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Critique de Penda


Faire rire est bien plus difficile que faire pleurer, tout le monde l'admet désormais. Désirant découvrir les secrets du cinéma comique, je me suis plongée dans cet ouvrage qui décortique jusqu'à l'os le film "Le Pigeon" (I Soliti ignoti), chef-d'oeuvre impérissable de Mario Monicelli.
L'auteur du livre, Loig le Bihan, est un spécialiste et professeur en études cinématographiques, son analyse est publiée par des éditions universitaires. L'éditeur annonce l'objet de la collection : "un laboratoire théorique des films et des idées..."

Dans un premier temps, la lecture s'avère ardue malgré les nombreuses explications des concepts et les multiples notes de bas de page, il faut s'accrocher. L'ouvrage étant très riche, j'ai mis la focale sur la dimension presque "policière" adoptée par Loig le Bihan qui confronte : paroles, documents, montage final et réception critique déduisant ainsi des hypothèses et des explications sur cette production aux multiples facettes. Il nous invite à dépasser l'évidence et à voir autrement cette soi-disant farce en plongeant dans les arcanes de sa genèse et même aux tréfonds des cultures séculaires qui sont à l'oeuvre.

Pour tout admirateur du cinéma italien, le postulat de départ est très séduisant : "Le Pigeon" est une réussite comique certes mais surtout une création énigmatique dont on n'est pas sûr d'avoir dévoilé tout le mystère à la fin du livre. Cette intuition est exprimée dès le lancement du film en 1958 par un critique de cinéma : "I Soliti ignoti" n'a pas de prétention à l'art, il veut seulement être un film commercial décent, et, à partir de telles intentions honnêtes, il devient beaucoup plus que ce qu'il prétend." Et l'universitaire ajoute : "L'énigme de ce "beaucoup plus" m'a longtemps interpellé." (p.151).

On peut donc envisager le travail de Loig le Bihan comme une quête où il passe au tamis les différents aspects de l'inventivité contemporaine de cet opus : Néoréalisme ; géographie de Rome ; Rome antique ; archétypes de la commedia dell'arte ; langues dialectales... Ainsi sont rapprochés parmi d'autres : l'apport d'une nouvelle d'Italo Calvino ; le symbole d'un plat du pauvre comme les pâtes aux pois chiche et... la "Domus Aurea", maison dorée de l'empereur Néron !

Le chapitre "Figure Grottesche" (p.121) est particulièrement captivant. L'auteur approfondit toutes les dimensions humaines de l'entreprise : la volonté de traiter du sous-prolétariat ; l'invention des personnages, l'implication du casting en "or massif" : Claudia Cardinale, Vittorio Gassman (imposé par Monicelli) ; Marcello Mastroianni, Renato Salvatori et Toto ! Par exemple, l'analyse de la conception et de l'évolution d'un des comparses : Capannelle (joué par Carlo Pisacane), rend toute son humanité à ces "bras cassés" ("Soliti ignoti") qui sont tout sauf des fantoches. N'est-ce pas le facteur humain qui est la clef de la réussite de la "comédie à l'italienne" ?

La proposition n'est pas faite par l'auteur mais je pense que ce livre doit se lire en regardant le film. Passer de l'un à l'autre enrichit l'expérience et double le plaisir.
Je remercie vivement Babelio et les Presses Universitaires de Lyon pour m'avoir permis de lire cet ouvrage.

De cette traversée que je recommande (en se munissant d'un matériel approprié : crayon, surligneur, voire dictionnaire) je ressors enrichie par cet effort intellectuel et pour paraphraser Hugh Grant (l'homme qui tombe à pic - s'interroger sur le double sens que pourrait revêtir cette expression), ce voyage fût : "surreal but nice."



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