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Citations sur Le Gardien du feu (34)

Je pus à notre messe de mariage, mesurer à quel point elle me possédait. Vainement, je m’efforçai de prier : je ne savais plus ; j’étais comme ces ivrognes qui recommencent toujours leur chanson au même vers et n’arrivent pas plus en sortir la trentième fois que la première.
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Il s’accroupit à mes côtés, à même la roche, parmi les varechs rampants dont on entendant, par intervalles craquer les capsules d’ambre. Le soleil allait sur midi ; la mer avait encore près de quatre heures à monter : elle s’enflait doucement, s’étirait ainsi qu’une bête paresseuse sous la caresse de la lumière.
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L’air était tiède comme en juin. Une lumière généreuse avivait d’une splendeur presque estivale les lointains élargis. La courbe des eaux, à l’horizon, avait des teintes d’un bleu intense que rehaussait un mince linéament d’or. Autour du phare, les courants semblaient se jouer avec abandon, déroulant les mille reflets de leurs soies et de leurs satins, telles que des écharpes de fées, tissées de toutes les irisations de l’arc-en-ciel. Il n’était pas jusqu’à l’île de Sein, dans l’ouest, dont la longue échine plate et triste ne se fût comme soulevée sur la mer, pour saluer la résurrection du soleil ; ce n’était plus la terre-épave, à demi sombrée ; on eût dit que les façades blanches de ses maisons se déployaient, prêtes à prendre le vent, ainsi que des voiles. Quant au continent, il nous faisait l’effet de s’avancer vers Gorlébella comme la proue éclatante d’un navire surnaturel.
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À l’entour s’étend le sinistre paysage que vous savez, un dos de promontoire nu et comme rongé de lèpre, troué çà et là par des roches coupantes, de monstrueuses vertèbres de granit. Nulle autre végétation que des brousses à ras de sol, des ajoncs rampants, une herbe éphémère, tout de suite brûlée par les acides marins. Vous n’êtes pas sans avoir remarqué l’air de stupeur muette et résignée qu’ont toutes choses en ces parages, les plantes comme les bêtes, et les habitations aussi bien que les gens. Voilà pourtant l’oasis de bon repos après laquelle aspirent de tous leurs vœux les factionnaires de Gorlébella. Du moins ne s’y sentent-ils plus les emmurés des eaux. Si peu récréatifs que soient ces horizons, encore délassent-ils leurs yeux de la perpétuelle et obsédante agitation des vagues.
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Il vous suffira, quand au reste, de savoir ceci.
En 1876, tout comme à présent, le personnel de Gorlébella se composait de trois hommes.
Il n'y en avait que deux qui fussent de service en même temps.
Le règlement porte, en effet, que chaque gardien, après avoir demeuré un mois au phare, a droit à un congé de quinze jours.
Tous les seconds samedis, à moins que l'état de la mer n'y mette obstacle, le bateau ravitailleur accoste au récif, débarque les provisions et prend à son bord, pour le ramener à terre, l'exilé dont c'est le tour d'être rapatrié....
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Le reflet du secteur vert, en passant sur elle, l’enveloppa d’une buée glauque. Elle me parut Athès en personne ; la Messaline des ondes, tout à coup surgie des gouffres du Raz pour son éternelle besogne d’incantation, de luxure et de mort !
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21 avril.
Rien à signaler, mon ingénieur, du moins pour ce qui est du service. Le baromètre est sur « variable » ; il souffle grande brise de noroît. Ce matin, après l’extinction du feu, j’ai monté mon matelas dans la lanterne, ainsi que des provisions de bouche pour plusieurs jours. Car, d’ici quelque temps, je ne me soucie pas de redescendre. Comme je passais sur le palier du deuxième étage, devant la porte de leur chambre, – de leur tombe, – je l’ai entendue, elle, qui disait à l’autre :
— Je savais bien qu’il avait trop de religion pour vouloir cela !
Puis, mon pas s’éloignant, elle a poussé une clameur folle, un cri d’angoisse désespérée :
— Au nom de Dieu et de saint Yves ! Goulven ! Goulven Dénès !
J’ai continué de gravir les marches, j’ai mangé un biscuit trempé d’eau et je me suis étendu sur le matelas, les bras en croix sous ma tête. J’ai dormi du sommeil de mes nuits anciennes, du temps que l’image de la femme ne me hantait point, – d’un sommeil sans pensée et sans rêves. Le soleil se couchait derrière l’Ar-Mèn, dans les lointains de la mer, quand j’ai rouvert les yeux. Je suis reposé : j’ai les idées d’une lucidité qui tient du prodige, comme si l’éblouissante flamme du phare projetait son éclat jusqu’au fond de mon esprit.
Saint Yves ! Elle a osé invoquer saint Yves ! Ce fut la veille de son pardon...
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J’étais, du reste, à présent que j’y songe, l’homme le plus enclin à être dupe. Je suis né de cette race austère des laboureurs du Léon, dont la religion est le souci suprême. Mon enfance fut sérieuse et un peu triste. Là-bas, point de chansons, ni de danses, ni de ces jeux qui égayent la vie. Je ne me rappelle de ce passé que des bruits de prières et des sonneries de cloches tintant des offices. Une famille s’y considérerait comme maudite, si elle ne comptait parmi ses membres un prêtre. Je fus élevé en vue du sacerdoce ; à douze ans, j’entrais au petit séminaire de Saint-Pol.
Nul écolier ne se montra plus docile ni plus appliqué. Mais la lenteur de mes progrès dans les études latines me nuisit dans l’esprit de mes maîtres, et, sur la fin de ma seconde, ils conseillèrent à mes parents de me garder auprès d’eux. Ce fut une grande déception pour ma mère qui voyait déjà, dans ses rêves, l’église dont je serais le desservant, et le presbytère, fleuri de clématite, où se reposeraient ses vieux jours. Je ne pus supporter le spectacle de ses larmes. Les travaux de la moisson terminés, je m’engageai dans la Flotte.
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Au fait, qu’avait-elle à chercher sur cette côte, cette rôdeuse de funeste présage, cette « chouette de la mort », comme le brigadier des douanes l’avait surnommée, qui ne se montrait guère dans le voisinage des vagues que la nuit, et seulement sur le versant septentrional de la Pointe, vers les lagunes de Laoual et les sables de la Baie des Trépassés, là où les courants, charrieurs d’épaves, balayent, ainsi qu’en un gigantesque ossuaire, les reliefs des festins du Raz : squelettes d’hommes, tronçons de mâts, carcasses démantibulées de vaisseaux…
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Et à mesure qu’elle allait, au lieu de diminuer, il me semblait la voir grandir, grandir étrangement et prendre des proportions surhumaines, jusqu’à offusquer tout, le ciel et la mer, ainsi qu’une forme colossale, une gigantesque figure de ténèbres. On eût dit qu’elle traînait le crépuscule sur ses talons, comme un voile immense, tissé d’ombre. Les dernières lueurs du jour qui frémissaient sur les vastes espaces gazonnés s’éteignaient derrière ses pas.
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