L'ouvrage d'un jeune artiste engagé, témoignage du coeur bouillant des hongkongais dans la tourmente !
En lisant "
Hongkong, cité déchue", on aimerait se dire qu'on se lance dans une énième dystopie, que ça va être parfois dur à lire mais aussi exaltant. Pourtant, les planches et les illustrations qui défilent sont bien réelles. Elles représentent la vérité de ce que les hongkongais ont vécu et vivent encore dans leur lutte pour leur droit et pour leur liberté.
L'auteur,
Kwong-Shing Lau, est un artiste né à Hongkong emmené jeune vivre au Japon par ses parents. A 8 ans, sa famille doit finalement rentrer en Chine et le jeune garçon connaît alors des brimades et des moqueries de la part de ses camarades comme de ses professeurs. Les stigmates de la guerre du Pacifique sont encore bien présents et les « bâtards de jap' » sont encore pris à parti. Ce qui le sauve et le tient hors de l'eau, c'est le dessin dont il a fait son métier
en grandissant et qu'il utilise à présent comme médium pour s'engager politiquement et pour témoigner. Nous avons beau nous croire loin de toutes ces violences, physiques et morales qui ont commencé finalement bien avant les manifestations de 2019 à Hongkong, nous devons nous rendre compte de la fragilité de notre monde libre. Au fil des pages, on ressent évidemment l'amertume et la douleur de l'auteur d'avoir observé directement ses concitoyens souffrir, se battre contre une police violente, sans scrupule et un gouvernement décidé à tout leur enlever, y compris leur vie. L'injustice bouillonne à l'intérieur, décrite dans le trait précis de l'auteur qui forme ses personnages et qui les remplit de traits griffonnés rappelant une colère à peine contenue.
Une première nouvelle raconte son propre parcours puis un ensemble de planches, appelées « Hongkong 2019-2028 » proposent une réalité spéculée étrangement proche de notre réalité. Kwong-Shing Law passe ensuite à des planches exprimant la "pause" du mouvement de protestation pendant le covid. Il nous rappelle les douleurs du personnel soignant, à bout de souffle réclamant désespérément un confinement de la ville. Enfin, une nouvelle intitulée "Flashback génération perdue" écrite en 2014 revient sur la jeunesse déjà bafouée qu'on privait d'espoir et de possibilité de s'imaginer devenir quelqu'un.
Ce jeune artiste fait preuve de beaucoup de courage en dessinant ces planches. Critiquer le gouvernement de Hongkong et aussi et surtout le PCC est aujourd'hui presque impossible. Or il est indispensable de se souvenir de la chute de Hongkong, de ce cri qu'a poussé toute une ville pour tenter de respirer, de conserver les libertés qu'elle possédait, malgré les coups, malgré la mort.