J'adore le style de
D. H. Lawrence. Un écriture musicale qui produit son effet, même sous sa forme traduite, car il utilise un effet assez peu usité en littérature, qui confine à la scansion et qui consiste à dédoubler les fins de phrases, figure de style connue des spécialistes sous le nom d'« épiphore », mais si l'on ne se souvient pas du terme, ça n'a probablement pas beaucoup d'importance.
Cette mécanique d'écriture crée un rythme particulier, très agréable à mes oreilles et que je prends chaque fois plaisir à retrouver dans les écrits de l'auteur. Toutefois, un style n'est pas tout et, s'il en faut venir aux choses qui fâchent un peu, j'ai été globalement moins convaincu par
le Renard que par d'autres livres de David Herbert Lawrence.
Dans l'Angleterre post-Première guerre mondiale, deux jeunes femmes forment un « couple » de fermières quelque peu atypique, surtout pour l'époque. L'auteur ne nous dit jamais que March et Banford — c'est ainsi qu'il les désigne la plupart du temps — ont une relation homosexuelle, mais on le devine sans peine.
Les deux femmes (approchant la trentaine) ont réuni leurs économies afin de reprendre la ferme de Bailey, un vieil homme décédé trois ans plus tôt. Celle-ci se situe quelque part dans la proche banlieue nord de Londres, un espace aujourd'hui urbanisé, mais qui, il y a un siècle, ne l'était pas encore, non loin du quartier d'Islington.
Jill Banford est frêle, souffreteuse, tandis que Nellie (Ellen) March, bien que féminine, est bâtie comme un maître autel. C'est Banford et sa famille qui ont apporté la majeure partie du capital, mais c'est March qui effectue l'essentiel du travail physique de la ferme. Les affaires, toutefois, ne sont pas extraordinairement florissantes car, ayant renoncé au gros bétail, les deux fermières ont tout misé sur les poules, lesquelles poules sont affreusement sensible au…
… renard !
Ajoutons à cela qu'un beau jour, un soir, même, pour être précis, un certain Henry Grenfel s'en vient frapper à la porte sans y avoir été invité. le temps est exécrable, et le jeune homme, trempé sous sa capote, se retrouve tout étonné de ne pas découvrir son grand-père dans la maison. C'est en réalité le petit-fils du vieux Bailey décédé trois ans plus tôt.
Que va faire cet encombrant visiteur ? Quelle relation va-t-il se nouer entre lui et elles ? Qu'adviendra-t-il du renard ? Mais, au fait, qu'est-ce qu'un renard ? Ces interrogations, et tant d'autres, auxquelles je me refuse à répondre sous peine de déflorer l'oeuvre, trouveront réponse si vous décidez de passez à la lecture.
Il me reste toutefois à souligner que le but littéraire est moins net, moins maîtrisé, me semble-t-il, moins efficace, peut-être, ici que dans d'autres réalisations de l'auteur. L'anthropomorphisation du renard et l'animalisation de certains personnages m'ont un peu dérangé, car j'ai trouvé le procédé un peu trop voyant, un peu trop insistant, alors que c'était beaucoup plus subtil dans L'Étalon, par exemple, du même
D. H. Lawrence.
Au demeurant, je ne suis pas certain d'avoir vraiment compris le sens qu'a voulu donner l'auteur à cette oeuvre. En somme, artificialité, défaut de sens et équilibre général un peu défaillants sont venus altérer mon plaisir dans la réception de ce court roman, mais qui reste, je tiens à le souligner, tout de même agréable à lire, notamment par ce fameux effet de style que j'évoquais plus haut.