Merci Babelio et les éditions de l'Archipel de m'avoir fait découvrir Caroline Chérie.
Lorsque j'ai découvert le résumé, une jeune fille lors de la révolution française qui va connaitre une initiation amoureuse, j'avoue que je m'attendais un peu à une histoire du type de celle d'Angélique ou des romans de
Juliette Benzoni. Un peu moins quand j'ai reçu le livre et que j'y ai vu la mention « une grande fresque historique et libertine ».
Caroline est une jeune fille de la noblesse provinciale, pauvre mais vivant bien sur ses terres, proche des petits paysans malgré les réticences de sa mère et de sa gouvernante. Seulement ses parents décident de tenter leur chance à la cours en cette belle année 1789 (mais quelle idée ?!!) et là les désillusions commencent entre le manque d'argent, les problèmes politiques qui ne sont guère favorables à l'établissement d'une nouvelle famille de courtisans et l'orgueil de caste démesuré de sa mère. Mais Caroline vit tout cela de très loin du haut de ses 14 ans, elle n'a en tête que les robes, les fêtes et la recherche du plaisir. C'est lors d'une fête qu'elle rencontrera Gaston de Salanche, jeune libertin de 20 ans qui tentera de la séduire. Si au départ le contexte historique peut justifier la cour du jeune homme malgré la différence d'âge, très vite le jeune homme apparait sous un jour moins plaisant avouant lui-même que c'est un jeu pour lui et ses amis. Toutefois la conquête de Caroline ne se révèle pas si ardue car la jeune fille, au mépris des conventions, de son éducation et du bon sens, s'offre à lui très simplement. le jeune homme renonce toutefois alors qu'il touche au but, touché par la naïveté et l'ardeur conjuguée de la jeune fille. Nous sommes le 14 juillet 1789 et les évènements vont séparer les jeunes gens. Caroline dès lors n'aura de cesse de retrouver Gaston même si les évènements l'obligeront à se marier à un grand bourgeois
Georges Berthier, membre de la convention, se mettant ainsi à l'abri de la guillotine, temporairement du moins puisqu'il est lié au parti girondin, jetant ainsi sa famille sur les routes dès que la terreur s'installera.
Caroline n'est pas une héroïne que l'amour pour Gaston portera au-delà des épreuves. Non, il s'agit d'une jeune femme que j'ai eu du mal à trouver sympathique, elle est égoïste, frivole, imbue d'elle-même, jalouse, assez sotte… Mais en même temps ingénue, vivante et bien plus réelle qu'un personnage « parfait » . L'attachement vient du fait qu'elle parait plus réelle, moins formatée pour plaire. Pour elle les évènements de son époque ne sont que des désagréments dans sa vie qui l'empêchent de trouver le bonheur. Les hommes et les femmes qu'elle croise ne sont que des figurants dans sa vie, ses attachements, parfois violents, sont aussi vite oubliés dès que le destin les éloignent de sa vue. Elle ne vit sa vie que pour son plaisir, n'hésitant pas à sacrifier des vies pour sauver la sienne, pour sa vengeance personnelle même parfois.
Sa beauté en fait un objet de convoitise pour les hommes qu'elle croise, et parfois même pour les femmes. Elle jouera de son corps pour obtenir ce dont elle a besoin, par calcul au départ, par plaisir et besoin de plaire ensuite. D'un naturel très sensuel, son mariage la décevra beaucoup sur ce point. Son mari l'ayant plus ou moins abandonnée aux dangers de la capitale, la laissant parfois dans des situations dangereuses, elle s'en servira d'excuse pour s'offrir à son amant. L'amour que se portent les autres autour d'elle lui apparaissant comme une insulte, elle n'aura de cesse d'attirer les hommes à elle, l'auteur lui prêtant des intentions particulièrement immorales mais rendant les hommes très faibles face à son corps. le roman prend dès lors un tour très libertin et Caroline apprécie autant de séduire que d'être séduite ou de subir des situations dégradantes. Elle justifie toujours ses « écarts » par la nécessité à laquelle les temps troublés l'on réduite, ne se sentant nullement coupable des conséquences de ses actes. La société, les hommes et leur désir de domination, de violence sont pour elle ses ennemis puisqu'elle ne recherche que l'amour, le bonheur et le plaisir. D'une conception assez nature, presque rousseauiste, elle déplore de ne pouvoir vivre en une époque qui lui aurait permis de mener la vie qui lui est due, si possible entre Gaston et George qu'elle aime parfois également.
Gaston et Georges, comme tous les hommes que croisera Caroline, n'ont rien du prince charmant, l'un est libertin, l'autre obnubilé par sa vie politique délaisse sa femme, la met en danger. Encore une fois, les personnages sont complexes dans leurs sentiments, loin d'être parfaits mais moins précisés que Caroline puisqu'on ne les découvre quasiment qu'à travers sa vision. Leurs actes ne sont pas toujours expliqués par leurs intentions mais par celles que leur prête Caroline dans son égocentrisme, incapable d'admettre les difficultés réelles dans lesquelles ils se débattent, elle ne voit que les conséquences pour elle et les soupçonnent de les avoir souhaitées sinon provoquées.
Le contexte historique est assez éloigné de l'histoire qui s'étale de 1789 à 1794 sans mentionner la mort du roi, pas de grands noms dans les personnages, mis à part
Robespierre ou Charlotte Corday mentionnés dans les auberges, pas de grand évènement auxquels elle prendrait part. La révolution est vécue de loin, mais d'une façon plus humaine : les conditions de détention dans les prisons, la corruption qui règne dans le système, les délations sous n'importe quel prétexte… Caroline placera mal sa confiance parfois, ou récompensera bien mal ceux qui l'auront aidée mais en ces temps où sauver sa tête est une priorité pour chacun, qu'en est-il de la compassion, de la solidarité ? Peut-on jeter la pierre à Caroline pour avoir préférer sauver sa vie dès qu'elle en trouvait l'opportunité ou au contraire l'admirer de réussir à mener sa barque en rejetant les remords.
Les personnages secondaires sont très éclectiques: cachant les proscrit ou au contraire les dénonçant, essayant de faire chanter les fuyards, opportuniste, s'enrichissant sur le dos du système... écrit après guerre, il est difficile de ne pas y voir les travers des français occupés, collaborateurs, profiteurs de guerre ou résistants...
L'écriture est agréable, jamais lourde, qui fait que les presque 600 pages du romans sont très vite avalées et que je me demande si je ne vais pas aller chercher le tome 2 avant de dénicher les films…