Chaque jour, la mode me prodigue, comme à vous, sa ration d'écrits et d'enseignements. Des doctrines plus ou moins nouvelles se côtoient, s’enchevêtrent ou s'affrontent. Toutes veulent convaincre ou séduire. Toutes m'invitent à prendre leur parti, comme si j'étais à même de me faire une opinion sur elles ! Les inepties qu'il m'arrive d'entendre à propos de l'étroit domaine dans lequel je me situe [La psychanalyse] me retiennent d'y aller des miennes sur ce qui ne m'est pas familier.
S'il m'est difficile d'accepter ce que je ne peux pas comprendre, il ne m'est pas plus facile de comprendre ce que je ne peux pas accepter. Le ramassis disparate qui a finit par s'implanter dans mon esprit m'impose des façons de voir qui m'engagent dans des combats, si ce n'est des croisades, dont je ne peux éviter d'être la recrue obstinée.
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Si « je » est un autre, « je » est bien plus encore un piège. Il y a peut-être des bénéfices à croire qu'on est ce qu'on pense et qu'on est pas ce qu'on ne pense pas. De cette courte vue, source du refoulement, il résulte pas mal de servitudes. La fierté et la culpabilité ne sont que des moindres maux, au regard de l'énorme résistance à changer : changer d'idées serait perdre toute identité.
Quel malheur que les voies de l'instinct maternel ne soient pas plus impénétrables, parce que nos première expériences du monde commencent avec ce qui nous semble faire réagir notre mère. Comment ne garderions-nous pas en nous la trace de cette emprise première ? Fasse la chance que nos interlocuteurs ultérieurs ne nous encouragent pas à réactualiser ces pénibles offrandes, et particulièrement l'analyste en se montrant trop sensible à nos souffrances, même à celles qui nous ont conduit chez lui.
Que le mot d'esprit, s'affranchissant des contraintes habituelles du discours, de la raison et du sens, puisse par cette émancipation même taper dans le mille du discours, de la raison et du sens, voilà qui dérange le belle ordonnance qui paraît gouverner le fonctionnement de l'intellect !
Lorsque ce qui est refoulé approche de la conscience, c'est pour rencontrer ce qui l'interdit. Ce qui se donne ainsi à penser pourra se faire accepter sous la forme de son rejet.
Ce qui assure la continuité de l'organisation mentale ne pérennise pas moins ce qui est préjudiciable que ce qui est profitable.