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Critique de LivresBouddhistesZuiHo


Un excellent commentaire et une traduction « chinoise » du Manuel d'éveil de Śāntideva !



J'ai déjà parlé du texte étudié en question, magnifique et indispensable, que tout bodhisattva qui se respecte se doit de lire, relire, et relire toute sa vie : Shântideva – Bodhicaryavatara : la Marche vers l'Eveil
Voilà ici un ouvrage d'érudition – c'est publié par Cerf, tout de même, dans sa collection Sagesses d'Asie – qui pourtant pourra être saisi, approprié pour qui est familier du texte-racine de Śāntideva.
Alexis Lavis disserte et marie vaillamment philosophies occidentale et orientale, comme il le fait par ailleurs dans ses nombreux travaux sur les spiritualités et religions asiatiques, dont il est spécialiste.
L'auteur-traducteur fait ainsi appel à la phénoménologie pour dialoguer avec Śāntideva, qui nous apprend lui à « marcher vers l'éveil ». C'est donc un « beau bébé » ou « du beau bestiaux » que l'on tient ici entre les mains, soit 546 pages. Impossible de le lire rapidement, ni de le comprendre dès la première lecture (du moins pour moi).

le texte-racine de Śāntideva ouvre déjà à d'immenses réflexions, et Alexis Lavis vous donnent les siennes pour vous éclairer. C'est donc un opus magnum à savourer lentement, à mûrir, à réfléchir, et qui permet de comparer la traduction d'Alexis Lavis, avec celle du comité Padmakara ou celle de Georges Driessens. Vous en aurez donc pour votre argent (heureusement !).
Heureusement, car si ce n'était pas de qualité, il ne serait pas édité par Cerf, et puis ce serait de l'argent gaspillé. Toutefois, avant de l'aborder, je vous suggère fortement de lire au préalable les deux versions précitées, car ici, la valeur ajoutée, vient surtout du gros commentaire, de l'épais développement philosophique d'Alexis Lavis, de ses notes aussi au sujet d'un texte indien du Mahâyâna qu'il traduit et donc, se fait sien, et qu'il propose à tous – périlleuse aventure, il faut l'avouer, surtout en s'attaquant à un tel monument de la littérature bouddhique.

« L'Exposition des pratiques d'Éveil » de Śāntideva (VIIIème siècle), il faut le rappeler, discourt de la nature de la réalité et surtout des perfections (paramita) bouddhistes que doivent mettre en pratique les Bodhisattva afin de leur permettre de montrer le chemin, la marche vers l'Eveil aux simples bouddhistes. Les bodhisattva se sont, en principe, dévoués à guider vers l'éveil ceux qui le désirent, sans y entrer eux-même (je me suis toujours posé la question, à l'instar de Dôgen, comment pouvait-on parler d'une chose que l'on n'a pas soi-même connu ?).

Que trouve-t-on donc, lorsque l'on désosse le monstre de sagesse que représente le Bodhicaryâvatâra de Śāntideva, commenté par Alexis Lavis ?
Cet ambitieux ouvrage préfacé par Michel Bitbol est composé de deux parties :
– La première est une « présentation et interprétation philosophique, linguistique et phénoménologique du Bodhicaryâvatâra de Śāntideva ». L'auteur dresse d'abord les portraits du Bodhicaryâvatâra et de Śāntideva; puis replace dans la littérature mahâyanique le Bodhicaryâvatâra (partie que j'ai adoré); puis Alexis Lavis situé cette fois-ci Śāntideva comme représentant de l'école Madhyamaka et présente cette dernière (partie purement philosophique); le chapitre 4, forme le coeur de la réflexion d'Alexis Lavis : c'est en effet « la conscience à l'Épreuve de l'Eveil : sens et portée de l'expression bodhicitta » (l'Esprit d'Eveil); le dernier chapitre porte enfin sur les 6 grandes paramita du bodhisattva, ce qui là aussi, m'a particulièrement plu à lire.
– La seconde partie est simplement la traduction, avec le texte sanskrit romanisé en regard, sur presque 200 pages, de « L'exposition des pratiques d'Eveil » de Śāntideva. Celle-ci n'est point comme les autres que je connaisse; cette traduction d'Alexis Lavis manque selon moi de la poésie tibétaine : cette nouvelle traduction se révèle plus âpre, plus pragmatique, et proche de traductions chinoises et donc de la pensée chinoise; j'ai ressenti cela fortement et dès les premières lignes (peut-être Alexis Lavis est-il trop pétri d'esprit chinois et pas assez d'esprit indien, pour traduire un texte tellement rabâché par les bouddhistes tibétains – je pose la question). Cela n'en fait pas pour autant une mauvaise traduction, mais elle est simplement inhabituelle, quand on a justement l'habitude de lire des traductions du tibétain vers le français. Alexis Lavis nous donne ainsi à lire et comprendre autrement, du point de vue chinois dirais-je, passé au tamis de la philosophie française, ce magnifique texte de de Śāntideva.

Que penser en fin de compte de cette oeuvre d'Alexis Lavis ?
Rien de mauvais, mais des surprises : une approche phénoménologique de la philosophie indienne, et une traduction d'une pensée indienne qui passe sous le prisme d'une indéniable et indécrottable façon de « penser chinois ». L'ensemble forme deux ensembles, deux parties quelque peu distinctes, fonctionnant selon deux mécaniques différenciées, mais bien huilées. Peut-être également manque-t-il la ferveur bouddhiste, l'auteur reconnaissant être un ermite, un solitaire, « un bouddhiste d'université »(?), non rattaché à une sangha (et qui n'agit pas non plus en bodhisattva dans la vie civile ? Je ne sais pas).
Il faut donc tenter l'aventure de cette lecture, surtout si vous aimez de Śāntideva et son Bodhicaryâvatâra.

Excellente lecture !

Zui Ho.
Lien : https://livresbouddhistes.co..
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