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Critique de Enroute


Pour Françoise Lavocat, les frontière entre le réel et la fiction n'ont jamais été aussi nettes que depuis que l'on prétend les avoir fondues. La marque en est le nombre de passages de frontières dans la fiction contemporaine : des auteurs interviennent dans leurs oeuvres, des personnages apparaissent dans des oeuvres où ils suivent d'autres aventures et rencontrent des personnages issus d'autres oeuvres, des personnages de fiction prétendent faire irruption dans le monde réel... Tous ces cas mélangent la nature profonde de ces entités : entités réelles (ou référentielles) avec des animaux fantastiques (licornes ou centaures...) et personnages de fiction (voire entités divines, etc.). le plaisir que nous tirons de ces mélanges et la preuve de la conscience que nous avons du passage d'une frontière, celle entre la réalité (perçue par chaque lecteur comme ontologiquement homogène) et la fiction (qui mélange les natures des entités qui y sont présentées).

Envisager la fiction comme un monde possible qui autorise précisément la rencontre d'entités ontologiquement différentes permet à la fois de se représenter l'"immersion fictionnelle" - le fait de se "plonger" dans un roman - et d' expliquer la raison pour laquelle nous sommes si indulgents vis-à-vis des incohérence du monde fictif - les paradoxes y sont plus que nombreux, mais cela nous amuse justement de trouver des solutions à leur résolution. Un monde possible dont les paradoxes ne s'expliquent pas reste inaccessible : nous ne nous y "plongeons" pas. C'est pourquoi les fictions ne peuvent prétendre modifier nos croyances que de manière limitée : nous sommes sensibles à des évolutions d'une logique habituelle, mais nous refusons d'entrer dans une fiction qui modifie en profondeur les structures de nos certitudes.

S'il faut trouver des explications à l'existence de la fiction et du plaisir qu'on y prend, on pourrait dire qu'il s'agit de la conscience de l'existence de vérité supérieure à la réalité qui ne trouveraient à s'appréhender que sous une forme imaginative (la fiction se rapproche alors de l'origine des textes religieux). Mais dans l'omniprésence de ce thème du passage d'un monde à un autre (métalepses) peut-être faut-il voir la représentation du seul passage que nous sommes assurés de faire : celui du monde des vivants à celui de l'au-delà. A moins que l'immersion fictionnelle, grâce à la fiction représente l'opération cognitive, avérée scientifiquement, de la mobilisation de notre mémoire sémantique (des concepts) à la place de notre mémoire épisodique (celle de notre vie). Ou les trois. le monde de la fiction, en annihilant notre capacité d'action (ce qui permet de différencier une activité non fictionnelle, qui requiert une action, comme les jeux vidéos, d'une activité fictionnelle), pourrait expliquer la démultiplication de nos émotions : les fictions nous émeuvent plus que la vie réelle car notre émotion à la lecture d'une fiction ne trouve pas d'échappatoire dans l'action, contrairement à la vie réelle.

Quoi qu'il en soit, Françoise Lavocat défend et soutient que le monde de la fiction existe, qu'il a précisément pour fonction première de donner une existence à tous les non-existants, qu'il possède en conséquence sa propre ontologie. L'irritation contemporaine de la diffusion du storytelling et du galvaudage des récits référentiels serait la preuve de notre capacité spontanée à matérialiser la différence entre la réalité et la fiction et à exiger que celle-ci soit respectée.

Toutes ces réflexions reposent, in fine, sur le fait que soit décrété quelque part ce qui est "faux" et ce qui est "vrai". Mais qui le décrètera, sinon une autorité quelconque ? L'université par exemple ?... ou le Vatican, une mosquée, un Rabbin ?..... Voilà tout le problème de la réflexion qui est menée ici et qui montre ses limites il faut "croire" en une autorité ultime qui sépare le "vrai" du "faux" pour tenir que soit valables toutes ces idées un peu sommaires et superficielles...... La lecture, d'un roman, d'un manifeste politique, ou d'un fait historique reste de l'ordre du langage, où manque toute ce qui se ressent... Heureusement, reste de ce magma assez confus l'idée que tout texte doit s'analyser selon les métalepses, le paradoxe et le désengagement de l'auteur... où tout l'ensemble de l'énoncé s'effondre dans l'idée que l'autorité judicatrice... c'est vous !
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