répit à son personnage qui va connaître une véritable descente aux enfers, en grande partie dû à ses erreurs. Au-delà du naufrage personnel d'un homme, généticien qui plus est, qui refuse sa judéité, l'auteur élargit le débat et traite des questions de l'identité, de l'appartenance à une communauté et du libre-arbitre, tout en évoquant les haines de notre époque : racisme, anti-sémitisme, homophobie, etc, à travers le regard des autres et les réseaux sociaux. A certains moments, le livre devient véritablement essai philosophique, nourri par les nombreuses lectures de Larsson, et l'excès de citations et de réflexions n'est pas loin de faire passer le récit lui-même au second plan. Mais il y a un point de bascule au 2/3 du livre, avec un changement de perspective, quand Larsson reprend les rênes et s'invite dans la narration. Livre d'une profondeur infinie, le choix de Martin Brenner semble passer inaperçu depuis sa parution de novembre. C'est dommage, il est de ceux qui enrichissent ses lecteurs, tout du moins ceux qui se demandent qui ils sont vraiment et si leur mode de vie est un choix ou suit un cheminement dicté par les conventions sociales.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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En raison du titre du livre et de la quatrième de couverture, j'ai avancé dans ce livre en attendant le moment où Martin Brenner allait faire son choix. C'est même ce qui m'a convaincue de le lire jusqu'à la fin, car l'écriture lisse et la vie du héros tout autant sans relief finissaient par me lasser. J'ai terminé ce livre, et Martin Brenner est resté campé sur sa position du début. 462 pages pour marteler sa position vis-à-vis de l'identité, qui pour lui peut tout à fait correspondre à la négation de l'existence d'une hérédité pourtant connue et prouvée, et même de l'hérédité tout court. Pour vous l'expliquer le plus clairement possible, voici la phrase que Martin Brenner répète tout au long du livre :
-" Ma mère est juive, mon père est juif, mais je ne suis pas juif."
Je précise tout de suite qu'il ne parle pas ici d'appartenance religieuse, et que l'exemple qu'il prend pourrait tout autant concerner n'importe quelle autre identité. Il ne supporte pas l'idée de ne pas être quelqu'un de "totalement neuf", si je peux m'exprimer de cette manière, il se veut quelqu'un construit entièrement de gènes et de sang "vierges". Et cette volonté est d'autant plus étrange (à mon humble avis) que Martin Brenner est présenté comme généticien, travaillant dans un centre de recherches ADN, qui finit par se passer de ses services.
Je conçois tout à fait qu'au nom de la liberté on veuille se construire l'identité qui nous convient, en rejetant celle que nous ont transmise nos ancêtres, mais j'ai des difficultés à concevoir qu'on puisse nier que des racines existent en nous.
Cela me paraît aussi absurde que si la fameuse phrase "La Palisse est mort, mort devant Pavie, un quart d'heure avant sa mort, il était encore en vie" devenait ici "La Palisse est mort, mort devant Pavie, un quart d'heure avant sa mort, je décide qu'il n'était pas en vie, parce que je suis libre de le faire." C'est-à dire que je refuse l'évidence.
Bon, c'est tout, j'ai deux autres lectures qui m'attendent, je dois moi aussi faire mon choix : commencerai-je par Sarnia ou par le code de Katharina ? Vous le saurez lors de mon prochain passage sur ce site !
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Même si Agata écrit que son histoire n'a pas de fin, la pensée sous-jacente à tout le livre est que l'identité d'un homme est définie par une époque, un lieu et des ancêtres dont on tire ses origines, par le point de départ et non par le but, par celui qu'on est et non par celui qu'on veut être et tend à être, par l'endroit qu'on quitte et non l'endroit vers lequel on se dirige. "Nous sommes un souvenir", écrit en toutes lettres Agata, "nous sommes ce dont nous nous souvenons." La manière d'Agata de considérer son identité est rétrospective, ce qui était étranger à Martin. Il ne pensait à lui qu'au futur, jamais au passé.
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Il ne buvait pas, ou tout au plus une bière lors des sorties et des fêtes d’école quand ses copains, en se vantant, buvaient leurs mélanges d’alcool maison en surjouant leur ivresse.
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