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Critique de AMR_La_Pirate


Personnellement, j'aime beaucoup l'écriture palimpseste, les thèmes littéraires revisités… Autant dire qu'avec Sherlock Holmes aux enfers de Nicolas le Breton, j'étais par avance curieuse et plutôt bien disposée…

Dès les premiers chapitres, je me suis appropriée ce roman comme une réécriture romanesque de l'Enfer de Dante et c'est sous cet angle-là que s'est déroulée ma lecture, que j'ai confronté mon imaginaire à cette représentation particulière de l'enfer.
La brièveté des chapitres m'a rappelé la succession des chants du poème du XIVème siècle. Dans ce roman, le récit est découpé en « arcanes », autant de mystères qui renvoient à une forme de sacré. Chaque arcane dévoile un lieu, un châtiment, une progression.
L'enquête de Sherlock Holmes se réalise sous la forme d'un voyage, d'une exploration aux côtés d'un guide ; ce périple entraine le lecteur dans des zones différentes où les damnés et les châtiments décrits s'inspirent ouvertement du long poème de Dante. Chacun fera ses propres rapprochements : Phosphoros rappelle la figure protectrice de Virgile qui conduit le poète, Mary Watson et Mary Moriarty nous font penser à Béatrice… Comme dans La divine Comédie, les héros romanesques rencontrent des damnés célèbres sans limitation d'espace ou de temps (Thomas More, Paganini, Conan Doyle), certains détails ravivent les souvenirs de lecture comme par exemple un démon vaincu qui porte se tête coupée dans ses mains, tel Bertrand de Born dans le chant VI centré sur la discorde…

Au-delà de l'intertextualité autour de L'Enfer de Dante, ce roman interroge la condition du personnage romanesque, sa réalité, sa postérité et la responsabilité de son auteur. Sherlock Holmes est-il en enfer parce que son créateur s'y trouve… ou bien Conan Doyle l'y a-t-il suivi en imagination ? D'où vient l'inspiration ? L'écriture n'est-elle que catharsis, que transposition d'évènements traumatiques ?

Plutôt bien écrit, alliant humour et créativité, trouvailles stylistiques et trame narrative travaillée, ce roman est assez atypique, un peu roman policier, un peu fantastique, un peu thriller, un peu ésotérique, un peu catalogue des créatures démoniaques… mais pas que.
Ce roman est une « symphonie baroque » sur fond de notion d'arbre de vie et de vie éternelle, de pérennité de l'âme ; il ne faut jamais perdre de vue l'épigraphe, constat tiré du livre de la Genèse, III, 22, du chapitre où apparaît le serpent, simple créature qui deviendra plus tard le diable, celui qui divise en s'opposant à la femme, créée pour donner vie à l'humanité. On oublie souvent qu'il y a deux arbres dans le jardin d'Eden, l'arbre de la connaissance du bien et du mal dont la femme mange le fruit et l'arbre de vie qui symbolise la différence entre Dieu et les hommes.

J'ai passé un excellent moment de lecture, trouvé quelques clés… J'ai même envie de relire ce court roman, persuadée qu'il renferme bien plus de mystères que ceux entrevus dans une première lecture. Nicolas le Breton m'a intriguée… et en même temps, j'ai un peu peur pour la réception de son roman : en effet, à la lecture de la quatrième de couverture, on s'attend à une intrigue policière fantastique sur fond d'occultisme et sur ce plan-là, l'horizon d'attente des lecteurs ne trouve pas vraiment de réponse satisfaisante.
Ce roman est donc, selon moi, une grosse prise de risque pour son auteur…
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