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Citations sur Ce qui n'a pas de prix (16)

Voici venu le temps où les catastrophes humaines s'ajoutent aux catastrophes naturelles pour abolir tout horizon. Et la première conséquence de ce redoublement catastrophique est que sous prétexte d'en circonscrire les dégâts, réels et symboliques, on s'empêche de regarder au-delà et de voir vers quel gouffre nous avançons de plus en plus sûrement.(...)

Trop d'objets, trop d'images, trop de signes se neutralisant en une masse d'insignifiance, qui n'a cessé d'envahir le paysage pour y opérer une constante censure par l'excès.

Le fait est qu'il n'aura pas fallu longtemps pour que ce "trop de réalité" se transforme en un "trop de déchets". Déchets nucléaires, déchets chimiques, déchets organiques, déchets industriels en tous genres, mais aussi déchets de croyances, de lois, d'idées dérivant comme autant de carcasses et de carapaces vides dans le flux du périssable. Car s'il est une caractéristique du siècle commençant, c'est bien ce jetable qu'on ne sait plus ni où ni comment jeter et encore moins penser.

De là, un enlaidissement du monde qui progresse sans que l'on y prenne garde, puisque c'est désormais en-deçà des nuisances spectaculaires, que, d'un continent à l'autre, l'espace est brutalisé, les formes déformées, les sons malmenés jusqu'à modifier insidieusement nos paysages intérieurs.
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Jusqu'à quand consentirons-nous à ne pas voir combien la violence de l'argent travaille à liquider notre nuit sensible, pour nous faire oublier l'essentiel, la quête éperdue de ce qui n'a pas de prix ?
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A cet égard, il se pourrait bien que l'absence de tout affect, dont l'art contemporain a fait un de ses signes distinctifs, aurait plus affaire avec les "eaux glacées du calcul égoïste" dont parle Marx qu'avec la force d'objectivité qu'on se plait à reconnaître à ses réalisations.
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L'apparat, la pompe, le faste ont toujours eu pour fonction de donner une apparence de grandeur à ce qui n'en a pas.
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En attendant, reste la désertion. Longtemps, je me suis demandé si le régime de servitude aujourd'hui en passe d'induire tout lien social était vécu consciemment ou non. Difficile de décider. Mais l'important est plutôt de savoir qui s'y soumet ou non. Innombrables sont les chemins de traverse pour y échapper, quand on veut bien prendre le risque de ne pas se tenir du côté des vainqueurs. Mieux, de s'en tenir au plus loin.
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C’est cette irréalité qui nous fait riches de ce que nous ne sommes pas. C’est cette irréalité qui nous offre la liberté de l’espace intermédiaire qui s’y découvre, accessible à tous mais où chacun est alors à même de trouver le passage par lequel il peut se réapproprier le monde. (…)
Aby Warburg, part en quête de ces passages qu’il voit apparaître dans le vertige des formes. Sa vie durant, quitte à le payer de son équilibre, il en cherche le secret qu’il découvre dans l’extraordinaire courage de l’imagination affrontant, à travers les siècles et les civilisations, la peur qui assiège chacun au cœur de sa pensée, la peur de voir surgir la forme qui ouvre sur le néant qui nous habite.
Et peut-être avant tous, Dante en est si conscient que, dès les premiers vers de La Divine Comédie, il dit le danger de la forêt obscure « qui ranime la peur dans la pensée ». Cette « peur dans la pensée », c’est elle qui empêche de regarder ailleurs, c’est elle qui empêche cette continuelle métamorphose pour rencontrer nos rêves et dont, pour Aby Warburg, certaines images sont capables de conserver et transmettre, d’une époque à l’autre, l’énergie émotive. Cette « peur dans la pensée », c’est encore tout ce contre quoi Victor Hugo combat, en s’exclamant dans Le Promontoire du songe : « Allez au-delà, extravaguez ! »
     
Aussi comment ne pas voir que la marchandisation du monde mise absolument sur cette « peur dans la pensée », produisant des millions de faux-semblants comme autant de leurres qui cadenassent l’horizon ? Comment ne pas voir que cette « peur dans la pensée » est à l’origine de toutes les démissions ?
     
Sinon aurait-on oublié la beauté que Victor Hugo évoque comme « l’infini contenu dans un contour » et qui pourrait bien se confondre avec le but de la « lente flèche de la beauté », que Nietzsche se plaît à imaginer comme celle « qu’on emporte avec soi presque à son insu et qu’un jour, en rêve, on redécouvre, mais qui enfin, après nous avoir longtemps tenus modestement au cœur, prend de nous possession complète, remplit nos yeux de larmes, notre cœur de désir ». (Humain, trop humain, 1878)
     
(pp. 164-167)
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En fait, à l'instar des jeux vidéo qui y font de plus en plus fureur et dont le principe est d'anéantir au plus vite tout adversaire, ce monde est conçu pour éliminer tout ce qui pourrait s'opposer à lui. Le propos simpliste de ce qui est donné pour divertissement ne doit pas faire illusion. Il relève du même principe d'exclusion dont s'autorise le réalisme globaliste pour prévenir la moindre mise en cause.
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On ne sera pas surpris qu'il n'y ait que les fondations et les musées d'art contemporain pour exhiber pareille monotonie. Ainsi, d'une métropole à l'autre, sont exposés les mêmes artistes, tout comme d'un aéroport à l'autre, on retrouve les mêmes boutiques offrant les mêmes produits. Et le parallèle pourrait être poursuivi jusque dans l'absence de toute critique à l'égard de ce qui est proposé dans un lieu comme dans l'autre.
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7. Injonction conclusive : « Seulement, cette fois, il ne s'agit plus de s'en prendre à la colonne Vendôme mais à la gigantesque pièce montée d'une corruption intellectuelle qui s'empare de tous les prétextes pour célébrer ses accommodements avec la domination, jusqu'à en faire le grand spectacle de ce temps.
Assez de ces expositions-phares dont les commissaires, à l'instar des DJ vedettes, mixent le passé et le présent pour empêcher que le futur ne soit jamais autre ! Assez du double langage festif accueilli de toutes parts, sans qu'on y reconnaisse le meilleur agent de maintien de l'ordre ! Assez de ces capitales européennes de la culture qui exproprient la vie des quartiers et des villes pour accélérer la domestication de tous !
Pour l'heure, c'est à chacun de trouver les moyens d'en instaurer le sabotage systématique, individuel ou collectif. » (p. 168)
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Bien sûr, il s'agit de Victor Hugo, doté de tous les prestiges. On ne peut imaginer plus grande dissemblance de moyens, de destin avec ces bâtisseurs autodidactes [tels le facteur Cheval]. Pourtant la quête est la même. Comme eux, il a prêté attention à "la bouche d'ombre" pour savoir que "tout dit dans l'ombre quelque chose à quelqu'un". Et il en ressort que l'insistance de Jean Dubuffet à refuser d'inclure sous la dénomination d'Art brut toute expression, qui ne serait pas le fait de personnages "indemnes de culture artistique" (Jean Dubuffet, in L'Art brut préféré aux arts culturels, Galerie René Drouin, 1949), fausse la perspective. Que se manifeste alors "la seule fonction de l'invention, et non celles constantes dans l'art culturel, caméléon et du singe" (ibidem) tient moins de l'inculture des auteurs de ces oeuvres, comme le prétend Dubuffet, que du décentrement, conscient ou non, que ceux-ci opèrent, non pas seulement par rapport aux "poncifs de l'art" mais par rapport à la vie empêchée qui les génère. Qu'elle est la différence entre le facteur Cheval qui déclare: "D'un songe, j'ai sorti le rêve du monde", et le duc Gianfrancesco Vicino Orsini qui, aux alentours de 1560, entreprit de métamorphoser le paysage environnant son château de Bomarzo, en y faisant surgir des monstres, sirènes et dieux de pierre, pour ajouter au blason des Orsini, cette inscription: "Que Memphis et toutes les autres merveilles du monde cèdent le pas au bois sacré qui ne ressemble qu'à lui-même"? (cité par Gilles Ehrmann, Les inspirés et leurs demeures, 1962)
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