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EAN : 9782844970343
254 pages
Liv'éditions (04/04/2006)
4.13/5   54 notes
Résumé :
Rien ne devait rapprocher ces deux êtres : Goulven, le sombre Léonard et Adèle, la belle et insouciante Trégorroise.

Et pourtant Goulven se prend d'un amour fou et maladroit pour la jeune qu'il adule sans être capable de la rendre heureuse. Une passion maladive exacerbée par le cadre étouffant d'un phare, au large d'un Cap-Sizun hostile, qui le mène à commettre un crime incroyablement cruel.

Pressentant le drame mais maintenu en halei... >Voir plus
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« Tu reconnaîtras la jeune fille digne d'être épousée à ce qu'elle ne t'inspirera que des pensées chastes »…Proverbe Léonard.

Quand Anatole le Braz, le spécialiste de la culture bretonne, de ses contes et de ses légendes, nous concocte un drame solidement ancré dans son territoire, cela donne un thriller breton stupéfiant, une histoire de passion qui se lit d'une traite en dégustant un kouign-amann accompagnée d'une bolée de cidre ! Et sec le cidre, à l'image de la morale de ce conte maritime…

Oui, un pur ravissement ce livre d'Anatole le Braz dont j'avais lu et beaucoup aimé, l'an dernier, le beau et mystérieux « le sang de la sirène ». Là encore l'intrigue ainsi que la plume merveilleuse de l'auteur breton entraine le lecteur et le pousse irrémédiablement à poursuivre sa lecture pour connaitre le dénouement de ce drame, drame qui nait, croit et culmine subtilement, en pleine côtes bretonnes, dans un cadre mythique. Frissons et dépaysement garantis !

Le 1er mai 1876, en plein raz de Sein, dans la dangereuse mer d'Iroise, le feu de Gorlébella, plus souvent appelé le phare de la Vieille, est resté allumé toute la journée pour mystérieusement s'éteindre la nuit suivante. Une équipe vient voir ce qui se passe. Elle trouve une liasse de vieux papiers sur le banc de quart, dans la chambre de la lanterne.
Le chef gardien Goulven Dénès, avant de disparaître, a pris soin d'y consigner tout le détail des événements, confessant son drame et s'adressant par moment directement à son supérieur. Et des cadavres se trouvent certainement dans une des pièces du phare dans laquelle personne n'a pu encore pénétrer mais l'odeur nauséabonde ne laisse pas place au doute quant à ce qu'il y a à l'intérieur. Il faudra sans doute en briser la porte à coups de hache....
Où est Goulven Dénès ? Qui est enfermé dans cette salle fermée à clef ? Que s'est-il passé ? Les hommes se mettent à lire et vont alors découvrir « le drame peut-être le plus atroce dont les tragiques annales du Raz aient conservé le souvenir ».

Goulven est donc gardien de phare en cette fin du XIXème siècle. Originaire du Léon (nord Finistère) il est marié à une jeune fille de Tréguier (vers Saint Brieuc) prénommée Adèle. Un Léonard marié à une Trégorroise, sans doute cela ne vous choque pas, voire ne vous évoque rien mais il s'agit d'un mariage qui étonne, dès le départ soumis à un destin délicat, car ces deux races de bretons (si, si) sont tellement différents, presque antagonistes. Si les Léonards sont connus pour leur caractère besogneux, austère et très pieux, les Trégorrois sont réputés pour leur joie, leur insouciance et leur imagination. Les superstitions funèbres aux premiers, les légendes fabuleuses aux seconds. Et ce mariage, la mère de Goulven en avait prédit le pire…Mais le jeune homme est fou amoureux, mu par une passion dévorante pour cette belle Adèle qui semble l'ensorceler, cette belle femme aux yeux de nuances changeants, aux joues roses qu'encadre une mer de cheveux sombres d'un noir bleuâtre…Mais il faut toujours se méfier du vieux sang barbare des Léonard !

Véritable invitation à la découverte de la vie des gardiens de phare, nous découvrons avec ce livre la vie dans cette cage à hauteur de mouettes, les vues majestueuses, la simplicité et la solitude de cette vie routinière marquée par le travail de maintien en état du phare, de son feu surtout, de menues réparations et de compte rendu journaliers. Une équipe de trois gardiens assurent à tour de rôle le bon fonctionnement du phare, chaque gardien restant quinze jours en duo, enfermé, avant de pouvoir rejoindre la caserne. La vie à la pointe du Raz est particulièrement rude et les iliens, et surtout les iliennes, ces gens du Cap rustres et sauvages, voient d'un mauvais oeil ce jeune couple et cette femme plus raffinée qu'eux, qui se promène, qui brode, et, horreur, qui perd son temps à lire. Isolée, Adèle tombe dans une sombre nostalgie et pense à son Trégor natal.

« A ce moment, un de ces oiseaux de mer qu'on appelle des fous nous frôla presque de ses ailes, décrivit au-dessus de nos têtes deux ou trois cercles, puis plongea, comme une flèche, dans l'obscurité béante. Et j'eus le pressentiment très net que ce pays farouche, voué jadis à d'horribles holocaustes, nous serait fatal ».

Un poste vacant au phare et c'est un autre trégorrois, une connaissance à Adèle, qui vient s'installer dans le coin, dans la même caserne que le couple. Ce nouvel arrivant fascine et plait énormément à Goulven mais aussi aux iliens. Et Adèle semble retrouver des couleurs et son enthousiasme habituel avec l'arrivée de cet homme du même village qu'elle. Si Goulven le taciturne, quasi misanthrope, se surprend à apprécier la présence de cet homme avec lequel il devient ami, Hervé va pourtant peu à peu faire bousculer Goulven dans la folie, surtout lorsqu'il comprendra qu'il est le dindon de la farce des deux Trégorrois.
Goulven va alors préparer méthodiquement sa vengeance, tragédie fascinante renforcée par le paysage austère et semi-désertique du Raz de Sein qui semble répondre à l'état d'esprit du pauvre homme en perdition.

« C'était l'heure trouble d'entre jour et nuit. La nouvelle fenêtre ou – comme nous l'avions baptisée dans notre argot de mer – le hublot, ne versait qu'un reste de lumière lasse, et cette demi-obscurité, où planait un funèbre silence, drapait les formes rigides des objets comme d'un suaire couleur de cendre. Enfin, pour que rien ne manquât, il y avait le plafond de pierre, à cintre surbaissé, blanchi à la chaux – une véritable voûte de sépulcre, où ne faisaient plus défaut que les cadavres. Un frisson me parcourut, un de ces frissons involontaires qui font dire aux Léonards, toujours hantés par la préoccupation de l'Ankou :
- C'est le vent de sa faux qui passe ! »

Mais quelle écriture sublime, un tantinet gothique, sertie de descriptions magnifiques, mâtinée de touches fantastiques troublantes (la couleur verte quasi phosphorescente semble constamment prédire le mal à venir depuis le vieux sou vert-de-gris porte bonheur de Goulven qui, après avoir roulé sous le lit, lui d'un éclat étrange jusqu'au phare dont la couleur verte illumine les éléments et les gens d'une sombre aura…l'oeil vert du diable…) me faisant penser par moment aux livres fantastiques d'un Edgar Allan Poe. Quel régal de lecture ! J'étais dans ce phare, je voyais l'horizon à 360 degrés et ressentais ce mélange de liberté et d'oppression, de grandeur et d'enfermement…Il faut dire que l'auteur, non content de raconter poétiquement sa région, a le don de développer une fine analyse des caractères de ses personnages et de maîtriser avec brio le suspense qui monte crescendo.

« L'air était tiède comme en juin. Une lumière généreuse avivait d'une splendeur presque estivale les lointains élargis. La courbe des eaux, à l'horizon, avait des teintes d'un bleu intense que rehaussait un mince linéament d'or. Autour du phare, les courants semblaient se jouer avec abandon, déroulant les mille reflets de leurs soies et de leurs satins, telles que des écharpes de fées, tissées de toutes les irisations de l'arc-en-ciel. Il n'était pas jusqu'à l'île de Sein, dans l'ouest, dont la longue échine plate et triste ne se fût comme soulevée sur la mer, pour saluer la résurrection du soleil ; ce n'était plus la terre-épave, à demi sombrée ; on eût dit que les façades blanches de ses maisons se déployaient, prêtes à prendre le vent, ainsi que des voiles. Quant au continent, il nous faisait l'effet de s'avancer vers Gorlébella comme la proue éclatante d'un navire surnaturel ».


Un récit d'ambiance qui mérite d'être lu davantage tant il me semble constituer un chef d'oeuvre de la littérature dite « régionale ». Il parait qu'un téléfilm a adapté cette histoire, moi je me fais mon cinéma, c'est un film sur grand écran que j'imagine bien, j'ai même des idées d'acteurs et d'actrices…Oui, cela pourrait être grandiose, comme l'est ce livre…

« Lorsqu'on la contemple en toute sécurité de la chambre d'un phare ou de la maisonnette blanche d'un sémaphore, comme cela, oui, je comprends la mer. Autrement, non ! Paradis des hommes, mais enfer des femmes !.... »



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Les mariages entre habitants du Léon et du Trégor, régions de Basse-Bretagne situées en bordure de la Manche, étaient naguère peu appréciés des anciens.
Ainsi, en cette seconde moitié du 19ème siècle, lorsque le pieux léonard Goulven Dénès épousa la jolie trégoroise Adèle Lézurec, l'assentiment et la bénédiction des parents du marié firent défaut.

“Tu prends femme hors de ta race ; puisses-tu n'avoir pas à t'en repentir !...” lui avait alors écrit sa mère. Les mots de cette terrible lettre reviennent à l'esprit de Goulven alors qu'il vient d'enfermer sa jeune épouse et son amant dans la pièce la plus confortable du phare de Gorlébella dont il est le gardien-chef.
Personne ne viendra sur ce minuscule îlot du raz de Sein avant quinze jours et d'ici là Adèle et Hervé se seront éteints à petit feu. Son plan machiavélique à parfaitement fonctionné, les tourtereaux sont venus de leur plein gré jusqu'à leur dernière demeure.
Insensible aux cris qui lui parviennent par intermittence, Goulven couche sur le papier sa triste histoire. Il a quelques jours devant lui pour épancher sa bile. Dans deux semaines, lorsqu'il apercevra le bateau approcher avec à son bord la relève et le ravitaillement, il montera au sommet du phare et, tel un goéland, prendra son envol...

Écrit en 1900 par le Costarmoricain Anatole le Braz, “Le Gardien du feu” est un roman aussi sombre que passionnant.
Enchanté tant par le style poétique de l'auteur que par cette tragédie en terre capiste, je vous recommande chaudement ce récit chargé d'embruns. Sa construction est originale et la psychologie des personnages savamment distillée au fil des chapitres.

Une mini croisière jusqu'à l'île de Sein, au départ du port d'Audierne, prolongerait idéalement ce petit bonheur littéraire !
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J'ai arrêté ma lecture, peut-être pour reprendre mon souffle, moins d'une vingtaine de pages avant la fin de cet ouvrage.
J'ai pensé mieux parler de cette histoire si je n'en connaissais le fin mot...
Le 1er mai 1876, en plein raz de Sein, le feu de Gorlébella, plus souvent appelé le phare de la Vieille, est resté allumé toute la journée pour mystérieusement s'éteindre la nuit suivante.
Une liasse de vieux papiers est trouvée sur le banc de quart, dans la chambre de la lanterne.
Le chef gardien Goulven Dénès, avant de disparaître, a pris soin d'y consigner tout le détail des événements.
Et deux cadavres se trouvent certainement dans une des pièces du phare dans laquelle personne n'a pu encore pénétrer. Il faudra sans doute en briser la porte à coups de hache....
On connaissait Anatole le Braz pour "La légende de la mort", pour "La Bretagne à travers L Histoire" et pour ses "Vieilles histoires du pays breton".
On croyait avoir pu installer Anatole le Braz dans un genre, le cantonner à un style.
Et puis on découvre "Le gardien du feu" et ce bon vieil Anatole, ciment de la culture bretonne, orfèvre du conte et de la veillée, devient soudainement l'inventeur du thriller breton !
Car ce récit est présenté par son auteur comme le drame le plus atroce dont les tragiques annales du raz de Sein aient conservé le souvenir.
En même temps que d'être une fine analyse de caractère, solidement ancré dans son terroir, c'est un récit d'ambiance, tendu, étonnant de modernité et de suspens maîtrisé.
C'est un ballet tragique dansé par trois personnages :
- Adèle Lezurec, la plus jolie fille deTréguier,
- Hervé Louarn, un diable d'homme qui a séduit jusqu'à la bande des marmots farouches de Plogoff,
- Goulven Dénès qui, en plus d'être le narrateur du récit, est le mari bafoué...
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Pour moi qui suis une amoureuse de la Bretagne, les récits d'Anatole le Braz sont toujours comme une immersion en terre celtique depuis mon fauteuil.

C'est une histoire entre mer et terre.
Une histoire bretonne, de cette région où la terre prend fin à la pointe du Raz, où les roches se font coupantes et l'herbe rare. Ce décor âpre et dur est à l'image des âmes qui errent sur cette lande désertique… Au loin d'un petit hameau qui accueille les familles des gardiens se dresse la haute silhouette d'un phare, celui de Gorlebella, « dans une solitude éternelle, au milieu d'une mer farouche agitée d'incessants remous et dont les sourires même, les jours de calme, ont quelque chose d'énigmatique et d'inquiétant. » Dans ce tableau isolé et venteux va se jouer l'histoire la plus vielle du monde entre une femme trop jolie et deux hommes que tout oppose.

On retrouve dans ce récit d'Anatole le Braz les thèmes chers à l'auteur breton : les passions de l'âme et, bien sûr, la Bretagne et ses multiples facettes. L'histoire tragique du gardien chef Goulven Dénès et de sa femme Adèle illustre toute la folie des hommes lorsque la passion l'emporte sur la raison, avec des personnages bien campés psychologiquement. A travers eux, on découvre également le portrait d'une Bretagne bigarrée où chaque « pays » s'oppose à son voisin. Basse et Haute Bretagne ne sont pas les mêmes, ses gens n'ont pas les mêmes us et coutumes et encore moins les mêmes caractères. Quant aux îles comme celle de Sein, on aborde pour les continentaux une terre sauvage et inhospitalière… La Bretagne n'est pas une mais multiple. Enfin, qui dit Bretagne dit légende. Avec tout son talent de conteur attaché au folklore et aux mythes, Anatole le Braz nous offre un récit aux allures parfois de fantastique où la superstition côtoie la religion et où l'Ankou n'est jamais bien loin, quitte à l'imaginer sous les traits de la funeste îlienne enveloppée dans sa cape noire et aux révélations fatales.

« Le gardien du feu » annonce dès le début la tragédie et c'est avec quelques frissons et une tension croissante que le lecteur plonge avec délice dans ce récit typique des contes bretons où la Bretagne d'autrefois, malgré ses airs menaçants, n'a jamais parue aussi belle et mystérieuse.

En plus de cette atmosphère "régionale", « Le gardien du feu » est un formidable témoignage sur le quotidien des gardiens de phare. Auprès du personnage de Goulven, nous suivons le quotidien de ces hommes qui vivaient entre terre et mer, isolés longtemps de leur famille et aux journées parfois éprouvantes. Pour les amateurs de Bretagne, sachez que le phare de Gorlebella d'Anatole le Braz est le phare de la Vieille, situé dans le raz de Sein, entre l'île du même nom et la pointe du Raz. Si vous vous y rendez après la lecture de ce récit, vous ne verrez plus le phare et la pointe de la même façon...
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La Bretagne, la mer et les traditions à la fin du XIXème. Les costumes, la religion, l'humilité et les embruns.
Goulven, le personnage principal, est gardien de phare sur un îlot entre Sein et la Pointe du Raz, il concentre tout ce qui faisait la Bretagne de l'armor il n'y a pas si longtemps.

Mais nous sommes loin de la Bretagne de carte postale car c'est une histoire tragique qui nous est servie par une plume des plus sensibles.

L'environnement culturel ne se traduit pas toujours par des fêtes. Les traditions, qui orientent toute la vie des habitants de ce bout du monde, deviennent parfois oppressantes.
Ce ne sont pourtant pas la mer, les vents, les tempêtes et les âmes des défunts de la baie des Trépassés qui vont perturber outre mesure le solide Goulven, gardien de phare par défaut, après avoir failli dans ses études au séminaire.
Non, ce qui le tracasse c'est la belle Adèle qu'il a rencontré dans le Trégor (du côté de Tréguier où l'on prie Saint Yves). Lui, du pays du Léon, a "enfreint la règle" qui veut que l'on n'aille pas chercher une fille dans le clocher d'à côté. Sa mère le boude pour cela.

Bien que la coiffe du Trégor sied à merveille à son visage angélique, la belle Adèle lui cause bien du souci car elle s'ennuie loin de chez ses parents (à trois journées de charrette) à broder et à subir les regards hostiles de sa voisine pas commode originaire de l'Ile de Sein.

Depuis qu'elle a suivi son mari sur la pointe du raz- chez les Capistes!- leur couple se fissure peu à peu pour les multiples raisons que vous découvrirez .

Ecrit sous la forme d'un compte-rendu, d'un gardien de phare à son supérieur, le récit se transforme en journal passionnel.

Les illustrations de Mathurin Méheut sont peut-être un plus pour un récit qui n'en avait pas besoin.

Car Anatole le Braz se montre à la pointe (du Raz).
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Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
L’air était tiède comme en juin. Une lumière généreuse avivait d’une splendeur presque estivale les lointains élargis. La courbe des eaux, à l’horizon, avait des teintes d’un bleu intense que rehaussait un mince linéament d’or. Autour du phare, les courants semblaient se jouer avec abandon, déroulant les mille reflets de leurs soies et de leurs satins, telles que des écharpes de fées, tissées de toutes les irisations de l’arc-en-ciel. Il n’était pas jusqu’à l’île de Sein, dans l’ouest, dont la longue échine plate et triste ne se fût comme soulevée sur la mer, pour saluer la résurrection du soleil ; ce n’était plus la terre-épave, à demi sombrée ; on eût dit que les façades blanches de ses maisons se déployaient, prêtes à prendre le vent, ainsi que des voiles. Quant au continent, il nous faisait l’effet de s’avancer vers Gorlébella comme la proue éclatante d’un navire surnaturel.
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À l’entour s’étend le sinistre paysage que vous savez, un dos de promontoire nu et comme rongé de lèpre, troué çà et là par des roches coupantes, de monstrueuses vertèbres de granit. Nulle autre végétation que des brousses à ras de sol, des ajoncs rampants, une herbe éphémère, tout de suite brûlée par les acides marins. Vous n’êtes pas sans avoir remarqué l’air de stupeur muette et résignée qu’ont toutes choses en ces parages, les plantes comme les bêtes, et les habitations aussi bien que les gens. Voilà pourtant l’oasis de bon repos après laquelle aspirent de tous leurs vœux les factionnaires de Gorlébella. Du moins ne s’y sentent-ils plus les emmurés des eaux. Si peu récréatifs que soient ces horizons, encore délassent-ils leurs yeux de la perpétuelle et obsédante agitation des vagues.
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Je pus à notre messe de mariage, mesurer à quel point elle me possédait. Vainement, je m’efforçai de prier : je ne savais plus ; j’étais comme ces ivrognes qui recommencent toujours leur chanson au même vers et n’arrivent pas plus en sortir la trentième fois que la première.
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Il vous suffira, quand au reste, de savoir ceci.
En 1876, tout comme à présent, le personnel de Gorlébella se composait de trois hommes.
Il n'y en avait que deux qui fussent de service en même temps.
Le règlement porte, en effet, que chaque gardien, après avoir demeuré un mois au phare, a droit à un congé de quinze jours.
Tous les seconds samedis, à moins que l'état de la mer n'y mette obstacle, le bateau ravitailleur accoste au récif, débarque les provisions et prend à son bord, pour le ramener à terre, l'exilé dont c'est le tour d'être rapatrié....
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Il s’accroupit à mes côtés, à même la roche, parmi les varechs rampants dont on entendant, par intervalles craquer les capsules d’ambre. Le soleil allait sur midi ; la mer avait encore près de quatre heures à monter : elle s’enflait doucement, s’étirait ainsi qu’une bête paresseuse sous la caresse de la lumière.
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