Avec
Sorbonne Plage,
Edouard Launet, journaliste scientifique, nous emmène en Bretagne et plus précisément sur l'Arcouest où chaque année se rejoignent artistes et grands scientifiques nobelisés tels que Pierre et
Marie Curie,
Charles Seignobos,
Jean Perrin, Louis Lapicque,
Anatole le Braz mais également leur descendance. Cette petite bourgade devient le théâtre, durant les quelques mois d'été, de têtes pensantes à l'apogée de leurs découvertes.
Tous ces grands noms de l'Histoire y font construire des résidences secondaires après être tombés en amour pour ce havre de paix. Ils s'y amusent en navigant, en créant des spectacles estivaux où chaque membre de cette grande famille a un rôle à jouer.
Le « groupe de l'Arcouest » ne se mêlent pas aux autres habitants à part le jeune Frédéric Joliot (gendre de Pierre et
Marie Curie) qui venant d'un monde moins bourgeois se plaît à rencontrer les habitants et pêcheurs de l'île.
Humanistes socialistes, dreyfusards (voir même peu à peu communistes), tous sont convaincus que la science peut apporter à l'humanité une paix certaine,
Pierre Curie dira « Je suis de ceux qui pensent, avec Nobel, que l'Humanité tirera plus de bien que de mal des découvertes nouvelles ». et il est bien dur de rentrer dans leur monde idéaliste.
Le reste de l'année, ils militent politiquement mais surtout ils travaillent avec acharnement sur les avancées scientifiques de l'uranium puis de l'atome.
Mais cette douce utopie virera au cauchemar dans les années d'après-guerre.
Ces scientifiques si brillants ne se doutaient-ils pas du danger encouru par de telles découvertes ? N'ont-ils pas été précurseurs dans le domaine de la fission atomique ? Certains d'entre eux n'avaient-ils pas auguré la catastrophe qui se profilait ?
C'est ce qu'
Edouard Launet nous démontrera tout au long de ce récit très bien documenté par des témoignages ou l'étude de documents provenant parfois mêmes de ces Arcouestiens.
Comment ces physiciens ont-ils pu laisser la bombe atomique voir le jour ? La fierté d'une telle avancée sera-t-elle plus forte que le remord ?
Edouard Launet ne nous écrit pas des tartines de formules, ni de procédés physiques, juste le nécessaire pour que nous puissions comprendre cette fabuleuse et dramatique aventure à laquelle les plus grands scientifiques, physiciens et historiens ont été à l'origine.
Nous voyageons à travers des photos en noir et blanc, des souvenirs de vacances remplis d'insouciance sur cette presqu'île. L'auteur nous plante le décor de ces avancées et nous distille peu à peu les prémices de cet holocauste que la bombe atomique provoquera sur Hiroshima.
Le récit nous offre de belles lignes : la plume d'
Edouard Launet se fait à la fois poétique et scientifique mais jamais le lecteur n'est noyé dans les explications. Et j'ai trouvé que c'était réellement un point fort pour cet ouvrage. On vogue entre deux époques celles des ancêtres (Pierre et
Marie Curie) et celle de la relève, celle de la première guerre et celle de la seconde, entre la France et les Etats-Unis.
Quelle ironie d'apprendre que tous militaient pour la paix, tous étaient humanistes voir même anti-armes nucléaires. Tous étaient bercés d'idéalisme et pourtant leurs travaux ont servi à créer une arme de destruction massive alors qu'ils étaient conscients des dangers de telles découvertes.
Sans parler de la dernière partie où l'auteur aborde la culpabilité qui a rongé ces chercheurs et universitaires après l'explosion. Où il nous emmène au Japon pour nous retracer l'horreur vécue par les habitants d'Hiroshima. Rien n'est laissé au hasard et la douleur qui s'en dégage parvient à nous glacer le sang.
J'ai aimé l'écriture fluide, les paysages, et j'ai adoré rentrer dans l'intimité de ces physiciens, en apprendre davantage sur ses illustres personnages et sur leur vision du monde.
Merci à Babelio et aux éditions Stock qui m'ont offert une belle découverte dans le cadre de l'opération Masse Critique.
Lien :
http://livresselitteraire.bl..