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EAN : 9782021337563
224 pages
Seuil (12/01/2017)
3.58/5   48 notes
Résumé :
« Je ne peux pas t'expliquer pourquoi, pas maintenant, mais sois patient, je te raconterai dès que j'aurai trouvé les mots. J'ai besoin de respirer, encore un peu, un autre air que celui, étouffant, de l'été 1984, celui que j'avais refoulé et que j'ai retrouvé dans une salle de la prison de Nantes, il y a trois semaines ».

Deux nuits ont bouleversé la vie d’Hélène à 30 ans d'intervalle, la troisième, à la veille d’un procès, sera peut-être enfin celle... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (24) Voir plus Ajouter une critique
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« La barbarie a toujours des traits humains, c'est ce qui la rend inhumaine. » H. Mankell

Lorsque je commence un livre, j'évite de lire la quatrième de couverture, le contenu des critiques (je ne lis que la fin pour savoir si le livre a été apprécié ou non) et ne veux rien savoir de l'auteur. Suspense total.
Alors, pour ce livre, évidemment, ce qui m'a frappée, c'est la justesse des sentiments, l'expression d'une profonde et réelle souffrance : j'ai tout de suite pensé que tout cela était du vécu, que je lisais le témoignage d'une femme violée.
Hélène Duteuil, la narratrice, enfermée dans une chambre d'hôtel près du Palais de Justice de Grenoble est appelée à comparaître.
Le 14 juillet 1984, alors qu'elle était monitrice dans un camp de vacances pour adolescents, elle a vécu le pire : une destruction totale, absolue, complète, un acte dont personne ne se remet même avec le temps, une annulation de soi-même : un viol.
Mais, au lieu d'en parler, de peur d'être considérée à vie comme une victime, de crainte de devoir raconter sans cesse cette histoire terrible et de la revivre à travers les mots, elle s'est tue : « L'oubli est une stratégie de survie, un processus sélectif et dynamique, un choix imposé d'obscurité sur une partie de sa mémoire, suivi du mensonge qui pose les bases d'une autre réalité, plus facile à digérer. J'ai passé ma vie à tout contrôler pour éviter le raz de marée, à mettre en place une histoire instinctive et chaotique, à inventer le quotidien de ma prison en créant un personnage de « survivante » qui impose silence et respect, mais aujourd'hui ça m'explose à la gueule. », « Maintenant que tout a resurgi, je peux affirmer que la mémoire est un champ de bataille. L'oubli est un meurtre et, qu'il soit conscient ou inconscient, il fait toujours des dégâts. »
Hélène a maintenant 47 ans, elle est une femme écrivain renommée et, lors d'un salon littéraire, elle a rencontré Léo, jeune romancier, qu'elle doit retrouver à Paris. Elle sait que Léo vit en couple et Hélène préfère s'effacer. Pourtant, celle qui ne s'attache à rien ni à personne semble éprouver des sentiments sincères. Pour une fois. Elle lui écrit une très longue lettre pour lui expliquer qui elle est et ce qu'elle a vécu.
Alors, elle raconte la douleur qui a refait surface à l'occasion de ce procès : « j'ignorais que ma douleur n'avait jamais été digérée et que, à mon insu, elle ne faisait que suivre au ralenti la trajectoire d'une balle qui transperce le corps, jusqu'à la sortie. » La jeune femme a vécu ce que l'on appelle « un refoulement », « un processus actif qui maintient hors de la conscience les représentations inacceptables ». « le cerveau met les souvenirs « de côté » en créant une amnésie dissociative : je m'étais retirée de l'équation en me dissociant de l'acte que j'avais subi. » On pense avoir presque oublié alors que tout reste dans un recoin du cerveau prêt à exploser. Une vraie bombe à retardement. Les mots de la narratrice sont forts et m'ont bouleversée. Je comprenais que l'auteur avait vécu tout cela, certains mots ne trompent pas.
Et pourtant, Qu'il emporte mon secret est un roman comme l'indique la page de couverture. Effectivement, c'est un livre construit comme un thriller, qui tient son lecteur en haleine et dont la révélation finale m'a fait douter de ce que j'avais cru comprendre auparavant. J'ai dû faire marche arrière pour relire certains passages … je n'en dis pas plus, évidemment…
Finalement, ce que nous dit cette oeuvre, c'est qu'à la destruction de soi commise par le viol s'ajoute la destruction de soi perpétrée par le silence, le non-dit : même si c'est dur, même si, sur le moment, on a l'impression que l'on va y rester, mieux vaut parler, s'exprimer pour faire sortir de soi ce qui ronge et tue lentement.
Une oeuvre forte : les mots sont justes, précis, ils disent enfin ce qui est resté caché, enseveli au plus profond de l'intime. Puissent-ils libérer, ou du moins, apporter un peu de légèreté à une femme meurtrie…
En tout cas, ces mots, nous, lecteurs, nous les avons entendus et nous ne sommes pas près de les oublier.

Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Avertissement aux futurs lecteurs de Qu'il emporte mon secret : préparez-vous à une nuit blanche, ou très courte selon votre rythme car ce livre, vous ne pourrez pas le lâcher avant d'avoir déroulé jusqu'au bout le fil de cette intrigue tissée de main de maître. Une plongée rare dans l'intimité d'une femme, une confession qui prend aux tripes, une mise à nu qui ne peut laisser personne indifférent. La parole d'Hélène fait mouche, peut-être parce que nous avons l'impression de la connaître cette femme blessée, rafistolée avec les moyens du bord, mais debout.

Dans une chambre d'hôtel proche du Palais de Justice de Grenoble, Hélène attend sa comparution en tant que témoin cité au procès de Joël Domois. Un événement qui la ramène plus de trente ans en arrière et l'oblige à revivre le drame qui a brisé sa vie. Hélène avait 16 ans lorsqu'elle a été agressée et violée dans un camp de vacances où elle encadrait un groupe de jeunes en difficultés. de longs mois de convalescence pour réparer le corps mais les dégâts psychologiques, la femme de désormais 47 ans continue à les subir malgré l'apparente force qu'elle dégage. Ecrivain à succès, Hélène consomme les hommes, l'alcool et les cigarettes comme autant d'antidotes à un mal-être qu'elle tente de cacher pour mieux le nier. A 16 ans, Hélène a pris la décision d'enfouir cette nuit d'horreur au fond de sa mémoire et de l'ignorer. Pourtant, sa rencontre avec Léo, un jeune primo-romancier la bouleverse bien au-delà des sentiments qu'elle s'accorde habituellement. Une sorte de déclic qui l'incite à regarder sa vie en face et à affronter ses démons pour peut-être se donner une nouvelle chance de vivre. Elle entreprend alors d'écrire à Léo et de se raconter, sans aucun fard, suspendant le lecteur à sa plume.

Si le lecteur est tenu en haleine, c'est pour deux raisons. L'intrigue d'abord. Cette confession d'une femme obligée de ré explorer les méandres de souvenirs volontairement enfouis afin de retrouver la vérité parmi toutes celles qu'elle a érigées comme des armures, cette confession se lit comme une enquête policière. Qui est ce Joël Domois ? Quelle est son implication dans le drame ? Comment s'est-il retrouvé sur son chemin trente ans après ? Rien à dire, c'est parfaitement tenu, jusqu'à la révélation finale. Mais le charme agit aussi et surtout dans la proximité qui nait entre Hélène et le lecteur. Parce que les doutes, les dénis, les dérivatifs, les sentiments muselés, les non-dits, les incompréhensions, quels que soient les niveaux des drames auxquels ils renvoient, ce sont des maux communs à tous. Taire, ne pas s'exposer, garder pour soi... qui n'a pas été soumis un jour ou l'autre à cette injonction ? Alors imaginer ça à la puissance 10 face à l'horreur subie par Hélène...c'est dans le ventre que ça se passe.

Un livre fort qui fait en quelque sorte le procès du silence qui enferme une victime et lui impose ainsi une double peine. La parole, l'écriture apparaissent ainsi comme des moyens de retrouver la lumière et un nouvel équilibre. C'est ce que l'on souhaite à Hélène en refermant ce livre bouleversant de vérité.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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C'est tellement fort et dérangeant qu'il est difficile d'en faire une critique. En fermant la dernière page, une sensation d'injustice et de malaise. L'histoire ? Une femme qui approche des 50 ans, écrit une lettre à un amant écrivain, la vieille d'un procès où elle doit comparaître. Elle y relate son viol alors qu'elle avait 15 ans. Une grande partie est autobiographique. Pourvu qu'un tel roman aide des femmes et mette du plomb dans la tête de certains hommes ! Merci à Flo.

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"Qu'il emporte mon secret" de Sylvie le Bihan
Éditions Seuil
Parution le 12/01/2017

Très chère Hélène,

J'ai découvert votre poignante histoire à travers les mots et la plume puissante de Sylvie le Bihan. J'ai été très touchée par votre parcours, ce que vous avez subi, autant par le passé qu'à l'instant présent de votre narration. J'ai maintes fois eu envie d'hurler, comme ressentant vos souffrances et votre désemparement.
Le hasard a remis sur votre route celui qui vous a anéantie et volé cette partie de votre être, un bout de votre vie. Il a suffit d'une lettre...
"Surtout que le nom de l'accusé, Joël Domois, n'appartenait même pas à mon passé jusqu'à ce que je le croise par hasard, ce jeudi 29 octobre 2015, dans la bibliothèque du centre pénitentiaire pour hommes de Nantes."

J'ai aimé le fait que vous soyez une auteure, romancière, mais aussi votre relation avec Léo et cette longue lettre que vous lui avez consacré, dans laquelle vous levez le voile sur votre secret enfoui au plus profond de vous-même.
"J'écris pour qu'il oublie l'euphorie de notre nuit et qu'il respire l'air vicié de mon passé : je dois le dégoûter. "

J'ai attendu avec vous ce procès, dans cette chambre d'hôtel que j'imagine très impersonnelle, sentant les cigarettes froides que vous consumez comme pour conjurer le sort et faire passer le temps, le temps de vos nuits sans sommeil. C'est alors que vous reviennent ces images, celles de cet horrible été 1984... Les sensations, les douleurs, l'abandon et la peur...
"Laisser filer et dormir d'un grand sommeil, trouver la Paix enfin."

A ce procès, vous allez y être. Même s'il ne jugera pas tous les crimes que cet ignoble personnage a commis, vous serez là, pour raconter la victime que vous avez été et êtes encore. Cette attente est comme une seconde torture parce qu'elle vous replonge dans cette nuit d'atrocités inoubliables.
"Je voulais déchirer cette lettre, la brûler, l'avaler, pour qu'elle rejoigne l'endroit où toutes les images de cette nuit de juillet 1984 avaient été si rapidement enterrées. Que ces phrases disparaissent, que Joël Domois pourrisse dans sa cellule jusqu'à la mort et qu'il emporte avec lui mon secret."

Je cesse de trop en dire pour que le plus grand nombre de lecteurs puisse faire votre connaissance. Pour ma part, j'ai été profondément touchée par cette lecture, j'ai été comme à vos côtés à chaque moment ici raconté, sans néanmoins pouvoir vous serrer fort contre moi pour vous apporter un peu de réconfort... Celui dont vous avez tant manqué mais que, j'en suis sûre, vous allez trouver. Hélène, vous êtes devenue une nouvelle amie littéraire et c'est grâce à Sylvie le Bihan que cette rencontre a pu se faire. Je la remercie infiniment pour ce cadeau que je ne suis pas prête d'oublier.
"Le temps passe et emporte avec lui les visages insouciants, il n'y a que ceux de la cruauté qui ressurgissent."

https://littelecture.wordpress.com/2020/04/24/quil-emporte-mon-secret-de-sylvie-le-bihan/
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Le lecteur ne peut ignorer le sujet du livre de Sylvie le Bihan, et d'emblée la lectrice que je suis est séduite par l'emploi du style épistolaire pour dire « ce qui n'a jamais été verbalisé ».
Ce fameux secret, cet acte subi mais qui doit rester indicible comme pour mieux l'enfouir pour l'oublier. Comme si, ce qui n'est pas prononcé pouvait finir par disparaître.
« L'oubli est une stratégie de survie, un processus sélectif et dynamique, un choix imposé d'obscurité sur une partie de sa mémoire, suivi du mensonge qui pose les bases d'une autre réalité, plus facile à digérer. J'ai passé ma vie à tout contrôler pour éviter le raz de marée, à mettre en place une histoire instinctive et chaotique, à inventer le quotidien de ma prison en créant un personnage de « survivante » qui impose silence et respect, mais aujourd'hui ça m'explose à la gueule ».
Hélène et Léo, tous deux écrivains, se rencontrent lors d'un salon littéraire à Briançon, l'une dédicace, l'autre peu ou pas. Pourquoi lui, car Hélène dit : « j'imagine que le sexe qui fait jouir doit attacher, or j'ai l'ivresse facile et rarement la gueule de bois, un goût irraisonné pour les sucreries-une sweet tooth, comme disent les Anglais-et une tendance à grossir. »
Des hommes elle en a eu mais « le désir est fugace, inattendu, surprenant dans son apparition et dans sa fuite. Chaque rencontre suscite en moi l'espoir, mais très vite un besoin vital de reconnaissance et d'affection s'impose, j'ai une peur bleue de la solitude et une tendance à survaloriser l'importance de ne pas être seule, alors je panique au moindre signe de désintérêt, et de là découle l'urgence de me sentir indispensable. »
Le ton est cash, sans fioriture et le décor est planté.
Hélène a été violée à seize ans et a été laissée pour morte. Depuis c'est une survivante qui a tout enfoui, mais au détour d'un atelier d'écriture dans une prison, son passé lui revient comme un boomerang.
Pas une fois dans ce long déroulé des évènements elle ne se victimise alors que les dégâts subis sont physiques, psychologiques et familiaux. Cela accentue le fossé qu'il y a entre elle et ses parents qui ne savent pas quoi lui dire. Devant une telle horreur de l'acte les parents en font souvent trop ou pas assez. Tellement difficile de trouver l'attitude juste elle déplore leur absence mais ne les condamne pas de ne pas avoir su faire face.
Le tour de force de l'auteur est de faire de ce « roman » intimiste une histoire sans pathos.
Tenir à distance le lecteur qui ne s'identifie pas mais ressent tout de même la fracture au plus profond de son être et qui passe par toutes les couleurs de l'émotion.
Une narration tendue comme un arc avant de décocher sa flèche qui atteindra sa cible ou pas.
Les lecteurs qui n'aimeront pas, sont ceux qui n'accepteront pas que l'auteur ne soit pas une petite chose fragile ne cherchant pas des mots ou gestes de consolation comme « tout le monde ».
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 3 juin 2017

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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Alors, prends maintenant mes baisers, garde cette envie de nous revoir et de nous aimer longtemps, ces promesses d’amour auxquelles nous avons failli, souviens-toi de la femme qu’une nuit tu as aimée, imagine tous mes secrets, invente la suite de notre histoire et range-la au fond d’un tiroir […]. Il faut conserver le souvenir des belles choses, ce sont des petits riens que l’on met bout à bout, nos mots en longue phrase et nos peaux effleurées dans la douceur de l’aube.
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Tout a disparu quand j'ai senti que j'allais être saccagée et que j'ai paniqué.La peur, c'est la projection des douleurs à venir et la conscience de notre mort possible.
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Sans conteste, j’ai assisté à un fait d’une grande violence, mais j’attendais simplement que ça passe, je ne me sentais pas concernée par cette jeune fille, bout de viande ballotté qui hurlait sans bruit.
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L'oubli n'est qu'un lapsus de mémoire, un couvercle, au mieux un pansement, tout sauf une protection, car mon passé est encore là, sous-jacent, stocké, fiché par un cerveau zélé qui rit de mes errances.
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En une fraction de seconde, j’ai tourné le dos à cette scène et mon double est parti se réfugier sur le mur aux carreaux blancs des douches du camping.
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Videos de Sylvie Le Bihan (12) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Sylvie Le Bihan
17 nov. 2022 Rencontre en ligne Un endroit où aller du 14/11/2022 avec Sylvie Le Bihan pour son roman "Les sacrifiés", paru aux Éditions Denoël.
Elle est interviewée par Françoise Gaucher de la Librairie "Le Coin Des Livres" à Davézieux. Accueil par notre chevalier libraire d'Un endroit où aller, Nathalie Couderc.
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