Comme chaque mois, je parcours la liste des ouvrages proposés lors des Masses critiques Babelio, car c'est l'occasion de découvrir des livres de maisons d'éditions que je ne connais pas, ou des ouvrages vers lesquels je ne me serais pas spontanément dirigée en librairie, où que je n'y aurais tout simplement pas trouvés… Cette fois-ci, lors de l'édition non-fiction, je cherchais des essais, car je lis trop peu d'essais à mon goût, alors que pourtant j'adore ça. J'ai notamment repéré celui-ci, que je suis très heureuse d'avoir reçu, car son sujet m'est tout de suite apparu comme non seulement passionnant, mais aussi crucial. En effet, la manière dont les Hommes traitent la création culturelle et la culture de manière générale montre bien l'ouverture d'esprit d'un gouvernement… La culture est en effet une des premières victimes quand on essaie de mettre la démocratie à terre.
Évacuons pour commencer par ce qui pourrait être le point négatif de cet ouvrage avant de nous consacrer au reste… Ce n'en est pas vraiment un pour moi, mais je préfère vous le présenter. Cet essai, si il aborde des sujets universels, est très « armoricano-centré », du moins dans ses exemples. Je m'explique : l'auteur est breton, et il cite en premier lieu des événements bretons ou mettant en scène des bretons. Sans compter que l'ouverture est signée
Yvon le Men, poète breton, et l'épilogue
Michel le Bris, écrivain breton et organisateur du festival Étonnants Voyageurs à Saint Malo entre autres. La maison d'édition Apogée est d'ailleurs située à Rennes. En tant que bretonne, cet aspect ne me rebute pas, loin de là. Il apporte même une valeur ajoutée à cet essai. Pour les non-bretons qui se poserait la question de l'intérêt de la lecture de cet essai, je tiens à mettre en avant la richesse et la diversité de la culture bretonne (comme celle de nombre de régions d'ailleurs^^), ainsi que le fait que la Bretagne soit un foyer actif de festivals, et présente un nombre de bénévoles peu courant… Les bretons portent haut leurs couleurs (qui peut dire qu'il a assisté à un rassemblement, quel qu'il soit, sans y avoir vu un drapeau breton ? 😂), et sont très actifs dans la préservation et la mise en avant de leur culture. Les exemples sur lesquels s'appuie cet essai ne servent que de base à une réflexion plus générale sur la culture et son rôle dans une société, et comment la préserver préserve aussi la liberté… Ne soyez donc pas effrayés par cet aspect bretonnant de l'essai, et plongez dans cet ouvrage pour vous nourrir de son contenu !!!
Je me rends compte que je me suis appesantie sur ce point qui peut être ressenti comme négatif pour qui n'en serait pas prévenu, alors que finalement il peut être considéré comme une force. En effet, il est effarant de voir le nombre d'exemples de destruction ou tentative de censure de la culture constatés rien qu'en Bretagne. Je n'ose imaginer ce que donnerait une recherche rapide sur la France entière, et encore moins au-delà… Nous avons tous des images de mythes culturels détruits, comme en Irak ou en Afghanistan, hélas, il n'est pas besoin d'aller aussi loin pour que des êtres humains détruisent des oeuvres qui ne leur conviennent pas. Et, plus grave peut-être, il suffit de se plonger dans l'actualité locale, nationale, pour trouver de nombreux exemples de mise en danger de la création artistique et culturelle par des décideurs car ils « n'aiment pas ».
Faut-il seulement autoriser le développement de la culture que l'on aime, qui nous convient ? A quel moment, et selon quels critères doit-on considérer un travail artistique comme étant liberticide, voire dangereux ? L'arrivée au pouvoir de régimes totalitaires coïncide toujours avec l'apparition ou le renforcement de la censure. Certains vont jusqu'à détruire une partie du patrimoine, de l'Histoire de leur pays pour mieux régner et faire prospérer leurs idéaux. Il est donc important que le peuple d'un pays dans son ensemble soit mobilisé pour défendre le droit à l'expression artistique et l'accès à la culture du plus grand nombre. C'est un aspect qu'on a un peu perdu de vue, comme le rappelle l'auteur, alors que c'était un des fondements de la création du Ministère de la culture…
Il ne faut jamais perdre de vue les impératifs budgétaires quand on rêve de plus de culture, mais il ne faut pas non plus oublier que la culture est un secteur économique fort en France, avec 3,2% du PIB (quasiment équivalent à l'agriculture et l'agroalimentaire), et près de 650000 emplois, répartis sur l'ensemble du territoire, y compris les plus petites communes. Couper dans les budgets de la culture ne serait pas se tirer une balle dans le pied ??? Alors oui, cet essai est politique, mais pas dans un sens politicien, même si on sent remonter par moments les opinions de l'auteur (ce qui est logique dans un essai^^). Cet essai est politique aussi et surtout dans le sens noble du terme. « La politique est principalement ce qui a trait au collectif, à une somme d'individualités et/ou de multiplicités. »
Je pourrais continuer longtemps, très longtemps, à vous parler de cet essai, qui ne fait pourtant que 84 pages, tellement il est dense et complet. Il n'est pas pour autant ardu, il est même plutôt abordable, pour peu que le sujet vous intéresse. Il est important aussi, car il remet en avant des faits que l'on avait un peu trop perdu de vue, et qu'il propose de nombreuses, très nombreuses pistes de réflexions. L'auteur cite à de nombreuses reprises des figures mythiques de la culture, comme
Victor Hugo,
André Malraux et de nombreux autres, qui nous rappellent qu'il a toujours fallu, et qu'il faudra encore, rester vigilant pour que la culture reste au coeur des préoccupations des êtres humains, des nations.
J'ai reçu la version papier de cet essai de la part des éditions Apogée dans le cadre d'une opération Masse Critique Babelio. Merci à eux pour la découverte.
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