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Critique de Gwen21


Gwen21
12 décembre 2013
Juste excellent ! Cette chère Caroline est tout simplement impayable !

Voici, avec ce premier tome de "Caroline Chérie" de Jacques Laurent, alias Cecil Saint-Laurent, les débuts dans la vie trépidants d'une héroïne pareille à aucune autre. Au placard les angéliques oies blanches se rebellant contre l'autorité parentale pour échapper à un mariage arrangé, et prétendant ne vouloir vivre que d'amour et d'eau fraîche, en perpétuelle quête d'idéal.

STOP !
(bruit du disque qui se raye)

PLACE, mesdames et messieurs, a une héroïne qui n'écoute que son instinct et son naturel égoïste, une jeune femme honnête avec elle-même bien qu'elle connaisse des périodes de doute et de remords, et prête à tout tenter, pourvu que ces heures soient douces et qu'elle puisse... dormir ! Oui, autant vous l'avouez, Caroline dort beaucoup, enfin, à dire vrai, elle a le même besoin de sommeil que vous et moi (encore qu'on puisse admettre qu'elle en ait davantage besoin étant donné l'aspect aventureux de son existence), mais cette faculté à s'endormir environ tous les jours peut déconcerter les lecteurs plus habitués à des héroïnes qui bien que sortant des pires situations restent fraîches comme des roses, sentent merveilleusement bon et sont prêtes à s'abandonner au chaste baiser de leur prince charmant accouru à leur secours.

Non, ici, rien de toute cette poésie ; l'auteur a pris au contraire un malin plaisir à dépeindre avec beaucoup d'humour, un brin de misogynie (première parution en 1947) et un regard sans concession sur la nature humaine, un caractère à la fois héroïque (je n'aurais pas voulu être à la place de Caro) et terriblement terre à terre et pragmatique. Caroline n'a qu'une ambition dans la vie : être libre ! Cette liberté que les jacobins revendiquent à coups de guillotine, Caroline en a fait son idéal avant qu'éclatent les troubles révolutionnaires même s'il ne se drape pas dans la noblesse d'une révolte politique. Non, Caroline veut être libre simplement parce qu'elle a compris très tôt qu'une femme en 1789 est un être prisonnier, ballotté du foyer de ses parents à celui de son mari, d'un couvent aux bras d'un amant et qui n'a aucun libre-arbitre (à moins d'être princesse et/ou immensément riche). Alors oui, elle est super méga égoïste, Caroline, et elle n'a aucun sens de l'honneur ; elle semble le plus souvent dépourvue de compassion pour son prochain et pourtant elle aime la vie, elle aime l'amour, elle aime la liberté, elle est d'ailleurs très douée pour tout ça. Alors, oui, je peux comprendre que Caroline puisse paraître méprisable à beaucoup mais, personnellement, moi, je la trouve impayable.

La Révolution Française puis la Terreur qui servent d'écrin à ce petit bijou romanesque sont traitées par l'auteur avec une réelle connaissance du contexte historique et sociologique. A ceux qui souhaiteraient plus d'érudition, je leur ferai gentiment remarquer qu'ils se sont trompés de porte et qu'ils feraient mieux de pousser celle de "La Révolution" de l'excellent Robert Margerit. Là, ils auront tous les détails de la fuite du roi à Varennes.

Revenons à Caroline, cette jolie chipie. Dans ses aventures, rien de rocambolesque, tous les événements qu'elle vit sont les reflets fidèles de ceux vécus par les ci-devant aristocrates lorsque la monarchie absolue a vacillé pour finalement s'effondrer. Parole d'historienne, cette lente prise de conscience qui pénètre mois après mois, épreuve après épreuve, des esprits habitués depuis des siècles à dominer ou à se soumettre est parfaitement retranscrite par la plume précise et efficace de l'auteur.

Cette héroïne très humaine (visiblement trop humaine au goût de certains), un peu nymphomane (il faut bien l'avouer), décrite par son auteur comme sempiternellement "vibrante de désir, assoiffée de volupté" et par son amant comme "inutilement sotte et méchante, sans aucun tact ni délicatesse" n'arrive pourtant pas à sombrer dans une noirceur totale pour devenir une sorte de Milady de Winter. Non, elle reste ce qu'elle est, une éternelle amoureuse, vouée à s'illusionner, à papillonner, à faire de mauvais choix, d'autres plus judicieux et, au final, à faire tout son possible pour sauver sa peau, tirer son épingle du jeu et continuer sa route. En aurions-nous fait moins à une telle époque ?

"Caroline Chérie"... ce titre, quelle charmante ironie ! Il est tellement jouissif de détester Caroline qu'on finit par l'adorer !
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