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Mimi Perrin (Traducteur)Isabelle Perrin (Traducteur)
EAN : 9782253137658
571 pages
Le Livre de Poche (01/06/1995)
3.81/5   91 notes
Résumé :
Directeur de nuit au Meister Palace de Zurich, Jonathan est un idéaliste blessé. Pour venger une femme qu'il a aimée - et trahie à son insu -, il se laisse recruter comme agent secret.

Il infiltre l'entourage d'un des richissimes marchands d'armes de la planète. A bord du Pacha de fer, véritable quartier général flottant, et Sur une île des Caraïbes, un nouvel amour lui donne la force de croire encore en lui-même, alors que le désarroi des services se... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Quand John le Carré vous raconte le trafic d'armes, il y a toujours du suspens, des coups tordus à n'en plus finir, des organisations criminelles sans scrupules et quelques hommes dignes pour faire ce qu'ils peuvent. Dans la lutte entre le Bien et le Mal, le mal a bien des atouts, la technologie et l'argent principalement. L'argent qui corrompt et qui gangrène, celui qui transforme en ennemi sournois l'ami de trente ans sur lequel vous pensiez pouvoir compter. Et dans le monde post Guerre froide, où se fait l'argent ? Dans deux trafics aussi lucratifs que mortifères : les armes et la drogue. Lorsque les deux convergent pour s'associer, comme ici, la fortune se déverse à grands flots comme autrefois dans le fleuve légendaire qu'on appelait Pactole. Toutes les bonnes volontés sont emportées et lorsque le fleuve se retire, bien à l'abri dans les paradis fiscaux dont le citoyen lambda ne comprend pas pourquoi ils existent (il suffirait pourtant de poser la question pour avoir une idée précise de la réponse), il ne reste plus que la boue et la honte.
Le Carré a ce talent exceptionnel de décrire méthodiquement et subtilement les rouages et les engrenages qui permettent à la boue de s'insinuer au plus profond des services gouvernementaux, des agences de renseignements et de lutte contre la criminalité, tout en vous présentant quelques héros poignardés dans le dos par ceux qu'ils croyaient occupés à servir l'intérêt général des démocraties. Il est des moments du roman où, ce qui se trame dans les bureaux feutrés des « services » britanniques ou américains, fait penser immanquablement à la pointe émergée de l'iceberg fangeux de notre pas si beau pays (frégates de Taïwan, affaire Dumas, Clearstream, affaire Karachi) où d'obscurs intermédiaires côtoient curieusement les plus hautes autorités de l'Etat, vous savez, celles qui donnent des leçons au monde entier.
De ce cloaque, surgit un des héros les plus extraordinaires de le Carré, un homme désintéressé offrant sa vie simplement pour expier une faute qui n'était pas la sienne, uniquement mû par l'amour et le désir de vengeance. Sera-t-il écrasé comme un insecte ou réussira-t-il à mettre à bas la pieuvre ?
"N'oubliez pas, monsieur Pyne, vous avez un avenir. N'y renoncez plus jamais. Ni pour moi ni pour personne. Promettez-le moi."
Il l'avait fait. On promet n'importe quoi quand on est amoureux. »
On a là un des thèmes récurrents de l'oeuvre, le moment où l'un des pions habituellement manipulé, souvent sacrifié, décide de jouer sa propre partition par loyauté, par vengeance ou simplement par amour. le grain de sable qui change le cours des choses s'est introduit dans la mécanique sophistiquée et il n'y a plus qu'à suivre l'auteur dans son récit et son héros dans son chemin de croix.
Il lui faut bien un peu de soutien, alors, au milieu des affairistes, des « achetés ou des vendus », des minables de la haute administration britannique ou américaine, des politicards sans scrupule, le Carré vous dégotte une poignée de « has been » un peu sur la touche parce que trop purs, et qui, cette fois, décident de brûler leurs vaisseaux et de se révolter contre leur hiérarchie qu'ils savent corrompue. Ils jouent leur dernière partie, sans trop d'espoir de la gagner, juste pour continuer à pouvoir se regarder dignement dans leur glace. On fait appel ici à l'intelligence, au courage, au respect de la parole donnée et à l'amour pour lutter contre l'argent sale, les tortionnaires, les trafiquants et leurs protecteurs, les paradis fiscaux, les milices privées, les fonctionnaires qui ferment les yeux et ouvrent leurs poches, la boue et la nausée. On ment aux menteurs, on triche avec les tricheurs et on monte un bluff gigantesque. Amour et suspens, réflexion profonde et documentée sur l'envers du décor de nos soi-disant démocraties, composent l'un des meilleurs le Carré (je le reconnais, je dis ça pour la grande majorité de son oeuvre). Si vous n'avez pas lu ce roman, allez-y vite et ensuite précipitez-vous sur la série éponyme de la BBC (The Night Manager) où Tom Hiddleston rend magnifiquement justice à Jonathan Pyne (le héros de le Carré) face à un Hugh Laurie (le méchant Roper de l'histoire) qu'on a vraiment envie de détester. Et puis, ne manquez surtout pas, dans la scène du restaurant (épisode 4), ce modeste figurant aux cheveux blancs qui n'est autre que le créateur de Jonathan Pyne et de toute une galerie de personnages magnifiques.
https://www.babelio.com/auteur/John-Le-Carre/18797/videos
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Ce livre a été à l'origine d'un hasard curieux, un signe à la Paulo Coelho, qui m'a troublé durant toute la lecture.
J'avais à peine commencé à lire que j'apprenais, par mon journal favori du soir - édition du 20/11/2010 -, la mort de Mimi Perrin, le 16 novembre 2010, à l'âge de 84 ans, une des deux traductrices de l'ouvrage, l'autre étant isabelle Perrin, sa fille.
John le Carré en avait fait ses traductrices attitrées, et exclusives.
Mimi fut connue dans les années 1960 pour avoir crée un groupe de jazz vocal, les double-six, répertoire de Quincy Jones, Dizzy Gillespie...mais un voile au poumon met fin à sa carrière en 1965.
Bref, me dis-je, me voilà dans de sales draps, qui va maintenant traduire John le Carré, à supposer qu'il écrive encore beaucoup de romans ?
Le directeur de nuit explore des pans secrets de la personnalité des héros, la séduction, l'attrait pour la femme d'autrui.
La trame de l'histoire repose en effet sur le talent de séducteur de Jonathan Pyne, directeur de nuit dans un grand palace de Zurich, amant de Sophie, l'ex maîtresse d'un trafiquant d'armes international, Richard Roper.
Pour venger la mort de Sophie, dont il se considère responsable (je ne vous dis pas pourquoi), Jonathan décide de la venger en "ciblant" la nouvelle compagne de Richard Roper, Jed.
Pour cela, il infiltre, via les services secrets britanniques, sous une identité et une personnalité trafiquées, comme seuls les britanniques peuvent en imaginer, le réseau de ventes d'arme de Roper.
Il y arrive auréolée de gloire, avec un CV à faire pâlir n'importe quel honorable correspondant, aussi titré soit-il.
Comme d'habitude chez John le Carré, les ficelles ne sont ni grossières, ni rugueuses, on est dans la haute couture, le point de croix, les boutonnières passepoilées, le revers large, la coupe ajustée.
L'intrigue s'appuie autant sur les activités de Roper, le trafiquant, dont les agissements et leurs adhérences avec des états voyous sont détaillées avec beaucoup de réalité, que sur la relation Sophie-Jonathan, puis Jed-jonathan, et la volonté de ce dernier, de racheter avec Jed, les péchés qu'il a commis avec Sophie.
Il y a dans la façon dont Jonathan conçoit sa relation avec ces deux femmes, un côté religieux, quasi rédempteur, il veut leur bonheur et pour atteindre cet objectif n'hésite par à régler ses comptes tant au trafiquant d'armes international, qu'aux services secrets britanniques.
Comme souvent chez John le Carré, un héros seul, certain de ses convictions, prêt à tout.
Un livre extrêmement attachant.
En le terminant, j'ai eu à nouveau une pensée émue pour mimi Perrin.
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Un roman d'espionnage pur, un anglais, Jonathan Pyne va vouloir se venger de la mort d'une femme qu'il aimé, tuée par un riche marchand d'arme. Pyne a abandonné sa brillante carrière d'espion pour se retrouver directeur de nuit dans un palace. L'idée de la vengeance n'est pas originale mais c'est dans la façon de faire qui tient du génie. L'auteur arrive à nous donner de l'empathie envers un futur tueur, ancien espion, qui va jouer de tous ce qu'il a appris durant sa carrière pour effectuer cette vengeance. On passera de la Suisse, aux Cornouilles, au Québec en passant par les Bahamas, ou encore le Panama. L'auteur fait voyager son personnage physiquement mais surtout mentalement car ses multiples identités risquent de le perdre, et j'ai adoré.
Le tout est très crédible, et j'ai beaucoup appris, une nouvelle fois, sur le monde de l'espionnage, bien loin de l'univers de James Bond, ici l'action ne réside pas toujours dans l'aventureux mais plutôt dans le risque subtil et ça m'a toujours plu chez John le Carré la façon qu'il a de poser une ambiance pesante sur ses personnages sans pour autant qu'il y est le moindre coup de feu, un simple échange de regards suffit.
C'est un excellent roman pour comment à lire l'auteur, on y retrouve sa plume incisive, sa construction de narration plausible et une aventure originale. C'est aussi un bon roman pour vous remettre dans le bain si jamais vous aviez été déçu de l'auteur, car on a un peu plus d'action que dans le tailleur de Panama par exemple, le rythme est plus soutenu sans pour autant se précipiter.
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Que dire d'un roman d'espionnage sans gâcher le plaisir de la lecture ? Que taire, que révéler ? Grande question, que je me pose aujourd'hui alors que je m'apprête à vous parler du roman de John le Carré, le Directeur de nuit
L'histoire est celle de Jonathan Pyne, directeur de nuit dans un palace de Zurich, le Meister, où il va croiser la route d'un ignoble personnage dont il a beaucoup entendu parler quelques années auparavant, au Caire. Cet homme, c'est Richard Onslow Roper, trafiquant d'armes et de drogue, qui pourrait bien avoir commandité le meurtre de la femme qu'il aimait, Sophie. Et c'est dans l'espoir de la venger que Jonathan s'engage auprès d'une agence de renseignements qui a pour principal objectif de faire tomber Roper. Il va alors faire son possible pour s'infiltrer au coeur du clan afin de comprendre les rouages du trafic. Cette mission, nul ne sait quand ni comment elle s'achèvera, ni même s'il en sortira indemne.
Jonathan est un personnage complexe, parfois attachant, parfois exaspérant, mais en tout cas pleinement dévoué à sa mission, peut-être trop, un brin idéaliste. C'est dans sa dévotion qu'il tente d'oublier un passé lourd d'erreurs et de remords, qui resurgit sans cesse sous forme de flashbacks ou même de visions.
Si vous avez envie d'une lecture légère pour vous évader, passez votre chemin. Toute votre attention sera requise pour comprendre les montages de sociétés, qu'il s'agisse des firmes écrans qui masquent les activités de Roper ou des agences de renseignements qui passent leur temps à se tirer dans les pattes. A vous de suivre qui est avec qui, contre qui, qui joue double jeu, de comprendre ce qui est dit derrière les mots. L'écriture est fluide et limpide ; les personnages, eux, ne le sont pas.
Je dois dire que j'ai eu un peu de mal à entrer dans le roman, mais je me suis assez vite prise au jeu, presque un jeu de piste, où il s'agit de démêler le vrai du faux et les gentils des méchants (mais ces termes ont-ils seulement un sens ?). Ainsi j'ai plusieurs fois tremblé avec Jonathan, frissonné, aimé, détesté, et c'est ce qui me donnait envie d'avancer dans ma lecture. En revanche, la fin m'a beaucoup déçue. Sans rien vous révéler, j'ai eu le sentiment désagréable que l'auteur ne savait pas comment achever son récit et qu'il a pris un raccourci regrettable.
Malgré tout, ce roman m'a donné envie de lire autre chose de John le Carré, dont la fin, je l'espère, me séduira peut-être plus. Et c'est à cause de la fin, justement, que je ne lui donnerai pas au-delà de 3/5. Dommage.
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Dévoré cet été ... mais rangé tout en bas de la pile des bouquins à "billettiser", que j'ai décidé, aujourd'hui, d'attaquer par le bas, sinon je pense que je n'en atteindrai jamais le pied. le grand combat entre les forces du bien (écrire régulièrement mes billets) et les forces du mal (lire et continuer à augmenter la hauteur de la pile) se poursuit, mais, ça y est, j'ai l'impression que le rapport de force a changé, puisque ladite pile ne comprend (plus) que 10 romans (si, si).

Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à nos trafics d'armes, avec ce Directeur de nuit. Jonathan Pyne, pour fuir un passé encombrant, occupe un poste de concierge (ou, plus exactement, de directeur de nuit) dans un très chic palace suisse, à Zurich (pour être raccord, j'ai lu ce roman pendant l'étape Budapest de notre périple estival, alors que nous étions logés au Corinthia, qui est un peu le même genre d'hôtel). Mais Jonathan, en dépit des apparences, n'a pas cessé de rendre de précieux services à la Couronne, puisqu'il est chargé d'une difficile mission d'infiltration dans un réseau mafieux de trafic d'armes et de drogues. Il doit pour cela devenir le proche d'un oligarque milliardaire partageant son temps entre la Suisse et les Bahamas, éviter les femmes fatales surtout lorsqu'il s'agit de la copine de son nouveau patron, et jouer le jeu dangereux des agents doubles.

Rien à faire, j'ai un faible pour les histoires d'espionnage de ce vieux monsieur, qui prouve, encore une fois, qu'il est aussi à l'aise, sinon plus, dans le monde contemporain que dans la guerre froide. La construction du roman est très réussie, l'ambiance oppressante à souhait, le personnage principal nostalgique comme il faut, même si on retrouve le schéma classique des le Carré - le héros a beau être un héros, c'est le système entier qui est corrompu jusqu'à la moëlle. Ah que j'aime le Carré !
Lien : http://le-mange-livres.blogs..
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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
Burr parlait de justice. "Quand je gouvernerai le monde,... j'organiserai le procès de Nuremberg, acte deux. Je ramasserai tous les trafiquants d'armes, tous les scientifiques de merde, et tous ces beaux parleurs de marchands qui forcent toujours plus la main aux tarés parce que ça fait marcher les affaires, et puis tous les politiques menteurs, les juristes, les comptables, les banquiers, et je les mettrai tous dans le box des accusés pour qu'ils défendent leur peau. Et vous savez ce qu'ils diront ? "Si nous, on ne l'avait pas fait ça aurait été quelqu'un d'autre." Et vous savez ce que je répondrai ? "Oh, je vois. Si vous n'aviez pas violé la fille, c'est un autre qui l'aurait fait, et c'est comme ça que vous justifiez le viol. Notez, greffier." Puis je les passerai tous au napalm. Floutch !
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Même pour cette époque de l'année, la neige était impressionnante. D'énormes tourbillons balayaient l'avant-cour illuminée de l'hôtel, telles des vagues frangées d'écume lors d'une tempête. Les chasseurs, prévenus de l'arrivée d'un hôte de marque, scrutaient la tourmente dans l'expectative. Roper ne va jamais y arriver, se dit Jonathan. Même si l'avion a eu l'autorisation de décoller, il n'aura jamais pu atterrir par ce temps. Herr Kaspar a dû faire erreur.
Mais Herr Kaspar, le chef concierge, n'avait jamais fait d'erreur de sa vie. Quand il murmurait "arrivée imminente" dans l'interphone, seul un optimiste congénital pouvait s'imaginer que l'avion du client avait été dérouté. Et puis, pourquoi Herr Kaspar aurait-il été à son poste à cette heure-là sinon pour attendre un gros client ? Il fut un temps, avait dit Frau Loring à Jonathan, où Herr Kaspar vous aurait estropié pour deux francs et étranglé pour cinq. Mais la vieillesse, ça vous change un homme. Maintenant, seul l'espoir de gagner beaucoup pouvait arracher Herr Kaspar aux joies vespérales de la télévision.
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(Il est enfermé par erreur dans l'obscurité totale d'une cave sécurisée que personne n'ouvrira avant six jours.)

Jonathan se força à se calmer, s'assit au garde-à-vous sur ce qui lui sembla un cageot en carton, et s'évertua à faire le bilan de sa vie, une ultime mise en ordre avant de mourir : les bons moments, les leçons tirées, les améliorations apportées à sa personnalité, les femmes bien. Il n'y en avait pas. Pas de moments, pas de leçons, de femmes, rien. Pas une hormis Sophie, qui était morte. Quel que fût l'angle sous lequel il se regardait, il ne voyait que des demi-mesures, des échecs et des faux-fuyants humiliants, dont Sophie était le couronnement suprême. Son enfance avait été un combat de chaque instant qui avait finalement fait de lui un adulte inadapté. En tant que membre des forces spéciales, il s'était enfermé dans une obéissance aveugle et, à quelques défaillances près, avait tenu bon. En tant qu'amant, époux et homme adultère, il n'avait guère mieux à son actif : une ou deux explosions de plaisir mesuré, suivies d'années de disputes et de plates excuses... sa vie avait consisté en une série de répétitions pour une pièce dans laquelle il n'avait pas eu de rôle. Et ce qu'il lui fallait faire désormais, s'il y avait un désormais, c'était abandonner sa quête morbide de l'ordre, et s'offrir un peu de chaos, car autant il était avéré que l'ordre ne pouvait en aucun cas remplacer le bonheur, autant le chaos pouvait en ouvrir la voie.
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Dès qu'il avait vu le nom de Roper, à 17 h 30, Jonathan s'était retrouvé au Caire.
Il l'avait souvent aperçue mais ne lui avait jamais parlé : une beauté langoureuse de quarante ans, élégante et distante, aux cheveux bruns et à la taille élancée. Il l'avait remarquée lorsqu'elle faisait le tour des boutiques du Néfertiti ou lorsqu'un chauffeur musclé l'aidait à monter dans une Rolls-Royce bordeaux. Quand elle flânait dans le hall, le chauffeur devenait garde du corps, toujours sur ses talons, les mains croisées devant les couilles. Quand elle prenait une menthe frappée au restaurant Le Pavillon, ses lunettes noires repoussées dans les cheveux, son journal français à bout de bras, le chauffeur sirotait un soda à la table voisine. Le personnel l'appelait "Madame Sophie" et Mme Sophie appartenait à Freddie Hamid, et Freddie était le petit dernier de ces odieux frères Hamid, qui à eux trois, possédaient une bonne partie du Caire, y compris l'hôtel Reine Néfertiti. Le plus remarquable exploit de Freddie, à l'âge de vingt-cinq ans, était d'avoir perdu un demi-million de dollars au baccara en dix minutes.
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C'est la fête des mères pour l'arrivée de Jonathan à Espérance...
Après huit mois de neige, cette insouciante bourgade québecoise de chercheurs d'or retrouve son animation sous le soleil déclinant, fidèle à sa réputation parmi ses voisines disséminées dans la plus vaste région d'extraction de néphrite au monde. Bien plus animée que Timmins à l'ouest, dans l'Ontario sinistre, que Val d'Or ou Amos à l'est, bien plus que les mornes cités "col blanc" d'ingénieurs hydro-électriciens au nord. Jonquilles et tulipes paradent tels des soldats dans le jardin de l'église blanche au toit de plomb et à la flèche élancée, d'énormes pissenlits envahissent la pente herbeuse en contrebas du commissariat de police. Après leur hibernation sous la neige, les fleurs sont aussi exubérantes que la ville. Les magasins pour les nouveaux riches ou ceux qui espèrent le devenir - la Boutique Bébé et ses girafes roses, les pizzerias portant le nom de mineurs et de prospecteurs chanceux, la Pharmacie des Croyants, qui propose des séances de massage et d'hypnothérapie, les bars éclairés au néon baptisés Vénus ou Apollon, les majestueux bordels auxquels des maquerelles disparues ont légué leur nom, le sauna japonais avec sa pagode et son jardin de galets en plastique, les banques en tous genres, les bijouteries où, jadis comme aujourd'hui, on fondait le minerai volé aux mineurs, les boutiques de mariage et leurs virginales mariées de cire, les affiches en vitrine de la charcuterie polonaise qui vantent des "films super-érotiques XXX" comme des mets de choix, les restaurants ouverts à toute heure pour les ouvriers travaillant par roulement, jusqu'aux offices de notaires avec leurs fenêtres opaques - tout scintille dans la gloire du début de l'été, et merci maman pour tout ça : on va avoir du fun !
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